Je dois avouer, en fin de semaine j’avais du fun. Je passais un bon weekend dans les bonnes grâces du FME en Abitibi Témiscamingue quand soudainement, la douche froide est tombée : Eminem avait sorti un nouvel album.
Arrivée de nulle part, la légende du hip-hop a dévoilé ce vendredi « Kamikaze », un album-surprise qui s’est chargé de gâcher mon weekend. En fixant mon téléphone je me suis dit en versant une larme intérieure : « Ah non… pas encore… »
Avant de continuer cet article, permettez-moi de préciser que je ne suis pas un hater d’Eminem, bien au contraire : selon moi, il est un des meilleurs rappeurs de tous les temps.
Pour moi Eminem (en particulier sur son album culte Marshall Mathers LP sorti en 2000) représente tout ce qu’on peut apprécier du hip-hop : un talent brut pour l’écriture, des lignes assassines qui frappent là où ça fait mal, des chansons satiriques et d’autres plus légères, et surtout, un sens de l’humour à tout casser. Pour l’ex-étudiant à l’École Nationale de l’Humour que je suis, des lignes comme « Oh you want me to watch my mouth, how? / Take my fuckin’ eyeballs out, and turn em around? » c’est du bonbon.
Bref, objectivement beaucoup de gens s’entendront pour dire que les premières années d’Eminem l’ont imposé comme un légende du hip-hop, autant par ses aptitudes d’écriture que ces talents techniques de MC.
En fait, Eminem est tellement intouchable que j’aime dire que la seule personne qui peut lui faire de l’ombre, c’est lui-même.
Ce qui nous amène à ses derniers albums.
Eminem est tellement intouchable que j’aime dire que la seule personne qui peut lui faire de l’ombre, c’est lui-même.
Généralement les albums les plus intéressants dans la carrière d’un rappeur sont souvent ses deux premiers. Vivant encore dans le struggle, les MCs ont des choses à dire et dénoncer dans leurs textes. Puis, avec le temps, les rappeurs deviennent riches et se sortent de leur situation puis finissent par rapper sur leur nouvelle voiture et leur montre en or.
Eminem n’a pas échappé à cette courbe descendante de pertinence. Bien qu’il ne soit jamais tombé tant que ça dans le « flashage de bling bling », le rappeur de Détroit est tout de même devenu avec les années ce que Slim Shady, son alter ego de l’époque, aurait détesté : un artiste qui fait de moins en moins de vague et qui s’enlise dans une pop inintéressante.
L’abandon du personnage Slim Shady a tué aussi le côté irrévencieux d’Eminem et on le sent déjà sur Relapse. Avec cet album, commence la triste descente musicale du rappeur; Recovery a ensuite eu un bon succès radio, mais a déçu les vrais fans. Et ne parlons même pas de Marshall Mathers LP 2, sa triste tentative de faire revivre son projet culte, sans jamais réussir à lui arriver, ne serait-ce qu’un peu, à la cheville.
Puis en 2017, Eminem a touché le fond avec Revival, un album qui a floppé de façon monumentale. De tous côtés, les critiques s’entendaient pour dire que le projet était nul (ce qui est vrai).
En tant que fan, voir un artiste que tu aimes s’enfoncer dans de la musique de plus en plus mauvaise, ça fait mal. Ça fait des années déjà que chaque fois qu’Eminem sort un nouveau projet, le couteau se tourne dans ma plaie. Un peu comme ton ami qui décroche pas de son ex. Au début c’est drôle, mais avec le temps ça devient triste.
Vendredi dernier Eminem dévoilait Kamikaze, un album qui se veut une réponse aux critiques de Revival. Pendant 45 minutes il mitraille le rap game en entier : Drake, Tyler the Creator, en passant par Charlamagne tha God et Lil Yachty, en plus de chialer sur le mumble rap.
Un peu comme ton ami qui décroche pas de son ex. Au début c’est drôle, mais avec le temps ça devient triste.
Soudainement l’Internet s’est enflammé : « Eminem est de retour! » « Oh shit enfin un bon album d’Eminem! » « Ouf, il fume tout le monde. »
De mon côté, je vivais cette sortie comme une énième déception. Le gars a 45 ans, deux filles et une nouvelle vie. Il est une légende du hip-hop, et a réalisé un de meilleurs albums de l’histoire de ce genre musical. Bref, il n’a plus rien à prouver.
Et pourtant il n’arrive toujours pas à digérer que des gens aient dit du mal de sa musique, v’là genre un an… Des critiques que le Slim Shady de l’époque aurait tout simplement balayées du revers de la main.
« I’ll diss your magazine and still won’t get a weak review » disait-il.
Mais cet Eminem de jadis n’existe plus. Il a été remplacé par un rappeur talentueux, certes, mais qui cherche toujours son souffle d’antan. Du haut de son trône, il préfère chialer sur des gens qui ont parlé de sa musique en mal, en plus d’insulter celle de la relève au passage, plutôt que d’essayer de se réinventer.
Eminem est devenu le Serge Fiori du rap game, diluant la qualité de sa discographie un projet plein d’amertume à la fois.
Eminem, tu te fais du mal. Et à moi aussi.