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Entrevue : Kurt Vile n’est pas un slacker

Le guitariste nous parle de son amour du country.

Par
Michelle Paquet
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Quand Kurt Vile entre dans les loges du MTELUS, c’est avec ses longs cheveux dans le visage et un sourire dans la voix. Pour faire rire son équipe, il improvise des paroles sur les airs du soundcheck qu’on entend au loin dans la salle encore vide. Il a un peu l’air d’un grand ado qui niaise avec ses amis, ou d’un slacker, d’un stoner, comme l’ont décrit plusieurs médias quand sa chanson Pretty Pimpin a commencé à faire parler de lui en 2015.

Kurt Vile est loin d’être un slacker. Ce serait de bien mal connaître son parcours que de le réduire à son look. Born and raised en banlieue de Philadelphie, il compose de la musique dès l’adolescence, enregistre ses compositions et travaille dur pour les faire entendre. Plus vieux, il trainait avec des amis qui étudiaient à l’université alors que lui conduisait un fork lift pour arriver à la fin du mois.

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Le succès n’est pas arrivé rapidement pour lui, mais à presque quarante ans, son talent commence finalement à être reconnu par le grand public. Son dernier album, Bottle It In, a fait partie de bon nombre de listes des meilleurs albums de 2018; Lotta Sea Lice, un LP en duo avec l’Australienne Courtney Barnett a aussi beaucoup fait jaser lors de sa sortie.

Quelques heures avant de jouer pour un MTELUS plein à craquer, le musicien et père de deux petites filles s’est assis avec nous pour parler de son processus créatif et de son grand amour pour la musique country.

Enregistrer sur la route

Depuis que Bottle It In est sorti, je n’arrête pas d’entendre parler de comment l’album a été enregistré dans plein de studios et de villes différentes. C’est un peu devenu ta façon de faire au fil du temps. J’imagine qu’à tes débuts ce n’était pas comme ça. Comment ça a commencé cette idée d’enregistrer dans plusieurs studios ?

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Même au début, je le faisais d’une certaine façon. Avant de pouvoir me permettre d’aller à L.A. ou à d’autres endroits dans le monde, j’enregistrais déjà dans plusieurs studios à Philadelphie, dans les studios ou les chambres de mes amis. Je suis habitué de bouger d’une place à l’autre.

Je suis habitué de bouger d’une place à l’autre.

Maintenant, c’est un peu une extension du DIY qu’on faisait dans les chambres de mes amis. Après sept albums [ndlr: huit si on compte Lotta Sea Lice avec Courtney Barnett], j’ai rencontré plein de gens avec lesquels j’aime travailler. Quand je sais que je vais être à L.A. ou ailleurs, j’arrête les voir. Il y a quelques albums de ça j’aurais sûrement booké du temps de studio, puis j’aurais pris un avion pour aller enregistrer là-bas. Là, je m’arrange pour booker du temps quand je sais que je vais être de passage dans une ville.

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Avec la famille et tout, avoir un studio à la maison, est-ce que c’est quelque chose qui pourrait t’intéresser ?

Oui, c’est quelque chose qui m’intéresse pas mal. Avant je m’enregistrais souvent à la maison avec un petit 8-track digital, mais c’était plutôt lo-fi. Il y a deux des membres de mon groupe qui sont des professionnels ou qui ont des studios à la maison. Moi, je suis celui qui s’y connait le moins, mais je suis en train de préparer un espace dans mon sous-sol pour ça.

Est-ce que le côté technique t’intéresse, ou c’est plutôt le produit final qui t’importe?

J’aime l’idée d’être assez confortable avec l’équipement pour m’enregistrer moi-même.

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J’aime l’idée d’être assez confortable avec l’équipement pour m’enregistrer moi-même. Comme ça, il n’y a personne d’autre dans la pièce et je peux être complètement vulnérable. J’aime veiller tard des fois et ce serait intéressant de voir ce que je pourrais capturer comme moment si j’étais capable de m’enregistrer tout seul.

Comme ça tu peux filtrer ce que tu choisis de montrer aux gens ?

Exactement.

Est-ce que c’est un peu la même chose pour l’écriture ? Écris-tu beaucoup sur la route ?

Oui, pas mal. Ma seule règle c’est de ne pas me forcer à le faire. Dernièrement, j’ai commencé à écrire quelques trucs tranquillement, mais je ne me force pas. Je peux écrire pas mal n’importe où, tant que je suis inspiré. L’important c’est juste que je ne m’oblige pas à écrire.

Une spirale d’idées

Les gens ont tendance à décrire tes textes comme des « streams of consciousness » (un flux de pensée). Tu me diras si je me trompe, mais ça me fait plutôt penser à des « thought spirals » (spirales d’idées). Un peu comme quand on fait de l’anxiété et que nos pensées commencent à être incontrôlables et à se répéter.

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C’est cool ça. C’est une bonne façon de le décrire, je vais probablement te la voler (rires). C’est un peu ça que c’est. C’est un flux de pensées, mais c’est d’être conscient d’une idée en général, pas juste d’écrire tout ce que tu penses. C’est un peu comme une spirale oui, c’est comme si tout tournait autour d’un même thème.

Des chansons comme Mutinies ont un côté claustrophobe, comme quand on se perd dans des pensées anxiogènes. Est-ce que tu te considères comme une personne anxieuse?

Je peux l’être. Je pense que l’époque dans laquelle on vit dépasse l’anxiété, c’est presque de la science-fiction. C’est comme un cauchemar en fait, surtout en Amérique. Juste le fait d’être un père de famille [est anxiogène]. On est toujours bombardés et stimulés par des choses négatives, c’est difficile de ne pas y accorder d’attention.

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De l’importance du country

Sur l’album, il y a une reprise de Rollin With The Flow de Charlie Rich. Quelle est ta relation avec la musique country ?

J’ai grandi avec le bluegrass et quelques trucs de country de base, genre Johnny Cash ou Hank Williams, que mon père écoutait. Avec le temps j’ai aussi commencé à écouter de la musique folk américaine à cause de mon père.

Juste avant la sortie de b’lieve I’m going down…, l’album avant celui-ci, j’ai fini de lire une biographie de Jerry Lee Lewis qui s’appelle Hell Fire. C’est écrit par Nick Tosches, qui a aussi écrit un livre vraiment fou sur la musique country, Country : The Twisted Roots Of Rock ‘n’ Roll. J’ai aussi lu une biographie de George Jones et ç’a été ma gateway drug. J’ai commencé à aller de plus en plus deep dans plein de sortes de musique country et j’ai jamais arrêté.

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Je sais aussi que tu es un grand fan de Neil Young. En scrollant sur Facebook aujourd’hui, j’ai vu que tu avais écrit un texte pour le site web des archives de Neil Young, mais honnêtement, je n’ai pas eu le temps de le lire (rires).

C’est pas grave ! (rires) Neil Young a un site où il y a toutes ses archives qui sont mises à jour constamment. On a fait sa première partie une fois [au Festival d’été de Québec en 2018] et j’ai écrit à ses archives parce que j’étais vraiment excité et je voulais qu’ils me tiennent au courant [de quand ils allaient publier des photos ou vidéos du concert].

J’ai écrit à ses archives parce que j’étais vraiment excité et je voulais qu’ils me tiennent au courant.

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Pendant que j’étais en tournée, ils m’ont écrit pour me proposer de participer à une série de playlists pour le site. C’est un peu comme un truc que tu pourrais faire sur Spotify, sauf que c’est juste des chansons de Neil Young et la qualité est vraiment malade, pas comme des shitty mp3 (rires).

J’ai finalement réussi à terminer ma playlist et le petit texte qui va avec qui explique pourquoi j’aime tellement Neil Young et maintenant c’est sur le site. J’ai atteint mon but d’être le tout premier à faire une playlist pour ses archives. So, I win ! (rires)

Vous pouvez lire le texte de Kurt sur son amour pour Neil Young au www.neilyoungarchives.com. Son dernier album, Bottle It In est paru le 12 octobre 2018 et il est présentement en tournée un peu partout en Amérique du Nord.