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Entrevue : Kallitechnis – Chanter les couleurs

La jeune artiste vise l'expérience sensorielle ultime.

Par
Hugo Bastien
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Le nom de Kallitechnis commence à faire de plus en plus de bruit dans la métropole. Il signifie être « maître de son art » en grec, la langue natale de ses parents, et il se propage comme une trainée de poudre dans la scène underground anglophone. Explorant autant la musique que les autres formes d’art (danse et arts visuels), la chanteuse offre à son public une œuvre axée sur le self care, et l’expérience sensorielle.

C’est en lançant son premier titre Talk Talk Talk en 2016 qu’elle a fait son entrée dans le monde musical. Depuis, elle cumule les singles et les collaborations, en plus d’avoir déjà deux EP à son actif, dont le dernier, Chromatic, lancé en janvier dernier. Il s’était d’ailleurs retrouvé dans notre liste des albums du mois à l’époque.

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Bref, l’artiste multidisciplinaire ne cesse de faire de bons coups. Son dernier, c’est lorsqu’elle s’est produite sur la scène principale dans le cadre du Festival Santa Teresa. C’est à la suite de sa performance que je l’ai rencontrée pour discuter de l’importance des sens, des couleurs, et de son désir de créer l’expérience ultime.

Rester zen

Comment t’es-tu intéressée au chant? As-tu suivi des cours?

J’ai commencé à m’intéresser au chant en regardant des films. Ça a toujours pris une grosse place dans mon enfance : écoutez des comédies musicales avec ma mère, et chanter les chansons. Ç’a toujours fait partie de ma vie, mais je n’avais jamais pris ça assez au sérieux pour suivre des cours de chant. C’était vraiment juste un passe-temps jusqu’à ce que je réalise : « Oh shit, je pense que je peux, et VEUX faire ça comme métier ».

Ta musique est calme, tu es très réfléchie dans tes propos également. Est-ce que tu dirais que tu es quelqu’un de zen dans la vie?

J’essaie oui. Je pense que la seule chose qui me retient parfois d’être zen, c’est que je focalise trop sur de petits détails, mais over all je pense que je suis une personne relax oui.

Qu’est-ce qui te stresse le plus?

Souvent j’overthink, je rumine. J’ai la mauvaise habitude de me concentrer sur ce qui pourrait arriver de négatif au lieu du positif. Avant de faire un spectacle, je fais juste penser à ce qui peut mal se passer, ce qui n’est pas vraiment sain. J’essaie de le faire moins, et en fait, aujourd’hui avant mon spectacle, je n’étais pas vraiment stressée. J’essaie de sortir de ma tête, et on dirait bien que je m’améliore.

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Faire rayonner la scène

Tu as travaillé avec Lou Phelps et Planet Giza, entre autres. Ce sont eux aussi des artistes de la scène musicales anglophones, mais qui restent quand même en marge des médias traditionnels. Est-ce qu’il y a de la place pour la musique anglophone au Québec?

Je pense qu’il pourrait définitivement y avoir plus de place pour la musique anglophone. Ça reste avant tout une question politique, et les médias ne mettent pas l’accent sur la musique anglophone. Le gouvernement et la province en générale sont très protecteurs du français, ce que je comprends. Mais ça fait que nécessairement, il y a moins d’opportunités et de couverture médiatique pour les artistes anglophones. C’est dommage, parce que oui, c’est une scène underground, mais où il se fait beaucoup de choses de qualité dont personne ne parle. C’est plate parce que ça nous donne l’impression qu’on travaille dans le vide qu’on doit avoir du succès à l’extérieur de la province avant d’y être reconnue.

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C’est malheureusement comme ça que bien des gens du milieu musical anglophone se sentent, et c’est pour ça qu’on se soutient entre nous. Mais ce serait bien que ces artistes-là commencent être plus sous le spotlight. Surtout qu’ils sont eux aussi des représentants de la province, même s’ils parlent anglais, espagnol ou grec. Je suis une représentante de Montréal et du Québec partout où je vais, et ce serait bien d’avoir plus de soutien.

Ça ressemble à quoi une session studio avec Kallitechnis?

C’est toujours très chill. J’aime co-produire avec la personne avec laquelle je travaille. J’écris aussi sur le spot, je me laisse inspirée par le moment. C’est vraiment une question d’être dans le moment présent, et d’ignorer le reste du monde pour se concentrer à créer quelque chose qui va te faire sentir bien.

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Parle-moi un peu de ton band : qui t’accompagne sur scène?

Mon set live est vraiment le fun. Selon moi, c’est encore meilleur que d’écouter ma musique sur les plateformes de streaming. Sur scène avec moi, j’ai un claviériste, un guitariste et un batteur. Ils ajoutent tellement d’énergie à ma musique et je suis vraiment reconnaissante d’avoir la chance de pouvoir me produire avec eux. C’est dope.

Toucher tous les sens

Les couleurs prennent beaucoup de place dans ta promo. Pourquoi aimes-tu autant ça?

Je pense que c’est parce que je veux donner plus d’importance à tous les sens en général. Selon moi, l’expérience musicale est une manière multisensorielle de voir les sons et la vie. Beaucoup de gens sont synesthésiques, ils peuvent VOIR les sons, et mon but c’est d’offrir cette vision-là aux autres personnes. C’est pour ça que j’inclus toujours la couleur dans ma musique, pour recadrer comment on perçoit la vie. Quand tous nos sens sont sollicités, ça crée l’expérience ultime.

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Tu t’intéresses à plusieurs formes d’art. Laquelle n’as-tu pas essayée encore et que tu aimerais faire dans le futur?

C’est pas si loin de ce que je fais déjà, mais j’aimerais beaucoup apprendre à produire moi-même ma musique, from scratch. C’est définitivement sur ma to-do list.

Tu parles beaucoup de l’importance d’avoir l’esprit au-dessus de l’égo. Avec ta carrière qui monte de plus en plus, sens-tu parfois que tu struggles avec ça? As-tu eu des moments où tu avais de la difficulté à appliquer cette maxime-là ?

Définitivement. Mais, je pense que je savais déjà que cette phrase-là serait indispensable pour moi dans l’avenir. C’est pas juste une phrase, c’est surtout un outil que je me suis donné pour me grounder et je pense que je vais en avoir de besoin particulièrement en ce moment. Plus ma carrière avance, plus les distractions s’accumulent et plus on met l’accent sur des choses superficielles. C’est facile de se faire absorber là-dedans. C’est pour ça que ce mantra va m’aider dans le futur.

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En terminant, je sais que tu es une bonne danseuse. Moi je suis le pire. Si tu avais un conseil pour moi pour apprendre à me laisser aller dans la danse, ce serait lequel?

Je pense que c’est surtout une question de ne pas se censurer. Quand j’ai le plus de plaisir à danser, c’est quand je ne pense même pas à danser. Ça peut sonner quétaine, mais je fais juste laisser passer la musique au travers de mon corps. Selon moi, danser est juste une manière naturelle d’utiliser nos corps, et c’est pour ça que toutes les cultures dansent. Tout comme la musique, c’est un moyen d’expression qu’ont trouvé les humains. Ce n’est pas une question d’être capable de suivre le beat, ou de bouger ton bras d’une certaine manière.

C’est plutôt une question de lâcher son énergie au travers de son corps. Parce qu’au final, notre corps c’est notre seul médium pour expérimenter la vie.

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