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« Elle a tout pour elle » fête ses 20 ans : quel héritage pour le film culte?

Une analyse rigoureuse et quelques gifs.

Par
Rose-Aimée Automne T. Morin
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Kiss me, beneath the laaangling lylight

Leaaan me, I’m on the mooohit floor

J’ai passé mon adolescence à chanter le refrain de la chanson Kiss me, de Sixpence None the Richer. Est-ce que j’en comprenais pour autant les paroles? Non. J’ai grandi à Farnham. On ne parle pas tant anglais, à Farnham.

Est-ce que ça m’importait?

Fuck all, comme on dit chez nous. Ce qui comptait, c’était mon émotion. La boule dans mon ventre, celle où se mélangeait le mal-être, l’amour, la mélancolie, l’hystérie, l’envie de frencher, l’envie de pleurer. Je voulais vivre l’amour, le perdre et le retrouver, vous comprenez?

Est-ce que cette belle idée venait de moi?

Absolument pas. Je rêvais simplement du scénario d’Elle a tout pour elle. Et quelque chose me dit que je ne suis pas la seule à être passée par là…

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Avoir 10 ans et rêver de se faire prendre en charge

Je fais partie des victimes, de celles dont la vie sera transformée par le conte inspiré du mythe de Pygmalion. J’ai 10 ans et je veux qu’un homme me sculpte pour mieux tomber amoureux de moi.

Janvier 1999. L’Occident est renversé par le charme de Freddie Prinze Jr et de Rachael Leigh Cook (qu’on essaie de nous faire passer pour un fille moche parce qu’elle porte des lunettes, mais que franchement, on le voit bien qu’elle est belle comme le jour). She’s All That, comédie romantique de Robert Iscove, prend immédiatement la tête du box-office et accumule rapidement plus de 100 millions de dollars à travers les salles du monde.

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Je fais partie des victimes, de celles dont la vie sera transformée par le conte inspiré du mythe de Pygmalion. J’ai 10 ans et je veux qu’un homme me sculpte pour mieux tomber amoureux de moi.

À titre de rappel, ce film pour adolescents, c’est l’histoire de Zack, le gars cool de l’école qui se fait laisser par sa blonde pour une star de télé-réalité. Amer de cette rupture, il déclare pouvoir séduire n’importe quelle femme, et par la bande, la transformer en reine du bal. Son meilleur ami, Dean, le prend au pied de la lettre. Il choisit l’innocente cobaye de cette cruelle expérience : Laney, la pseudo-artiste bizarre et un peu rejet. Sous l’influence de Zack, elle se transformera en femme séduisante et populaire. Mieux : elle fera découvrir au jeune homme un monde différent, stimulant, unique! Vous devinez la suite : l’amour, la trahison, l’amour à nouveau… On est loin des histoires auxquelles M. Night Shyamalan (réalisateur et scénariste du film Sixième Sens), nous a habitués. C’est pourtant lui qui a script-édité le scénario. Oui, vous pouvez relire la dernière phrase. Elle demeure vraie.

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Question de décortiquer les impacts concrets de ce film sur la vie de plusieurs adolescent.e.s de ma génération, intéressons-nous à ces moments-clés. C’est l’heure des gifs!

Ceci est une analyse rigoureuse

Première leçon : il y a un modèle supérieur de personnes attirantes.

C’est un homme sportif et musclé qui porte ses cheveux en spikes. C’est une femme mince qui se plie aux standards de beauté et qui occulte son unicité pour plaire.

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Merci, Elle a tout pour elle. À cause de toi, j’ai commencé très tôt à me lisser les cheveux et à porter des jeans taille basse. Et ça m’a menée où?

Juste dans le regret de toutes mes photos d’enfance…

Deuxième leçon : tu seras fragile et ce sera adorable.

S’il est légitime d’en avoir ras-le-bol des personnages féminins tête en l’air dans les comédies romantiques, je tiens à dire que She’s All That m’aura tout de même appris à accepter le fait que la maladresse, ça peut être mignon.

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(D’ailleurs, je ne comprends toujours pas pourquoi personne ne m’a frenchée l’autre jour quand j’ai échappé un couteau à steak et qu’il s’est planté direct dans mon petit orteil.)

Troisième leçon : si ce personnage est moche, imagine à quel point toi t’es laide.

Pour vrai, comment se fait-il qu’on ait cru juste une seconde que Laney était une fille moyenne? Comment a-t-on pu embarquer dans un tel mirage collectif? C’est de l’hypnose? C’est Messmer?

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Quatrième leçon : c’est notre responsabilité de se protéger des abus sexuels.

Vous vous souvenez du personnage de Paul Walker? Dean, l’ami douche du protagoniste principal! Celui qui tente d’abuser de Laney, après le bal de finissants. Celui qui s’en sort indemne parce que l’étudiante gère ça toute seule, en sortant la bonbonne-klaxon qu’elle traine toujours dans sa sacoche pour faire fuir les agresseurs potentiels…

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Est-ce que c’est ici que je souligne que c’est un film produit par Harvey Weinstein? Ha oui, c’est ici.

Cinquième leçon : Usher est cool.

Qui n’a pas rêvé de voir Usher débarquer à son bal de finissants pour orchestrer une danse endiablée? La chorégraphie qu’il mène ici de main de maître demeure, à mon humble avis, une scène d’anthologie.

Je ne vous dis pas que je la fais pas parfois dans mon salon.

Mais je ne vous dis pas le contraire non plus.

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Sixième leçon : l’orientation sexuelle, c’est flexible.

C’est du moins ce que j’ai réalisé assez rapidement grâce à cette scène-là…

Conclusion, 20 ans plus tard

Vous savez ce que je réalise, aujourd’hui? Qu’aucun esprit critique n’arrivera à supplanter ma nostalgie. Qu’importe les messages véhiculés par She’s All That, tout ce que je veux, en ce moment, c’est regarder ce film pour une centième fois.

Il y a, quelque part en moi, une pré-ado assoifée de contes vaguement déplacés. Et qui peut résister au fantôme d’une jeune femme maladroite aux cheveux lisses?

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