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Tout commence dans la salle d’attente d’une clinique, un ti-gars à la jambe amochée tue le temps en feuilletant les magazines qui trainent sur la table. Il tombe sur une copie du South American Explorer qui relate l’existence de formations pyramidales éparpillées dans la dense jungle péruvienne. Le petit gars en oubli son mal, sa tête est déjà dans la brousse, il se voit machette à la main se frayant un chemin parmi les lianes, avançant à tâtons à la recherche de ces pyramides.
Ce petit gars s’appelle Thierry Jamin et il a fini par les trouver 20 ans plus tard.
L’Indiana Jones des temps modernes
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URBANIA est allé à sa rencontre dans son repaire situé à Cusco, ancienne capitale du royaume inca. Il nous reçoit le sourire aux lèvres dans son humble résidence. Évidemment, des papiers jaunis, des cartes, des grosses encyclopédies trainent pêle-mêle ici et là pour conforter nos idées reçues. Comme dans un cours de poterie il est malvenu de faire une référence à Ghost, on s’est abstenu de lui en faire une à Indiana Jones. Thierry portait même un collier à dents et un pantalon kaki, il ne manquait que la tête d’alligator au-dessus de la cheminée pour combler nos fantasmes nourris à la moulée hollywoodienne.
Si nous étions venus trois ans auparavant, il nous aurait fallu traverser un barrage policier qui veillait à sa sécurité 7 jours sur 7. Thierry était alors en plein tumulte dû à la découverte de sépultures dans le site le plus visité du Pérou, le Machu Picchu.
L’histoire de cette trouvaille est fabuleuse et va comme suit.
Le mausolée secret de Machu Picchu
En 2012, un touriste français qui, de façon nonchalante, se promenait sur le site du Machu Picchu a eu l’intuition qu’il y avait un espace creux derrière des pierres qui ressemblait fortement à des portes. Il en a fait part aux archéologues locaux, mais personne ne l’a pris vraiment au sérieux. N’oublions pas que nous sommes au site touristique le plus foulé d’Amérique du Sud, s’il y avait une chambre secrète, on l’aurait vue right? Eh bien non.
Il a fallu que Thierry et son équipe, contactée par le touriste français, s’y rendent pour le confirmer grâce à des tests de résonance magnétique : une chambre de 3m carré contenant une dizaine de sarcophages débordants de métaux précieux. Bref, une chambre funéraire, mais pas n’importe laquelle. Ce n’était pas la tombe d’un quelconque animal de compagnie, un lama ou un cochon d’Inde, nenon. Thierry croit qu’il s’agissait vraisemblablement du mausolée de Pacha Kutek. Qui? Pacha Kutek! Le Charlemagne des Incas, le Napoléon des Andes.
Il n’en fallait pas plus pour que tout Cuzco, conservateur et traditionaliste, s’emballe et accuse Thierry de tous les maux. Usurpateur, pilleur de tombes, colporteur, faussaire; on doute même de la véracité de ses diplômes. Bref, on pend sa réputation sur la place publique. Même Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères envoie une lettre pour le secourir.
Ce fut un moment pénible pour l’archéologue français. On remarque le ton mélancolique qu’il emprunte pour rappeler que ses intentions sont nobles et dédiées entièrement à la science et à la connaissance universelle. Il ne vit pas dans l’opulence, il n’a pas de voiture, il vit aux crochets de ses mécènes qui croient en sa mission. On est loin de l’étiquette d’être démoniaque assoiffé d’or qu’on tente de lui accoler.
En route vers l’Eldorado
Par chance, il existe d’autres Machu Picchu. En fait, il y en a des centaines perdues dans les forêts luxuriantes du Nord. Par ailleurs, Thierry a mis la main sur un vieux livre : les mémoires du colonel Fawcett. C’était un explorateur britannique qui a cherché toute sa vie l’Eldorado au début du 19e siècle. Il était persuadé qu’une ville perdue existait quelque part dans la mythique Amazonie (on lui doit d’ailleurs le tracé des frontières entre le Brésil, le Pérou et la Bolivie). Il relate toutes ses campagnes dans un livre, et Thierry s’amuse à remarquer les similitudes entre leurs expéditions : la même chaleur étouffante, les mêmes décors hostiles, les mêmes moustiques vampiriques se relayant de siècle en siècle pour abattre et damner tout explorateur téméraire.
Thierry a un collier à dents, il ne se laisse pas faire aussi facilement.
Il part avec son équipe sur les chemins de ses prédécesseurs à la recherche de Païtiti (Eldorado). En chemin, il répertorie au nom de la science au moins une quarantaine de sites, presque intacts : d’immenses nécropoles aux temples jaunes éclatants. Il fait des découvertes inusitées qui le mènent toujours vers le Nord. Tout concorde avec la fameuse légende de l’Eldorado.
**Faire jouer du Zamfir tout en lisant la légende est suggéré**
Il y a bien longtemps, les Espagnols ont pris le roi Atahulpa en otage contre une rançon monstre. Sa femme, La coya, ordonne que l’on draine tout l’or du royaume pour l’acheminer à Pizarro, impitoyable conquistador. Apprenant l’exécution prématurée de son époux, l’impératrice ordonne aux cortèges composés de 10 000 lamas (lol… 10 000 lamas) de changer de cap et de décharger tout l’or qu’ils charrient vers les forêts, loin des villes désormais sous le joug espagnol. La légende est née, mais Thierry est sur le point, à quelques mois près, d’écrire un nouveau chapitre qui déplaira surement à Pizarro, mais who cares about Pizarro!
Brûle brûle brûle froid froid brûle brûle brûle
En effet, l’archéologue français est arrivé dans une région où des natifs lui parlent d’une ville sur une montagne. Intrigué, il demande une lecture aérienne par satellite qui lui confirme qu’une montagne de 1km de diamètre ayant une forme cubique existe bel et bien! Elle est à proximité de deux lacs jumeaux (un élément présent également dans la légende). Depuis 2012, il organise quatre expéditions par voie terrestre en vain, la forêt à raison de lui. Il échappe même à un réseau de narcotrafiquants qui menait des opérations dans cette zone.
Bref, il a la boule dans l’estomac de savoir que son Atlantide est sous ses yeux, tout près, mais qu’elle reste insaisissable.
Il ne perd pas espoir, à la prochaine saison sèche c’est à dire vers juillet, il embarquera dans un hélicoptère et c’est par les airs qu’il espère triompher de la forêt hostile. Petit, il était fan des Mystérieuses cités d’or, et pour un bref moment, nous avons vu dans son regard pétillant la même fougue et la même détermination que le jeune Esteban sur son condor.
Thierry et sa quête sont le plus grand des hommages que l’on ait faits à un dessin animé. Ever.
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Pour lire un autre texte d’Hamzaa Abouelouafaa : “Meilleur brunch d’Hochelag'”