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Eddy de Pretto : casser le moule de la virilité

Le prodige français qui navigue entre hip-hop et chanson française fera trois spectacles au Québec ce weekend.

Par
Estelle Grignon
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Le nouveau phénomène de la scène musicale française, Eddy de Pretto s’apprête à présenter son style singulier au public québécois. En spectacle, seulement accompagné de son téléphone et d’un batteur, le chanteur se démarque grâce à un verbe aiguisé et une approche unique de thèmes tabous. Avec lui, l’identité de genre, la sexualité et l’image de soi sont des sujets soudainement décomplexés.

Dans la plupart des articles que l’on peut lire sur lui, on présente Eddy en évoquant un mélange entre le rap et la chanson française. D’entrée de jeu, lors de notre rencontre dans un hôtel de Montréal, il m’explique que ses influences sont beaucoup plus vastes que cette case dans laquelle on le met.

« Il y a beaucoup de R&B aussi, explique-t-il. J’ai beaucoup écouté Wale, R KellyLeslie, en France. C’était vraiment beaucoup de R&B, des trucs très langoureux, avec des mélodies très puissantes. » Il ajoute aussi Frank Ocean et Kendrick Lamar à sa liste d’influences. Au fil de la discussion, il admettra vouloir explorer un style encore plus organique pour ses prochains projets. Il cite la soul de la pièce Love on the Brain de Rihanna et la chaleur de l’album The Life of Pablo de Kanye West comme possibles points de référence.

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Sortir du moule

Reste qu’au-delà de son approche musicale, Eddy se démarque par les thèmes qu’il aborde. Selon le principal intéressé, il n’y avait pas vraiment de précédent pour un artiste comme lui en France. Traiter ouvertement d’homosexualité et de machisme constituait pour lui un grand risque. Tellement qu’il avoue ne pas avoir dormi de la nuit la veille de la sortie de son premier EP Kid, en octobre 2017. La chanson titre du projet commence avec les paroles: « Tu seras viril mon kid/je ne veux voir aucune larme glisser sur cette gueule héroïque ». En guise de refrain, il se contente de répéter « virilité abusive ».

« Je me demandais pourquoi en France, on n’avait jamais eu ce discours-là. On n’avait jamais questionné la virilité. » Il se souvient d’ailleurs avoir eu une « grosse » apparition télévisuelle à faire le lendemain de la sortie de son opus, ce qui le stressait beaucoup. « Je me disais, mais putain, est-ce que je vais me prendre des tas de commentaires malveillants? Est-ce que ce sera constructif? » Au final, cette approche nouvelle a été bien accueillie selon lui. « J’ai reçu beaucoup plus de mercis, de “putain, on a enfin ce discours-là en France.” »

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C’est que selon lui, dans on pays, l’hypermasculinité est vue comme une obligation, comme un moule prescrit pour les garçons. « J’ai grandi dans un contexte où l’homme ne pouvait pas se penser autre chose. Il devait être robuste, fort, puissant, vaillant, défensif… »

Eddy est optimiste sur un éventuel changement de cap en France. Il admet que son premier album Cure l’a amené à être déjà beaucoup plus à l’aise avec lui-même. Il cite également les derniers albums de Christine and the Queens et de notre cher Hubert Lenoir comme de bons exemples d’œuvres qui permettent l’ouverture d’un certain discours. « On est amené à se reposer des questions ».

Mais avec tout ce discours sur la masculinité toxique, Eddy s’empresse de nuancer. « Ce que je veux bien mentionner, ce n’est pas que la virilité ne devrait plus exister, que tous les mecs doivent s’en dénuer, que c’est un truc mauvais. Pas du tout! »

« C’est possible de discuter, de débattre et de pouvoir remettre en question des codes et des normes figées. »

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« Si ça continue, je ne vivrai que pour me plaire »

Non seulement son EP Kid a été un grand succès, mais Eddy de Pretto savait déjà à l’époque que le plus gros était à venir. C’est ce qui l’a amené à écrire la pièce Égo. À l’époque, il créait une commotion avec une nomination aux Victoires de la musique avant même la sortie de son premier disque. Sur la pièce, il s’imagine déjà devenir complètement obsédé par le succès. Un an plus tard, il collectionne les millions de vues sur ses vidéos YouTube. Toutes (oui toutes) les chansons de son album Cure ont déjà dépassé les deux millions d’écoutes sur Spotify.

Heureusement, le texte d’Égo ne s’est pas avéré prophétique. Calme, il explique ne plus s’en faire avec ces nombres. Il avoue toutefois que la tentation était grande au début de sa carrière de suivre l’évolution des clics, des écoutes et des réactions sur les réseaux sociaux. « Je voulais savoir si ça fonctionnait, affirme-t-il. Mais maintenant, je suis moins curieux de ça. Ça m’a beaucoup apaisé ce qui s’est passé dans la dernière année. »

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« Le succès, je pensais que j’en serais beaucoup plus dingue. Et en le connaissant, ça fait du bien. Ça flatte mon égo. Mais un jour, ça pourra partir comme c’est venu. »

Le Québec comme deuxième maison

Eddy de Pretto passe la semaine au Québec, un endroit qu’il commence à apprivoiser. C’est que son concert de samedi sera déjà son troisième à Montréal en moins d’un an. Il a d’abord eu son baptême de la métropole aux dernières Francos et a ajouté un autre détour en septembre dernier pendant le festival Mile End Ex.

Lorsque je lui demande ce qu’il aime le plus du Québec, son regard bleuté s’illumine. Et il n’est pas question des contrées enneigées, de l’accent fascinant ou de Garou. Le jeune Français adore les Québécois, tout simplement. « Il y a un lien humain qu’on n’a pas. Ici, il y a un truc vraiment de proximité, de facilité, de lien et ça, c’est hyper agréable. Nous, on est un peu dans notre cocon et vous, vous cassez à contre-pied. »

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« C’est juste une manière de fonctionner différente. Et ça fait du bien. »

Eddy de Pretto sera en spectacle au Théâtre Granada de Sherbrooke le 5 avril. Il jouera le lendemain au MTelus de Montréal et conclura sa fin de semaine à l’Impérial de Québec dimanche.