Dans le monde de la musique, les musiciens ont souvent leurs propres légendes urbaines : Jerry Lee Lewis et le meurtre de sa femme, James Brown sur le PCP, les Rolling Stones et la femme de Trudeau premier, Biggie et Tupac, Sid et Nancy… On connait bien les histoires, mais la ligne qui sépare la fiction et la réalité est souvent assez mince. Selon Jake Brennan, l’animateur du balado Disgraceland, notre fascination pour les rockstars vient du fait que ce sont des « animaux sauvages et narcissiques » qui ne savent pas comment se conduire en société.
Brennan, lui-même musicien, a grandi avec les histoires sex, drugs & rock ‘n’ roll des plus grands de la musique et a longtemps été fasciné par le folklore entourant les groupes qu’il aimait. Maintenant adulte et père de famille, il a réalisé que même si les rockstars avaient de bonnes histoires à raconter, il ne laisserait jamais ces gens-là s’approcher de ses enfants. Avec son podcast, il tente de faire des liens entre l’artiste, ses moments les plus sombres et son oeuvre.
Par contre, il nous avertit dès le début, même s’il fait énormément de recherche lorsqu’il écrit un épisode, Disgraceland n’est pas du journalisme et devrait être pris avec un grain de sel. Comme l’histoire qu’un vieux pilier de bar vous raconterait à 3 heures du mat…
Nous avons discuté avec Jake pour parler de la saison 3 de Disgraceland, qui paraîtra le 14 mars prochain.
Le côté obscur des stars
J’ai lu que ton père était musicien et que tu as aussi joué dans un band dans le passé. J’imagine que tu as toujours été entouré de gens qui font de la musique… Est-ce que tu sais à quel moment ta fascination pour le dark side des rockstars a commencé ?
« La première histoire qui m’a vraiment marquée, c’est celle de Jerry Lee Lewis. [NDLR: la rumeur veut qu’il ait tué sa 5e femme, mais sa mort a été déclarée accidentelle.] Je l’ai lu quand j’avais à peu près 15 ans. En grandissant, mes bandmates et moi, on tripait sur sa musique, mais personne ne me croyait quand je leur racontais l’histoire (rires).
« Plus tard, quand je cherchais un titre pour le podcast, je me suis rappelé que les gens qui habitaient proche de chez Jerry Lee Lewis appelaient sa propriété Disgraceland à cause de tous les trucs louches qui s’y passaient. C’est comme ça que le titre est né. »
La troisième saison du podcast commence bientôt. Après quelques années, ça doit commencer à être plus difficile de trouver des histoires à raconter. Est-ce que tu as commencé à prendre les suggestions du public ?
« La plupart des histoires [racontées pendant le balado] sont des anecdotes qui m’étaient déjà familières, mais les gens vont aussi me donner beaucoup de suggestions. En gros, ce que je cherche c’est un bon mix de true crime et de musique. Je veux utiliser le crime commis comme un véhicule pour parler du big picture: le musicien et ses motivations. »
« Ça peut être difficile avec les histoires récentes parce qu’il n’y a pas beaucoup d’informations. Par exemple, avec Tay-K 47, l’histoire n’était même pas encore terminée quand l’épisode est sorti. [Saison 1 en 2018] »
« Des fois c’est même plus dur lorsqu’il y a trop d’informations. Avec Rick James, disons, c’était difficile de trouver comment enligner l’histoire parce qu’il y avait tellement de criminalité [dans sa vie.] »
Interviewer un meurtrier
Qu’est-ce que tu trouves le plus intéressant dans ces récits de « musicians behaving badly » comme tu les décris ?
« Quand j’en parle dans ce sens-là, c’est un peu pour nous critiquer en tant que société. Je pense qu’on aime quand ils misbehave parce que c’est plus intéressant, mais en même temps fuck us de vouloir qu’ils soient comme ça parce que ce n’est pas sans conséquence. Il y a aussi des victimes là-dedans. »
« Le rock ‘n’ roll a été bâti sur le principe de sex, drugs & rock ‘n’ roll et nous on accepte et on célèbre ça, on s’est créé un craving pour ça. À un moment donné, il faut se questionner et se demander où est la ligne. Se demander pourquoi ce serait OK pour un musicien d’agir comme ça [et pas pour quelqu’un d’autre ]. »
« J’étais en train de relire Please Kill Me, qui parlait d’une histoire sur Iggy Pop ou quelqu’un comme ça et j’étais fasciné. Plus je lisais, je me disais que j’adorais ces musiciens, mais que je ne les laisserais jamais s’approcher de mes enfants (rires). »
« J’ai voulu faire un podcast que j’aurais envie d’écouter. Je voulais transposer ce que j’aime des séries ou des films [qui m’intéressent] au médium du podcasting. Je voulais aussi utiliser les skills que j’ai apprises dans la scène musicale DIY pour le produire. Le côté storytelling du balado c’est ce que je voulais faire, mais c’était aussi une nécessité parce que je ne pouvais pas payer pour avoir plein de tounes ni faire des entrevues avec des gens semi-connus du milieu pour attirer l’attention. »
En parlant d’entrevues, je voulais parler avec toi de celle que tu as faite avec Michael Alig. [NDLR: Alig est un club kid qui a assassiné l’un de ses amis dans les années 1990. L’épisode 11 de la saison 1 de Disgraceland parle de son histoire. Jake l’a plus tard interviewé pendant la saison 2 pour parler de ce meurtre et de GG Allin.]
« Il m’a contacté après la sortie de l’épisode et ça m’a un peu freaked out. Je me suis questionné pas mal [avant d’accepter de faire l’entrevue] parce que j’ai de l’empathie pour Angel Mendez [la victime d’Alig]. J’ai fini par accepter parce que Michael pouvait nous donner plus de détails sur son histoire, mais aussi sur celle de GG. »
Parce que Michael Alig avait participé au même talk-show que GG Allin pas longtemps avant sa mort ?
« Oui, exactement ! Ça me semblait une opportunité just too good to pass on. Je me suis dit que ça intéresserait mes auditeurs et si je me fie aux stats de téléchargement de cet épisode, ils ont vraiment apprécié. »
L’entrevue avec Michael Alig est un peu un bonus qui sort du format habituel de Disgraceland et, même si Jake a apprécié l’expérience, il ne compte pas faire des entrevues du genre de façon régulière. Il ne ferme par contre pas la porte à des épisodes spéciaux ou à d’autres bonus, mais il veut conserver le format de storytelling du balado.
La saison 3 de Disgraceland débute le 14 mars prochain et sera disponible sur la plupart des plateformes de baladodiffusion (Apple Podcast, Spotify, Stitcher, etc.), ainsi qu’au www.disgracelandpod.com. Cette troisième saison abordera notamment les histoires de Kurt Cobain, Snoop Dogg, Ike Turner et Amy Winehouse.