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En toute sobriété avec Gab Bouchard, Magali Saint-Vincent et Lysandre Nadeau
« Le plus beau cadeau, c’est le matin. T’es pas fuzzy, t’es en forme et t’as le goût de faire quelque chose de ta journée. »
L’auteur-compositeur-interprète Gab Bouchard n’a que 26 ans, mais son parcours est déjà parsemé d’accomplissements dont peu d’artistes québécois de son âge peuvent se targuer : demi-finaliste aux Francouvertes en 2018, nommé dans deux catégories à l’ADISQ en 2023 et co-récipiendaire du Prix de la chanson SOCAN en 2023, le natif de Saint-Prime enchaîne les triomphes.
De son côté, l’humoriste Magali Saint-Vincent connaît une année charnière. La moitié du balado satirique Golden Top G est très active sur les réseaux sociaux, à la télé et en salles. Même constat pour la créatrice de contenu Lysandre Nadeau qui coanime deux balados plutôt qu’un tout en jonglant avec une carrière dans le milieu des affaires et son rôle de maman.
Si je vous parle de ces trois histoires de succès, c’est pour une raison bien précise : il et elles ont tous les trois arrêté de boire avant l’âge de 30 ans.
Rendu là, on pourrait se demander si tous les chemins ne mènent pas à la sobriété.
Entre choix de carrière et anxiété de performance
Un autre dénominateur commun important pour Gab, Magali et Lysandre : tous avaient une relation problématique avec l’alcool. À divers degrés, mais tous les trois s’entendent pour dire que leur consommation nuisait à leur carrière, le lendemain de veille étant sans doute l’effet le plus pervers et contre-productif de l’alcool.
« Quand t’arrêtes de boire, tu constates tous les dommages et l’anxiété que tu t’es créée », explique Magali St-Vincent qui s’est réorientée du jeu dramatique à l’humour en marge de ce changement de vie. « C’est comme si, en t’enlevant un premier obstacle, tu pouvais voir tous les autres derrière. »
Pour Gab Bouchard, la transition s’est faite naturellement à l’âge de 23 ans.
« À la base, l’alcool était une manière de gérer l’anxiété, mais c’en était plutôt devenu une source. Quand t’es scrap, ben tu fais rien de tes journées pis tes projets avancent pas », affirme-t-il.
Lysandre Nadeau abonde dans le même sens. « Avant, j’avais la réputation d’être toujours en retard, pas fiable ou pas motivée. Ça m’est déjà arrivé de me pointer à un rendez-vous et de m’excuser parce que je sentais “la robine”. C’était un problème qui se déployait sur deux jours plutôt qu’un », raconte la créatrice de contenu.
C’est vrai, les trois travaillent dans un milieu où l’alcool coule à flots et où une partie de leurs responsabilités consiste à participer à des rassemblements de tous acabits. Si leur décision a irrémédiablement changé leur rapport à la fête, Bouchard, Saint-Vincent et Nadeau ont chacun leur façon de gérer ça.
Pour Gab et Lysandre, le truc, c’est de se coucher de bonne heure. « La seconde où les gens se mettent à déparler ou à se répéter, je suis la première à monter me coucher. Tu peux le voir dans les yeux des gens quand ils déconnectent », raconte la coanimatrice de Sexe Oral et Parenthèses.
Magali St-Vincent, elle, apprécie encore le temps passé dans les bars (et tant mieux, parce que sa job lui requiert d’investir beaucoup de temps dans les débits de boisson), mais confirme que la conversation avec le monde chaud, c’est plate à mort.
« Avant, j’étais une blackout drinker. Jusqu’à l’âge de 26 ans, on m’a raconté les niaiseries que j’avais faites plus que je les ai vécues. Depuis quatre ans, j’ai tous mes souvenirs et ça, c’est le fun! »
Les trois ont leur remède de choix lorsque vient le temps de passer du temps avec un verre à la main. Magali et Lysandre ont un penchant pour le sans alcool (cette dernière a d’ailleurs lancé Statera, sa propre marque) alors que Gab préfère assouvir son besoin de pétillant avec du Coke en bouteille ou du Bubly mauve.
Mais là, les jeunes sont-ils désintéressés de l’alcool ou des buveurs problématiques?
Un petit peu de A et un petit peu de B?
Selon Gab Bouchard, c’est un ensemble de facteurs qui vient avec l’époque. « Dans le temps, tu pouvais partir chercher des chaises avec ton oncle pis revenir quatre jours plus tard. Aujourd’hui, les jeunes doivent savoir ce qu’ils veulent faire dans la vie en secondaire 3, savoir combien d’argent ils vont faire en sortant de l’école s’ils veulent avoir une maison un jour. Ils ont pas le temps de passer leur vingtaine à être scrap. »
Lysandre Nadeau, pour qui l’auditoire est composé en bonne partie de membres de la génération Z, apporte une importante précision. « L’autodérision, c’est super important pour les milléniaux comme toi et moi, mais elle n’est pas du tout dans le vocabulaire des Gen Z. Ils trouvent ça lame. J’aurais peut-être trouvé ça lame aussi de me saouler et de finir ma soirée dans les toilettes d’un Tim Hortons à 14 ans s’il y avait eu la possibilité que ça se retrouve sur Internet », avance-t-elle.
Hors cadre, son conjoint Claude Bégin ajoute : « Il y a beaucoup plus d’information disponible à propos de l’alcool. Les jeunes sont mieux informés et être cool, ça veut plus dire la même chose pour eux que pour nous. »
Pas faux, Claude. Pas faux!
« C’est l’inflation! Ça doit coûter les yeux d’la tête, boire, en 2024 », plaisante Magali Saint-Vincent qui affirme avoir remboursé d’importantes dettes depuis avoir choisi la sobriété.
« La santé mentale est plus importante chez les plus jeunes. Ils sont mieux outillés qu’on l’était pour se gérer. »
À la lumière de ces entretiens, la diminution de la consommation d’alcool des jeunes semble être symptomatique d’un changement de mœurs qui fait son chemin depuis un moment déjà. L’apparition de modèles sobres ne fera que l’accélérer.
« C’est comme un bagage héréditaire. Quand tu bois pas d’alcool dans une soirée, tout le monde va te demander pourquoi, mais y a personne qui va te demander pourquoi tu fais pas de coke », conclut Gab Bouchard.