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En photos : voici ce que j’ai vu à Beyrouth, après l’explosion

Entre désolation et reconstruction.

Par
Drowster
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Je suis allé au Liban pour la première fois en 2016 lors d’un périple que j’ai surnommé « La Conquête ». Ma mission, à l’époque, était de traverser le Moyen-Orient pendant an afin d’en apprendre sur la région et ses habitants. Convaincu par des amies libanaises de commencer par leur pays d’origine, j’ai suivi leur recommandation et quelques semaines plus tard, j’atterrissais à Beyrouth.

Après deux mois à explorer tous les recoins du pays, j’ai développé un amour profond pour les gens, leur hospitalité et les shawarmas quotidiens. S’étendant sur un territoire légèrement plus long que la distance séparant Montréal et Ottawa, il est possible de passer d’une descente en ski à une baignade dans la mer en 45 minutes seulement. Le Liban frôle la définition du paradis.

Quand j’ai vu la révolution prendre forme en octobre dernier et l’injustice dont les Libanais étaient victimes, j’ai senti que c’était mon devoir d’y aller. Mes compatriotes libanais n’avaient qu’un désir : vivre dans un monde plus juste, respectueux et honnête. Comment pouvais-je contribuer à leur lutte? Avec des photos. Et c’est ce que j’ai fait.

La pandémie n’a pas mis fin à la révolution. Elle s’est poursuivie pendant que le Liban continuait de s’écrouler.

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La pandémie n’a pas mis fin à la révolution. Elle s’est poursuivie pendant que le Liban continuait de s’écrouler. Le nombre de personnes vivant sous le seuil de la pauvreté a dépassé les 50%. Le taux de chômage n’a fait que grimper, atteignant 55% dans certaines villes comme Tripoli. La monnaie libanaise a quant à elle perdu 80% de sa valeur, les maigres économies des habitants se sont envolées du même coup. Et si d’aventure il vous reste un peu de votre argent durement gagné dans un compte bancaire, vous n’y avez même pas accès puisque les banques vous empêchent de retirer vos fonds.

On a tous déjà vu des entreprises faire faillite. Avez-vous déjà vu un pays entier en faillite? Ça crève le coeur.

Comme si ce n’était pas assez, le 4 août dernier à 18h08, une explosion de près de 2000 tonnes d’ammonium de nitrate est survenue dans le port de Beyrouth.

En voyant les premières images sur les médias sociaux, j’ai figé. L’ampleur des dégâts était inimaginable. Encore une fois, je me suis demandé comment je pouvais les aider. Avec des photos? Possiblement.

Ces images sont mon témoignage. En espérant que cet évènement ne soit jamais oublié ni répété.

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La force et l’ampleur de l’explosion sont difficiles à saisir. Elle était si puissante que des bâtiments à 10 km du port ont été endommagés. Ici, au siège social d’Électricité du Liban, des pans de murs entiers se sont écroulés. En capturant cette image, je remarque des taches de sang sur le sol à quelques centimètres d’où j’ai posé mes pieds. Je découvre qu’une femme est morte à cet endroit précis.

Les débris dominent encore les rues pendant que des membres de la Croix-Rouge continuent d’inspecter les quartiers dévastés.

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Le souffle de l’explosion a replié les structures métalliques des bâtiments sur elles-mêmes. Ce terrain de basketball en est un exemple.

Plus d’un mois après l’explosion, l’opération de nettoyage est toujours en cours dans les rues. Le gouvernement refusant d’offrir son aide, ce sont des bénévoles qui s’occupent d’enlever les débris restants.

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Anthony est bénévole pour l’Islamic Relief Foundation qui participe aux efforts de nettoyage. Questionné à savoir pourquoi il s’implique, il me confie «Pour sortir de ma zone de confort. En faisant du bénévolat, je m’ouvre l’esprit et je rencontre de nouvelles personnes.». Il affirme aussi «On fait de notre mieux pour que le Liban soit meilleur, mais si on n’a pas l’aide de l’État, on ne peut rien faire. Le Liban ne va pas changer si les institutions ne changent pas, si on n’a pas un nouveau président, si on n’a pas un nouveau premier ministre.»

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Toute la journée, des Libanais venant de partout au pays s’arrêtent sur le bord de l’autoroute afin de constater les dégâts. L’armée empêche l’accès au site et le gouvernement refuse toujours une enquête internationale sur l’explosion.

Quatre semaines après l’explosion, Mohammed visite pour la première fois le site, affirmant que c’était trop difficile émotionnellement pour lui de venir avant. «Je suis triste et déçu. Je ne comprends pas comment quelque chose de pareil peut se produire.» dit-il.

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Un graffiti «Mon gouvernement a fait ceci» a rapidement été peint sur le trottoir donnant vue sur le port, référant à la négligence du gouvernement dans la gestion des matières dangereuses.

Le moral est au plus bas parmi les Libanais. Depuis des décennies, la population affronte des crises, des révolutions, des guerres et maintenant, des explosions. Le découragement est palpable. Plusieurs initiatives d’aide pour les problèmes de santé mentale ont été mises en place par des organisations comme la Croix-Rouge.

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Le dernier bilan estime à 6000 le nombre de blessés. Cecilia figure parmi ce nombre. Elle s’habillait quand l’explosion est survenue. Son appartement s’est effondré, des débris volant dans tous les sens l’ont blessé au front. Saignant abondamment, elle a réussi à appliquer les premiers soins de base sur ses blessures sans perdre connaissance, mais non sans peine. Allant d’hôpital en hôpital, elle a eu toutes les difficultés du monde à trouver une salle d’urgence qui ne s’était pas effondrée. C’est au cinquième hôpital qu’on lui a finalement fait des points de suture.

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Les guerres, les révolutions ou les crises économiques; rien n’a empêché les Libanais de faire la fête. Au fil des dernières décennies, Beyrouth est devenue réputée pour sa vie nocturne. Danser a toujours été pour les Libanais une manière d’échapper au chaos et à l’instabilité du quotidien. C’était la seule chose qui les unissait, les forçant de mettre de côté leurs affiliations politiques et religieuses. Aujourd’hui, la tristesse, le deuil et la colère ont pris le dessus. La capitale connue pour sa musique est maintenant complètement silencieuse. D’importants dommages sont observés à la discothèque Ahm.

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Jad Yazbeck est DJ sous le pseudonyme Ledwarf et partenaire à Feedasoul Records, une maison de disques basée à Beyrouth. Dévasté par l’explosion, il sent que ce n’est pas le bon moment pour jouer de la musique, ayant même refusé le seul contrat qu’on lui a proposé. Tout le pays est endeuillé dit-il. Jad a perdu espoir, il croit que sa carrière sur la scène musicale est terminée à Beyrouth. Pourquoi construire quelque chose qui risque de s’écrouler à nouveau?

Ralph Nasr est DJ et fondateur du collectif de fêtes souterraines Retrogroove. Malgré la pandémie, Ralph organisait des fêtes à capacité réduite. Maintenant, tout s’est arrêté. Il tente de se rendre en France pour explorer de nouvelles opportunités.

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Reconstruction

La vie reprend tranquillement son souffle. Les commerces recommencent à ouvrir malgré les édifices endommagés.

Plusieurs organismes à but non lucratif comme Offrejoie réinvestissent leurs dons dans la reconstruction des maisons grâce à l’achat de matériaux et l’embauche de main-d’oeuvre. Une armée de charpentiers-menuisiers travaille de longues journées pour reconstruire les maisons de Beyrouth.

Voici leurs visages:

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Sur ce, le Liban continue d’affronter la pire crise économique de son histoire moderne, tout en essayant de contrôler une pandémie et de reconstruire des quartiers complètement dévastés.

Si vous souhaitez contribuer à la reconstruction, je vous invite à faire un don à l’un ces organismes :

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