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La grève étudiante a permis à des générations de canapés-boomers de pouvoir traiter tout haut sans avoir peur de passer pour des parents indignes la chair de leur chair, la prunelle de leurs yeux, leurs petits enfants chéris de paresseux, de profiteurs, d’éternels insatisfaits, de geignards, d’impatients, bref d’enfants rois.
Mais qui sont ces royaux bambins que les gérants d’estrades, les cracheurs de radio poubelle et Richard Martineau sont si prompts à critiquer?
Quand on étudie attentivement le déroulement de ces dernières semaines de grèves, on constate que les tenants du carré rouge ont fait preuve de beaucoup d’imagination, de ténacité, de courage, d’énergie, de maturité, d’autonomie, de patience, de finesse. On ne peut pas vraiment dire en les voyant marcher chaque jour plusieurs dizaines de kilomètres dans les rues, se tenir debout sous la pluie ou faire des tas d’heures supplémentaires pour débattre dans des assemblées démocratiques, qu’ils ont agi comme des bébés gâtés.
Au contraire. Ils ont travaillé fort, comme des grands, pour arriver où ils sont et faire entendre leurs revendications.
Par contre, les grincheux qui ne voulaient pas perdre leur année, qui ne voulaient pas changer leurs plans de vacances, qui ne voulaient pas aller jouer dans la rue avec les autres, qui étaient désespérés à l’idée de devoir peut-être passer quelques jours d’été en classe au lieu d’être au chalet de papa et qui ont exigé « maintenant, tout de suite, sinon je pique une crise » qu’on leur ouvre rien que pour eux les portes des salles de cours… ceux-là ressemblent plutôt au portrait que les psychologues font de l’enfant roi.
Les enfants rois piquent des colères, parfois intenses. Ils ne pensent qu’à eux. Ils ne voient pas plus loin que le bout de leur nez. Ils sont centrés sur leur nombril. Ils détestent les frustrations. Il faut plier à leurs exigences. Et vite, ça presse, sinon ils vont piquer une colère. Il faut obéir à leurs exigences, sinon ils appellent papa, maman, la police, la DPJ, le juge, l’injonction, l’anti-émeute…
À la moindre contrariété, au premier «non», les gâtés entrent en transe.
À l’école, ce sont les fils et les filles des parents-clients qui viennent à tout bout de champ mettre en doute les décisions des profs, les choix pédagogiques des enseignants et vont faire le pied de grue dans le bureau de la directrice pour que leur cher petit bambin analphabète passe avec distinction dans l’année suivante.
Au cégep et à l’université, ce sont les rejets minoritaires qui n’ont pas suivi la majorité de leur condisciples lors des votes populaires et qui, frustrés du résultat, en appellent aux tribunaux pour obtenir ce qu’ils n’ont pas eu démocratiquement.
Dans la vie, ce sont ces citoyens plus égos que les autres qui exigent tout et son contraire avec comme seul argument que c’est leur droit.
En vieillissant, les enfants rois deviennent des petits dictateurs du quotidien. Ce sont eux qui me font le plus peur.
Notez que s’il y a des enfants rois, c’est qu’il y a quelque part des papas monarques et des mamans reines. Car tout le monde sait que la monarchie, c’est comme la connerie, c’est héréditaire.
***Ajout de lendemain de veille de manif qui a mal tourné
Je vous prierai de ne pas faire d’amalgame entre quelques casseurs décérébrés et des dizaines de milliers de manifestants pacifiques. Si les premiers sont des mal élevés, les seconds sont d’innocentes victimes collatérales d’un dérapage gouvernemental.
Remarquez que ça tombe assez bien que ces casseurs entrent en action pile poil à l’heure du téléjournal, comme ça le bon peuple peut une fois encore se faire une idée colorée de la réalité.
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