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En tout cas, Justin Trudeau était très beau
« Il est jeune et hot comme l’étaient les anciens présidents américains », commente Bouchra, une étudiante en sciences de l’ingénierie à l’Université d’Alger, devant la vidéo de Justin Trudeau annonçant solennellement sa démission.
Le point de presse a eu lieu dans la matinée du 6 janvier, retransmis depuis Ottawa sur la chaîne YouTube de RDI. Le chat virtuel était peuplé de commentaires allant d’hommages aux multiples variations de l’expression « Bon débarras! » provenant tant de l’international que du Canada.
Sous -10 degrés, et un ressenti de -18, Justin Trudeau a fait savoir au monde qu’il quitterait ses fonctions de premier ministre et chef du Parti libéral une fois sa succession assurée.
![<strong>(Trad : « Moi : Justin Trudeau va démissionner / Mon père : pourquoi? / Moi : personne ne l’aime / Mon père : pourquoi? [Il est] trop sexy? »)</strong>](https://images.urbania.ca/image/2025-01-07/94800-052858-filters(large).jpg)
Devant un parterre de journalistes, le futur-ancien-premier ministre s’est décrit lundi comme un « fighter » qui, asphyxié par des « batailles internes », a finalement choisi de baisser les armes après 9 années de gouvernance.
« Je ne peux pas être la meilleure option lors de ces élections », explique-t-il au point de presse, l’œil un peu humide, à propos des multiples crises que traverse son parti depuis déjà plusieurs mois.
Parmi celles-ci, la colère citoyenne qui gronde, la vague conservatrice qui se solidifie, les casual suggestions d’annexion émises par Donald Trump, les ministres qui abandonnent le navire à la chaîne et puis la démission surprise de Chrystia Freeland, vice-première ministre et ministre des Finances, qui a été le dernier coup de grâce avant Noël.
Mais ce contexte chaotique, en toute honnêteté, Bouchra s’en fout un peu.
« Qui est son coiffeur? Pourquoi semble-t-il si reposé? Il a l’air d’écrire des livres de développement personnel », constate-elle, subjuguée par la clarté de son teint.
En effet, la démission de Justin Trudeau a beau être un séisme à l’échelle nationale, pour le reste du monde, elle n’est qu’un détail laissant inchangée l’image que le Premier Ministre a toujours réussi à projeter à l’international : celle d’un Apollon au sourire hollywoodien, adepte des chemises blanches bien taillées et qui semble maîtriser l’art des soirées barbecue estivales.
Cette impression m’est confirmée au moment de recueillir les perceptions des personnes qui, dans mon entourage, n’ont connu Justin Trudeau qu’avec les yeux.
« Il a une tête de gentil. Il a l’air à la fois friendly et innocent », partage Célia, 30 ans, dont la prononciation anglo-parisienne du prénom « Justin » ferait presque passer le politicien pour une vedette à la Timberlake ou Bieber.
Et s’installer au Canada ne fait pas disparaître ce filtre rose pour autant ; parfois, cette relocalisation peut même l’exacerber, comme en témoigne Alix, 30 ans, dont les deux années de PVT (Permis Vacances-Travail) à Montréal arrivent à leur terme.
« Je me souviens qu’il avait participé à une fête de quartier à Montréal, lors de la Saint-Jean de 2023, et je trouvais ça vraiment bien qu’il soit accessible comme ça. Je me suis toujours dit qu’il avait l’air sympa et que le Canada avait de la chance d’avoir un dirigeant aussi jeune et nice », affirme-t-elle.
« Je trouve qu’il a incarné l’idée d’un pays accueillant, sympathique, bref, à l’image qu’on s’en fait », poursuit-elle.
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Connu à l’international comme « Daddy Trudeau », « Tru-Daddy », « Canadaddy » ou le « Président Sexy », force est d’admettre que ce portrait hormonal de Trudeau a su profiter à la nation et à son soft power.
Pour preuve ; si vous recensez les stéréotypes culturels tenaces sur lesquels repose le rayonnement du Canada à l’international – en vrac : le sirop d’érable, Céline Dion, la poutine à ne surtout pas confondre avec Poutine, la politesse, Drake, les chemises à carreaux, les sacres et « sauf une fois, au chalet » –, le nom de Justin Trudeau en sera toujours indissociable.
Quant à la réalité même du Canada? Ça, c’est autre chose. Car, de l’extérieur, on ignore ce qui s’y passe, comment les choses s’y organisent, qui sont les gens qui le peuplent, ce qu’ils mangent ou s’ils sont heureux, mais, jusqu’à lundi dernier, on savait au moins de source sûre que le pays était gouverné par un politicien avec une mâchoire bien définie.
« C’est un peu la seule opinion que j’ai à son sujet. Je n’ai aucune idée de ce qu’est sa politique », confesse Alix. « De ce que je comprends, ça ne plaît pas tant que ça. »
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Est-ce le signe que le vent tourne, levant le voile sur plusieurs années de marketing impeccable? Auparavant, aucune critique nationale n’était parvenue à traverser l’Atlantique, mais ces derniers temps, il semblerait qu’elles aient finalement appris à nager.
« À chaque fois que je vois des choses passer sur lui, c’est pour l’accuser d’avoir fait des choses pas si gentilles que ça », réalise Célia, précisant que ces infos viennent à elle sans qu’elle n’ait à les chercher.
« J’ai entendu dire qu’il était un nepo baby incompétent », suspecte Bouchra à propos de Justin Trudeau, dont le père a également été premier ministre de 1965 à 1984.
« Ce qui me vient en tête, c’est son rapport au peuple autochtone », ajoute pour sa part Lucile, qui s’informe depuis la France sur ces enjeux. Fan de Justin Trudeau en rémission, iel dit avoir été désillusionné au fil de ses recherches.
« Il peut paraître assez progressiste par rapport à d’autres, surtout quand on regarde ce qui se passe aux États-Unis, mais quand tu t’intéresses un peu plus à la politique… tu y crois beaucoup moins », nuance Lucile.
« Quand j’étais plus jeune, ma vision de Trudeau était un peu idéaliste. Je me disais : “Oh, il a l’air sympa! Il est beau! En plus, il sourit!” », ajoute Lucile.
Signe que mener avant tout avec un « physique de mannequin » qui « titille autant la libido que les neurones » au point qu’on en remercie le Canada d’avoir accouché du premier « homme politique sexy » qui soit, c’est un argument de vente qui fonctionne – même si temporairement.
Sinon, il n’y aurait eu aucun Jordan Bardella en France, le président du parti d’extrême droite Rassemblement National ayant à remercier une impeccable campagne TikTok axée sur ses fossettes et ses épaules pour sa popularité auprès d’un jeune électorat motivant son vote par un « et en plus, il est beau ».
Aucun Barack Obama, non plus, dont le soutien mondial autour de sa toute première campagne a principalement été motivé par l’envie de voir à la Maison-Blanche un président noir avec un beau sourire – oui, la mâchoire est clairement un pattern.
Aucun changement de garde-robe aussi pour Pierre Poilievre, chef du Parti conservateur qui, depuis l’été 2023, semble tester si certaines de ses idées passent mieux lorsque la personne qui les formule porte un blazer et des lunettes de soleil.
retenons donc que la beauté est superficielle, mais que si elle permet un pont de l’emballage au contenu, cette superficialité devient alors essentielle, même en politique.
On élit rarement quelqu’un pour sa seule beauté, toutefois, mais plutôt pour ce qu’elle provoque en soi et pour l’image flatteuse qu’elle renvoie au monde. Dans le cas de Justin Trudeau, cette image était avant tout celle d’un Canada aux yeux suffisamment doux pour que le reste du monde ne suspecte l’existence d’autre chose.
Jusqu’à maintenant.
« Il a un visage qui pourrait gagner une élection présidentielle… attends, est-ce qu’il est président? », doute soudainement Bouchra, avant de s’absenter pour interroger Google et revenir, catastrophée : « Ils n’en ont pas ?! ».