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Écoute exclusive & entrevue: Helena Deland, seule ou accompagnée

Découvrez l'artiste ainsi que sa nouvelle chanson, «Take it All».

Par
Jean-Philippe Tremblay
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En découvrant les chansons d’Helena Deland, j’étais déjà curieux de la rencontrer. C’est une jeune fille qui écrit avec la force essentielle à se rendre vulnérable des choses simples qu’on ne dit pas toujours. Qui transforme son trouble intime en quelque chose d’étrangement apaisant, aidée de mélodies éthérées et d’une voix aussi délicate qu’aérienne. Qui fait du beau avec des malaises, de la grandeur avec du quotidien; de l’art, quoi.

Bonne nouvelle, au final elle est à mille lieues de toute la hype qui l’entoure présentement : simple, vraie, un peu pudique et pas tout à fait à l’aise dans la représentation.

Et c’est peut-être beaucoup pour ça qu’elle est nécessaire, en fait.

C’est moi ou dès qu’on ouvre un journal récemment on t’y présente comme le « next big thing »?

Well je vais y croire quand je vais le voir! C’est flatteur mais c’est pas full crédible… le langage de la presse est un peu bourré de superlatifs. C’est une petite tape dans le dos, pas plus. Si ça amène des gens à m’écouter en même temps, pourquoi pas? Même si quand c’est ma mère qui me le dit, je prends pas mal plus ça pour du cash…

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J’ai lu quelque part que tu étudies en littérature. C’est arrivé comment pour toi, la chanson?

J’ai fini mon BAC en avril dernier, j’ai arrêté de travailler pour faire de la musique temps plein. C’est un peu du gambling, quand même. Je suis exactement rendue au point où j’ai plus vraiment d’argent et plus vraiment le temps de travailler non plus; c’est un beau problème et une étape nécessaire pour vraiment se consacrer à quelque chose, je pense.

Honnêtement c’est un petit plan machiavélique d’enfance pour moi, faire de la musique. J’ai senti que c’était maintenant ou jamais alors j’ai foncé; un genre de YOLO. J’ai pas étudié là-dedans et je rushe encore à travailler avec des musiciens meilleurs que moi (rires). Mais j’ai le temps là, j’apprends beaucoup!

Honnêtement c’est un petit plan machiavélique d’enfance pour moi, faire de la musique. J’ai senti que c’était maintenant ou jamais alors j’ai foncé; un genre de YOLO.

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J’ai aussi découvert qu’il y a beaucoup plus d’aspects à apprivoiser en musique qu’en littérature. Y’a le bout où t’écris toute seule, travailler en band, le concert, le public… J’avais vraiment de la misère à être frontwoman au début, ça me rendait un peu dingue, je changeais complètement de personnalité.

Maintenant ça va mieux, c’est plus facile. J’ai fait presque 60 shows en un an, j’ai arrêté d’avoir des rires nerveux et d’être awkward avec le public à force d’avoir tout le temps peur de me tromper dans mes accords. (rire)

Je sais pas si je vais revenir à la formule solo un moment donné; c’est facile tourner toute seule mais une fois que t’as gouté aux arrangements, il manque toujours quelque chose.

Et c’était très cool de travailler avec un réal aussi. Jesse (Mac Cormack) est tellement bon… On est deux têtes fortes qui aime travailler en solo; ça donnait des échanges intéressants, disons.

Il y a une part égale de simplicité et de profondeur qui se dégage de ton songwriting, quelque chose d’aussi facile à s’approprier que singulier. J’ai l’impression que ça doit demander pas mal de travail et de ré-écriture, non?

J’essaie d’écrire tous les jours, c’est un exercice, souvent ça donne rien mais quand t’es disponible et que t’entraines ça, ça se développe.

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Je suis confortable dans la lenteur. Le moment où on a le plus de contrôle sur ce qu’on fait, la liberté d’amener quoi que ce soit jusqu’à un point satisfaisant pour soi-même, c’est pendant la création. Dès qu’on commence à travailler en groupe ou à enregistrer y’a des limites de temps, d’argent, de disponibilité… Une fois que c’est parti ça t’appartient déjà moins.

Et je doute tout le temps… Je viens de finir d’écrire une toune et je trouve ça trop simple, un peu bête. Et en même temps, en chanson, c’est souvent ça qui marche, c’est là où y’a de la place pour habiter une toune.

J’étais à l’hommage à Leonard Cohen récemment et, un moment donné, son fils Adam a dit qu’il passait parfois 5 ans à travailler un texte de chanson. Ça m’a comme fait du bien, je me suis dit « ça se peut ».

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J’étais à l’hommage à Leonard Cohen récemment et, un moment donné, son fils Adam a dit qu’il passait parfois 5 ans à travailler un texte de chanson. Ça m’a comme fait du bien, je me suis dit « ça se peut ». C’est toujours tentant d’écrire vite et de se mettre à monter la toune tout de suite pour voir de quoi ça a l’air; en même temps, avec le temps, je me rends compte que le plaisir d’avoir au final quelque chose de sick vaut bien l’effort de prendre le temps de travailler.

C’est pour ça que tu sors tes chansons au compte-goutte?

Oui, y’a de ça. J’essaie de faire attention à ce qu’y sort. La musique est rendue un autre produit qui est consommé rapidement; j’ai décidé de travailler contre ça un peu.

En fait je suis rentrée en studio l’été dernier pour enregistrer toutes les pièces que j’avais écrites au cours des 5 dernières années. Finalement, j’ai décidé que c’était trop épars pour être un album. C’est devenu une série de fragments qui ont en commun l’idée de la relation amoureuse, le sentiment d’être souvent complètement perdue en compagnie des autres.

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Transformer un moment poche en une belle chanson, c’est satisfaisant. Ce qui m’intéressait à ce moment-là c’est beaucoup « la game » : ce que tu dis, ce que tu caches, ce que tu diras jamais. Y’a beaucoup de ça dans les chansons.

Des fois l’écriture précède la réflexion, et tu t’impressionnes toi-même. Ou tu te fais peur. Je m’intéresse aux affaires qui bloquent, souvent. Aux choses pas toujours réglées.

Parlant de choses pas réglées… t’es une anglophone qui parle bien français ou une francophone qui chante en anglais? Je sais, c’est plate comme question.

Haha… tout ça! Je viens de Québec et pourtant je me sens vraiment chez moi à Montréal. Ma mère est anglophone et mon père franco.

J’ai déjà essayé de chanter en français mais je sais pas trop… peut-être parce que c’est la langue que j’utilise pour communiquer avec mes proches? On dirait que parler français pour moi c’est dire les choses de front; quand j’écris dans la « langue secrète » c’est plus facile. Je me sens plus libre, moins sévère avec moi-même. L’anglais c’est une langue un peu vague aussi, ça se prête bien à la chanson. Un jour peut-être… on verra?

Pour écouter Take it All:

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https://soundcloud.com/luminellerecs/helena-deland-take-it-all/s-cNc1l