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Emmanuel Schwartz: homme de lettres et de théâtre

Les livres bordent sa vie depuis son enfance.

Par
Judith Lejeune
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URBANIA et le Théâtre du Nouveau Monde s’unissent pour vous transporter sur scène.

Si ces derniers mois le milieu culturel a été mis sur pause (comme la majorité de la population!), les plus récentes annonces du gouvernement nous feront regagner nos places dans les salles de spectacles cet automne.

Le Théâtre du Nouveau Monde ne perd pas de temps et prépare déjà sa rentrée théâtrale, qui débutera le 9 septembre par une oeuvre de l’auteur Glen Berger, Zebrina. Une pièce à conviction (Underneath the Lintel), traduite par Serge Lamothe et mise en scène par François Girard.

Sur scène, nous retrouverons Emmanuel Schwartz dans le rôle d’un bibliothécaire qui nous livre un monologue sur son histoire.

Comme son personnage, les livres ont marqué la vie d’Emmanuel. Nous nous sommes entretenus avec lui pour savoir de quelle façon ils ont ponctué sa vie et forgé la personne qu’il est aujourd’hui.

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Quel est ton souvenir le plus marquant associé à la lecture?

Mon métier me lie aux livres, m’attache à la page. C’est une partie intrinsèque de mon métier de déchiffrer du texte écrit pour le mettre en paroles. J’ai donc un rapport indéfectible aux livres, aux romans, et beaucoup aux pièces de théâtre.

Une chose qui m’a beaucoup servi en tant qu’acteur et homme de théâtre, c’est qu’à l’époque où je fréquentais l’école de théâtre, mes parents me soutenaient beaucoup dans mes études. J’ai eu la chance d’avoir des parents très généreux. Lorsqu’on allait à la librairie, c’était bar open. J’ai pu dévorer des pièces de théâtre tout au long de mon éducation.

Ma règle, c’était : « Essaie de lire une pièce de théâtre par jour. » Pendant mes quatre ans de formation, je n’ai pas toujours respecté ça, mais j’ai dû lire 1 200 pièces de théâtre au moins.

Cette assiduité-là a formé l’acteur et le lecteur que je suis. Ça m’a donné des ailes aussi, en tant que créateur, en tant qu’auteur. Ça m’a exposé à toutes sortes de littératures théâtrales et ça m’a donné la permission d’aborder le théâtre sous différentes formes.

Est-ce que tu te souviens des premières œuvres que tu as lues?

Le premier roman que j’ai lu est d’un auteur de théâtre. Ma mère était une grande mordue de Michel Tremblay, et je voyais sa bibliothèque comme une sorte de monument intouchable avant même d’apprendre à lire. Quand elle m’a enfin permis de jouer dedans, j’ai tiré de la bibliothèque, sans vraiment savoir pourquoi, Le premier quartier de la lune, de Michel Tremblay.

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Je commençais par l’histoire d’un garçon qui avait presque mon âge et celle des femmes fantasmées, des femmes imaginaires qui vivent dans la maison d’à côté. C’était une fenêtre ouverte sur la littérature presque faite sur mesure pour moi pour entrer dans l’univers de Tremblay. J’ai ensuite dévoré les Chroniques du Plateau-Mont-Royal au secondaire, avant même de savoir que j’allais être acteur de scène.

C’était un peu une drôle de coïncidence que je commence à lire des romans écrits par un auteur de théâtre.

Est-ce qu’il y a une pièce ou un livre que tu as lu qui a changé ta façon d’être, ta façon de voir la vie?

Il y en a tellement. Je me souviens qu’au secondaire, quand j’ai lu La ferme des animaux, de George Orwell, ça m’a vraiment marqué. La simplicité de la fable et la manière métaphorique d’écrire d’Orwell m’ont particulièrement inspiré. Là aussi, ça m’a comme donné la permission intérieure de m’attaquer à la littérature internationale et un peu plus dense.

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Tu étais un grand lecteur, dès ton plus jeune âge. Est-ce que les bibliothèques faisaient partie de ta routine de lecture?

Dès le primaire, je fréquentais ces magnifiques lieux qu’on appelle les maisons de la culture et qui sont souvent associés à des écoles. Je pouvais y lire les BD quand je n’avais pas encore l’âge de lire de la prose.

Pour moi, la bibliothèque, c’est l’église qu’on n’a plus aujourd’hui, d’une certaine manière. Le livre est le monument, il est la forteresse, le confessionnal, mais la bibliothèque elle-même, c’est l’édifice, c’est l’église.

Est-ce que tu y as rencontré des gens marquants?

Le bibliothécaire que j’ai rencontré pendant mes années au Cégep Lionel-Groulx était devenu quelqu’un avec qui je dialoguais beaucoup. On avait des échanges vraiment très drôles, et il ne me suggérait pas seulement des livres, mais aussi de la musique, des films.

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Quand les gens qui travaillent dans le milieu du livre reconnaissent que quelqu’un a un intérêt, une amitié instantanée se crée.

Aujourd’hui, quel est ton rapport aux romans, à la lecture de pièces?

Je ne dirai pas que j’ai conservé l’habitude de la lecture assidue. Je me trouve même un peu paresseux parfois comme lecteur. Je vis dans des littératures que j’apprends par cœur, parce que j’ai toujours le nez dans les pièces que je vais jouer.

Dernièrement, j’ai lu Le plongeur, de Stéphane Larue, et j’ai fait la lecture pour l’enregistrement d’un livre audio de Ta mort à moi, de David Goudreault, et ça m’a ramassé. Le livre est un monument de sentiments dont les portes nous sont ouvertes dès qu’on tourne la première page. C’est un accès à l’intimité de quelqu’un. C’est tellement riche d’avoir accès à toutes ces nuances de la pensée de quelqu’un. C’est tellement rigoureux, c’est tellement de travail, mais c’est tellement généreux.

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Est-ce que tu as fait des lectures en parallèle pour te préparer à ton retour sur scène dans un rôle de bibliothécaire?

À cause de la pandémie, on est vraiment short notice. La préparation n’a pas été très très longue, parce que je le sais seulement depuis quelques semaines qu’on va faire ça. C’est donc avec trois fois moins de temps que je prépare ce solo-là. Je suis sûr qu’on va y arriver, mais ça fait en sorte que le travail de fond et de recherche est peut-être un peu moins de longue haleine.

Le théâtre est un art oratoire. Il se résume au texte qu’on a appris. Si on énonce le texte clairement, même des choses qui nous échappent, qui ne sont pas faites pour être saisies par l’acteur, vont être perceptibles par le spectateur.

Je me concentre sur mon métier, c’est-à-dire absorber ce texte, le prononcer, l’énoncer, le jouer clairement, pour que le spectateur puisse y voir plus que ce que j’en sais.

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© Photo originale Maude Chauvin