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Entrevue : Mehdi Maïzi – Le rap queb vu de la France

De passage à Montréal, le journaliste d'OKLM s'est entretenu avec nous pour jaser hip-hop.

Par
Romain Gabriel
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Mehdi Maïzi fait partie de cette génération de jeunes Français des années 90 ayant grandi sur la musique de Doc Gyneco, IAM et MC Solaar. À cette époque, le hip-hop commençait à devenir de plus en plus populaire, sortant tranquillement du cercle des « initiés ».

Âgé de 15 ans, Mehdi Maïzi se met à développer un intérêt particulier pour ce style musical. « Et à partir de ce moment, le rap a pris le dessus sur mon temps de cerveau libre », nous raconte-t-il. C’est là qu’il prend la décision de trouver un moyen de vivre de sa nouvelle passion.

Tentant de faire son entrée dans la communauté hip-hop via l’écriture de textes, l’homme maintenant âgé de 32 ans s’est finalement redirigé vers le journalisme musical. Aujourd’hui, il se retrouve dans l’équipe d’OKLM, un des sites de couverture sur le hip-hop le plus populaire de France en plus de piloter chaque semaine la désormais culte émission de radio La Sauce.

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C’est justement pour enregistrer un épisode spécial rap québécois que Mehdi Maïzi s’est retrouvé à Montréal la semaine dernière. URBANIA Musique a profité de sa visite pour s’entretenir avec le journaliste sur sa vision du hip-hop actuel, de la scène québécoise en plus de s’attarder sur les moments marquants de sa carrière.

Profession et passion

Pour nos lecteurs qui te connaissent moins, peux-tu nous parler de ton parcours de journaliste?

J’ai commencé à concrétiser ma passion en écrivant pour L’Abcdr du Son et c’est comme ça que ça a pris. J’ai ensuite été engagé par Dailymotion (la plateforme de streaming) dans leurs studios de Paris pour créer du contenu. C’est le point de départ de ma carrière : c’était la première fois que je gagnais de l’argent avec le journalisme. Par la suite on m’a proposé l’animation du podcast NoFun.

« À cette époque, j’avais une inspiration et c’était Lil Wayne. »

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À cette époque, j’avais une inspiration et c’était Lil Wayne. À un moment donné, il s’est dit « Maintenant c’est moi le meilleur rappeur en vie, donc je vais être partout ». Je ne me suis pas dit « maintenant je suis le meilleur journaliste en vie », mais plutôt que «dorénavant je veux que mon métier soit lié au rap».

Et maintenant, quelles sont tes activités?

Après tout ça, j’ai enchaîné les projets et OKLM m’a proposé une émission quotidienne : La Sauce. J’anime aussi une émission radio sur Deezer appelée Speakeasy, en plus d’être programmeur pour la plateforme et de continuer mes activités pour NoFun.

J’ai également écrit le livre Rap français : une exploration en 100 albums.

La nouvelle pop

Ce serait quoi ton portrait de l’état du rap français actuellement?

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À la question est-ce que le rap c’est mieux aujourd’hui, je répondrais oui absolument! Je vais paraphraser un tweet récent de Vince Stapples : « Jamais à l’époque de l’âge d’or du rap, les rappeurs remplissaient les stades comme ils le font aujourd’hui ! ». Si on se place de ce point de vue, le rap ne s’est jamais aussi bien porté.

Pendant très longtemps le rap a fait peur en France. Par exemple, sur la cover du premier album d’Ärsenik Quelques gouttes suffisent, ils sont habillés tout en Lacoste. Et à l’époque, en 1998, on sait que Lacoste avait voulu s’écarter de l’imagerie rap d’Ärsenik et ne voulait pas être associé à eux. Aujourd’hui, 20 ans plus tard, Lacoste a choisi Moha La Squale comme une des égéries de la marque. Pourtant, Moha La Squale n’est pas le rappeur le plus policé au premier abord, c’est un mec qui vient de la rue, qui parle de bicrave, de la vente de drogue, etc. Ça montre le chemin parcouru.

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Tout ça sans que le rap devienne la nouvelle pop. Il y a encore plein de gens qui y sont hermétiques et qui ne lui donnent pas le respect qu’ils donneraient à d’autres genres de musique.

Et le rap s’est diversifié.

Oui! Tous les types de couches sociales en écoutent aujourd’hui. On le voit par la mixité du public dans les concerts rap, donc là-dessus c’est une victoire.

« Aujourd’hui il y a une palette de choix quasi infinie. »

En 2018, le rap n’a jamais été aussi riche. C’est aussi bien MHD que Kery James ou de façon plus large Aya Nakamura et Nekfeu. Dans sa proposition, le rap en offre maintenant pour tous les goûts et si tu veux du rap à l’ancienne ou très traditionnel, t’en as. Aujourd’hui il y a une palette de choix quasi infinie.

Le genre s’est vraiment décomplexé aussi, les rappeurs choisissent des thèmes qu’ils n’osaient pas aborder avant. Alors, disons-le : le rap se porte extrêmement bien!

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La belle province

Qu’est-ce que tu penses du rap québécois?

On est très cons en France, pendant longtemps, il y avait juste le rap américain et le rap français. Aujourd’hui heureusement, on va écouter du rap italien ou même du rap allemand, mais c’est assez nouveau. On écoutait un peu de rap belge et encore, on le regardait de haut.

J’ai donc découvert le rap québécois très tardivement avec les Word Up.

Ça nous a permis de découvrir un style de rap qu’on ne connaissant pas. Il y a un amour du style et de la rime chez les rappeurs québécois. Ils pratiquent un rap technique rempli de références. En découvrant Freddy Gruesum ou Suspek-T, les fans de rap français ont aussi découvert un nouvel univers, un accent et une autre manière de rimer.

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Grâce à la Suisse, la Belgique et le Québec, le public français s’est ouvert à d’autres langages. Il y a dix ans, en écoutant la musique de FouKi beaucoup de gens se seraient dit « mais c’est quoi cet accent ?! » alors que maintenant ce n’est plus du tout un souci.

Nous avons vu que tu as reçu Loud à ton émission La Sauce en janvier, quels sont les autres artistes que tu apprécies ?

Depuis un an et demi, il y a beaucoup de morceaux de rappeurs québécois qui arrivent jusqu’à nos oreilles et qui font des collaborations avec des artistes français ou belges.

Personnellement, mon préféré c’est Loud, j’adore son album Une année record. Je kiffe ce genre de rappeur technique qui remplit ses chansons de références. Le mec parle de Jay-Z dans tous ses morceaux… j’adore !

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J’aime beaucoup aussi Obia le Chef, Alaclair Ensemble qu’on a reçu dans La Sauce récemment, Koriass et Zach Zoya bien sûr.

Et que penses-tu du franglais?

Il y a quelque chose d’assez cryptique dans le franglais! Quand tu écoutes un morceau où les rappeurs ont des références en anglais et en français, ça demande un peu plus de recherches et c’est ça qui me plaît. Je trouve ça très cool, car je suis dans un délire d’auditeur un peu geek du rap alors ça m’intéresse de décrypter.

Le rap existe depuis 40 ans alors si on arrive aujourd’hui avec une nouvelle manière de faire sonner le rap c’est un exploit. J’écoute tout ce qui sort en rap français et c’est rare d’être surpris donc j’accueille le franglais comme une aubaine.

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D’un continent à l’autre

Tu es ici pour enregistrer une édition spéciale Québec pour La Sauce dans le cadre de M pour Montréal. Qui est-ce que tu auras comme invités et comment les as-tu choisis?

M pour Montréal m’a invité ici en me disant que j’aurai accès à un studio alors j’ai proposé à OKLM de faire une émission délocalisée de La Sauce avec une partie interview et une partie freestyle. Pour les invités j’ai laissé carte blanche à M pour Montréal en leur demandant de privilégier des rappeurs francophones, car pour notre audience c’est une meilleure porte d’entrée au rap québécois. Donc il y aura Rowjay, Suspek-T, LaF, Koriass évidemment, des gens qui vont représenter le collectif 5Sang14 et d’autres qui vont se confirmer. Il y aura aussi des producteurs notamment Freakey! qui va assurer toutes les prods des freestyles parce que les rappeurs québécois ont une réputation de performers. Koriass a confirmé cette réputation dans la version québécoise de Rentre dans le cercle.

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Ces derniers mois, Yes Mccan a fait un morceau avec les rappeurs belges Caballero et Jean Jass, Souldia a collaboré avec Sinik. Puis Fouki a fait une chanson avec Lord Esperanza. Pourquoi le rap voyage aussi bien dans la francophonie ? :

Tous ces rappeurs ont un historique commun : le rap américain et le rap français. Si tu prends les classiques d’Obia le chef par exemple, c’est autant Biggie que NTM. Tous ces rappeurs habitent à des endroits différents dans le globe, mais se sont construit la même culture.

En plus, les rappeurs peuvent connecter facilement aujourd’hui quand ils s’apprécient, ils s’envoient un message et il y a un morceau qui est en route.

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Pour suivre le journalisme de Mehdi Maïzi, c’est ici.

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