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Entrevue : Clay and Friends – La victoire de la musique live

Le groupe revient en force avec un nouvel EP qui fait grouiller.

Par
Simon Tousignant
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Il y a des groupes de musique qui sont difficiles à catégoriser dans une case bien précise. Ç’a longtemps été le cas pour Clay and Friends.

Reconnus comme des bêtes de scène, les membres du groupe restaient tout de même à la recherche d’une identité musicale claire. Maintenant, le diamant semble avoir été poli et transformé en quelque chose de grand et d’abouti. C’est le sentiment qu’amène Grouillades, le nouveau EP du groupe, sorti vendredi dernier. Ce projet ensoleillé — mais pas trop — prouve que le groupe a passé le cap, lui qui nous présente pour la première fois un projet en français dont la qualité et la direction impressionnent.

Le français comme défi

C’est dans un bar de l’est du Plateau Mont-Royal que j’ai rencontré les gars, question de prendre le pouls du groupe juste avant la sortie d’un projet qui devrait changer beaucoup de choses pour lui. Déjà, parce qu’il s’agit d’un EP dans la langue de Molière, un défi inédit pour Clay and Friends. Après tout, le groupe a connu son plus gros hit avec Going Up The Coast, tiré de son dernier album La Musica Popular de Verdun paru en 2018. Alors pourquoi ont-ils décidé de présenter ce nouveau projet en français ?

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« C’est comme un défi personnel, parce que j’ai envie de faire de la bonne musique francophone qui grouille, qui bouge, et j’ai de la misère à en trouver, » avoue sans prétention le chanteur Mike Clay. « Après La Musica Popular de Verdun, il y a une grande partie de moi, en tant que Montréalais qui vit en français, qui a voulu redécouvrir la culture francophone, autant québécoise que d’ailleurs. Ça m’a mené à découvrir Gainsbourg, Ferré, etc. »

Cette découverte a ouvert une brèche créative qui permet au groupe d’offrir son projet le plus étoffé à ce jour. Sur Grouillades — titre tiré du créole, faisant référence aux danses collées haïtiennes — on retrouve justement un joli métissage en termes de langue, de musique et d’influences. Sauf que le tout est d’une concision magistrale; pas le temps de se perdre pendant l’écoute du EP d’une quinzaine de minutes. Le projet est résolument pop, mais pas cette pop bonbon dont le nom a souvent fait siler les oreilles des puristes.

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S’inspirer des autres

Une des grandes forces de Mike Clay, c’est cette voix qui se promène constamment entre chant et rap. Si on fait abstraction des paroles, on a droit à une collection de chansons légères, agréables et entrainantes. Mais si on s’attarde à l’écriture, on en retire inévitablement quelque chose de plus grand. Notamment sur OK, dont la création, comme pour la majorité des pièces, s’est faite de façon spontanée.

« C’est fou parce que j’étais dans un party avec plein de gens connus, des influenceurs, des chanteurs, et j’ai décidé que ce soir-là, j’allais noter des phrases, explique Clay. Tout ce qu’il y a dans OK, ça vient de cette soirée-là, c’est que des choses que j’ai entendues à travers la soirée. »

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Si la chanson critique effectivement le mode de vie des influenceurs (« fais-le pour le follow »), on y retrouve surtout un portrait post-moderne des valeurs du monde actuel. Gageons que certaines des célébrités citées sur la chanson sans le savoir finiront probablement par danser en l’écoutant.

La chimie opère

C’est que disons-le, Clay and Friends sait rassembler les gens, comme le montre leur succès retentissant sur scène. Tout ça vient de la complicité évidente entre ses membres. Lors de notre rencontre, c’est souvent Mike et Adel (aka Poolboy, beatboxeur et plus généralement, beatmaker) qui prennent les devants, offrant témoignages et blagues à profusion. Derrière, Pops et Killah B, respectivement guitariste et bassiste, forment la force tranquille du groupe (le claviériste Alvaro étant absent). Sauf que chacun de leurs mots vient compléter celui des deux frontmen : les rôles sont rodés, définis.

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« C’est certain qu’on est plus posés, avoue Pops. Mais finalement, ça crée un équilibre nécessaire au groupe. Avec le temps, on a trouvé la bonne formule, qui va chercher les forces de chacun pour combiner tout ça et obtenir ce qu’on est en tant que band. »

« On se bat juste une fois par année ! » blague Mike.

Individuellement, les membres de la formation sont plus courus que jamais. Clay a prêté sa plume à plusieurs artistes dans la dernière année, et on peut entendre Poolboy et Pops sur plusieurs projets importants du rap québécois, notamment ZayZay de FouKi ou Citadelle de LaF (où Pops apparaît sur près de la moitié de l’album).

« Ce qui est important, c’est que si on est où on est en tant que groupe, explique Pops, c’est parce que chacun aime la couleur que les autres amènent. Alors oui, on va prêter ces couleurs-là à d’autres artistes, mais c’est ensemble qu’on avance. »

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La musique live va toujours l’emporter

Des fois, ce mélange de couleurs donne une chanson comme Joséphine, un exercice pop-reggaeton très réussi qui pourrait jouer autant dans un party d’influenceurs que dans un bar de Saint-Jérôme.

« Joséphine, ironise Mike Clay, c’est la toune que tout le monde connaît qui joue à 2 h 37 dans le club et qui te pousse à te dire “OK, une dernière chanson avant de partir” (rires). Surtout en live, c’est mon plaisir coupable, je crinque l’Auto-Tune à 300 % et je me laisse aller. »

Au final, c’est justement le live qui vient lier tout ça. Parce que produire de la bonne pop franco c’est une chose, mais la performer et divertir un public en est une autre. Cette notion d’improvisation et de performances généreuses est à la base du groupe, et ce même avant sa naissance.

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« J’ai fait un rêve il y a des années — avant Clay and Friends, me raconte Adel en sirotant sa bière, où j’ai amené Kendrick Lamar à mon studio. Il devait partir, mais avant de quitter, il m’a dit “live music will prevail (la musique live va prévaloir)” et c’est resté avec moi. Pas longtemps après, j’ai rencontré Mike, on a commencé à jouer dans la rue, pis checkClay and Friends est rendu aujourd’hui ! »

Et bien, Clay and Friends est rendu à lancer son EP Grouillades dans un Club Soda sold out ce jeudi, et à l’Impérial de Québec samedi. On pourra ensuite retrouver le groupe un peu partout au Québec et en Europe l’été prochain, dont à Osheaga le 31 juillet. Kendrick avait dit vrai : live music DOES prevail.