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Entrevue : Helena Deland – En « rodage »

La chanteuse est présentement en train de tester ses nouvelles chansons sur scène.

Par
Michelle Paquet
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Le grand public a découvert Helena Deland autour de 2016, alors que son premier EP, Drawing Room, a fait entrer ses textes intimistes dans notre quotidien. Pendant plusieurs années, on utilisait des termes comme timide ou fragile pour décrire la voix de la jeune femme, voire même pour parler de sa présence sur scène. Si elle a déjà été cette fille-là, la musicienne avec qui je discute sur une plage de Carleton-sur-Mer est loin d’avoir la vibe d’ingénue gênée qu’on lui a longtemps apposée. La fille assise à côté de moi à l’air solide et quand elle me parle de ses projets, de son parcours, elle a le regard franc et le sourire facile.

Helena vient à peine d’arriver en ville quand je la rejoins à la Cabane-à-Eudore pour notre entrevue. La salle de spectacle improvisée ressemble à une cabane de pêcheur sur le bord de la mer et pourra accueillir environ trente personnes pour son spectacle plus tard en soirée pour la première édition du Festival BleuBleu. J’avais mal calculé le temps que ça me prendrait pour trekker sur la plage jusqu’à notre point de rencontre et c’est un peu en retard et essoufflée que je me présente.

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En rodage

Entre les politesses, les anecdotes de route et notre énervement commun pour le BleuBleu, on se met à l’aise sur une petite bûche. « Tout le monde capote que ton show soit dans la petite cabane ce soir, mais moi je suis curieuse… J’ai entendu dire que tu jouais quelques nouvelles tounes en spectacle ? » Elle rit un peu avant de me répondre :

« On a fini d’enregistrer mes dernières chansons il y a deux ans, alors c’est sûr que je travaille sur du nouveau matériel depuis… Casser des nouvelles tounes en live, ça me permet de voir s’il y a une vibe ou pas. C’est full rafraîchissant pour moi de savoir que la toune existe juste [en spectacle] en ce moment parce qu’elle n’a pas encore été enregistrée. Des fois, tu vois que l’énergie ne change pas pantoute [quand tu la joues] pis là t’es comme “OK celle-là elle est un peu flat” (rires). »

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Ses nouvelles chansons ont été écrites depuis la sortie de Altogether Unaccompanied, une série de petits EPs parus au fil de l’année 2018. Les morceaux avaient mûri pendant cinq ans avant de finalement être enregistrés. Dans la foulée de la sortie des EPs, qui ont tous paru à quelques mois d’intervalle, Helena disait souvent qu’elle aimait prendre son temps pour travailler. C’est toujours le cas, mais maintenant on risque de ne pas avoir à attendre aussi longtemps avant d’avoir du nouveau matériel. « Ces tounes-là [les nouvelles] ont un certain âge, mais c’est vraiment pas le même truc que quand je sortais des chansons de mes vieux tiroirs parce que je les aimais encore. Celles-là, elles sont plus d’actualité. »

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Les chansons qu’elle teste en ce moment devraient se retrouver éventuellement sur un premier album, mais en attendant elles vivent sur scène. « C’est excitant, parce que c’est un peu la première fois [que je compose comme ça]. Les autres tounes étaient vieilles et je ne faisais pas encore de live quand je les ai écrites. » Comme elle me le racontait plus tôt, les spectacles lui permettent de continuer de travailler les morceaux avant de les enregistrer, mais le live lui a aussi apporté une certaine confiance.

« [En tournée], il y a des shows qui sont difficiles pis ça te donne une leçon et il y en a d’autres qui sont super faciles et qui te donnent une autre leçon. T’apprends. Vite (rires). »

Apprivoiser la machine

Notre discussion sur la vie de tournée et les semaines sur la route nous mènent à mes premières impressions d’elle comme une artiste timide. Je lui dis : « Je me souviens, il y a quelques années quand tu as commencé a attiré l’attention des médias… Tu n’avais pas vraiment fait de shows encore, on parlait souvent de toi comme d’une fille gênée… finalement la fille que j’ai devant moi, c’est vraiment pas ça ! (rires) »

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Elle me répond en secouant la tête un peu. « C’est quand même fou tout ça. C’est allé vite pour moi et je pense qu’il fallait que je trouve ma place, en tant que jeune adulte, dans le métier que j’ai chois de faire. » En effet, les médias l’ont souvent vue comme étant de next bing thing et plutôt que de se casser la gueule dans les bars avant, Helena a dû apprendre rapidement et devant un public de l’industrie, de médias et de fans.

« Avant, je pense que j’avais envie de m’excuser de vouloir faire [ce métier-là]. J’avais peur de l’échec qui serait plus difficile à assumer si je me donnais en entier dès le départ, c’était des mécanismes de défense. J’ai commencé à faire de la musique “tard” et j’avais l’impression de devoir me watcher tout le temps. J’étais vraiment self-conscious. Là, il y a un plus dialogue qui se passe [avec le public]. Je ne suis plus dans ma bulle à stresser de faire des erreurs. Je me sens présente. C’est là que ça devient intéressant et bénéfique de jouer live. »

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The next big thing

Ce n’est pas très compliqué de faire un lien entre tous les regards qui étaient posés sur Helena et la pression qu’elle semblait se mettre sur les épaules au début de sa carrière. « Je pense que ça a été plus nocif pour moi qu’autre chose [l’attention médiatique] parce que je ne la comprenais pas, m’explique-t-elle. Ça a comme décrédibilisé la voix journalistique pour moi. Je ne me voyais vraiment pas rendue là et je ne voyais pas de changements majeurs dans ma carrière. »

Elle en est venue à se demander si on criait tout le temps à la next big thing. C’est encore une question qu’elle se pose, même si elle est reconnaissante qu’on s’intéresse à son projet depuis le tout début.

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En reprenant le sentier qui me mène vers Carleton après notre entrevue, je me suis dit que c’est toute une chance pour nous que de voir Helena Deland s’épanouir devant nos yeux. Depuis 2016, l’artiste qu’elle est me fascine et je ne peux pas m’empêcher d’avoir hâte de voir ce qu’elle nous prépare pour la suite. Qu’elle devienne the next big thing ou pas, je suis déjà vendue à Helena.