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« Dune : deuxième partie » et la renaissance du blockbuster

Peut-être la meilleure suite depuis Lord of the Rings : The Two Towers? Je ne vous niaise pas.

Par
Benoît Lelièvre
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Il y a une limite à ce qu’on peut accomplir avec un film à grand déploiement.

Les budgets pharaoniques et les ambitions impérialistes des grands studios font de la rentabilité un impératif. Pour ces raisons, un film de cette ampleur se doit de plaire à la majorité et beaucoup de gens auront leur mot à dire sur le produit final.

On ressort donc souvent du visionnement d’un film à gros budget satisfait, mais sans avoir eu d’expérience viscérale. Parce que ce qui plaît à tout le monde ne conquiert techniquement personne. Du moins, c’était mon impression jusqu’à ce que j’assiste à une représentation de Dune : deuxième partie.

J’avais beaucoup aimé la première partie sortie en 2021, mais, en toute transparence, j’avais abandonné l’idée qu’un film à grand déploiement puisse me faire sentir comme je me suis senti en sortant de mon visionnement de cette suite tant attendue.

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Honnêtement, ça faisait longtemps que je ne m’étais pas amusé comme ça aux vues. Notre Denis Villeneuve national vient de donner un électrochoc au marché des grosses productions américaines. Comme quoi, il fallait un Québécois pour ramener un peu d’ambition et d’âme dans un marché qui n’essaie même plus, et ce, depuis plusieurs années.

Patience, confiance et exécution

Cela dit, je vous conseille fortement de revoir Dune : première partie avant de vous lancer dans cette épopée émotionnelle qui vous attend (ma gang de chanceux). Parce que ça commence exactement là où on nous avait laissés, soit après la mort de Jamis et l’acceptation de Paul Atreides (le beau Timothée Chalamet) dans le clan de Stilgar (l’encore plus beau Javier Bardem) et Chani (une Zendaya pour qui vous n’êtes pas prêts).

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Paul et sa mère Jessica Atreides (Rebecca Ferguson) doivent se faire accepter par le peuple Fremen afin de les mener dans une révolte contre le clan Harkonnen qui vient tout juste de coloniser la planète Arrakis à des fins d’exploitation de l’épice (pour les non-initiés, l’épice est la substance la plus précieuse dans l’univers de Dune).

Parce que celui qui contrôle l’épice contrôle tout!

On ne se le cachera pas, Dune : deuxième partie n’est pas particulièrement novateur, dans sa manière de raconter, mais c’est un film qui traite une histoire merveilleuse (et merveilleusement complexe) avec toute la patience et l’amour qu’elle mérite. Dès le début, le film s’accorde une heure complète pour nous raconter comment Jessica et Paul parviennent, respectivement, à gagner la confiance des Fremen et le cœur de Chani, sans jamais que ce soit plate ou évident.

Oui, on assiste à beaucoup de scènes de Timothée Chalamet et Zendaya qui se regardent dans les yeux et qui se murmurent des mots d’amour pendant cette heure, mais aucune de ces scènes n’est inutile. Jamais on n’arrête d’y croire, jamais on n’a envie de regarder ailleurs. Les deux tourtereaux sont magnétiques et communiquent des enjeux plus intimes que ceux d’une guerre intergalactique auxquels on peut s’identifier rapidement.

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Ça, c’est simplement de la bonne écriture. C’est un film qui prend le temps de raconter.

Sur le plan esthétique, tout est au point, dans la beauté comme dans la laideur.

Jamais Dune : deuxième partie ne s’abaisse à emprunter des codes cinématographiques usés, comme des scènes de bataille trop longues ou des retouches par ordinateur paresseuses. Tout est unique. Tout est fascinant. Plusieurs délais ont affecté la sortie de Dune : deuxième partie, mais l’originalité visuelle et l’attention aux détails en auront valu la peine.

Les geeks de Dune attendent aussi avec impatience l’introduction de Feyd-Rautha (Austin Butler) et laissez-moi vous dire : vous ne serez pas déçus. Disons que vous oublierez assez rapidement le Sting luisant et ses curieuses bobettes de la version de David Lynch.

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Les ravages du pouvoir

Les nerds qui ont lu les romans de Frank Herbert comme moi savent que Dune, c’est beaucoup plus qu’un Star Wars pour adulte, avec des politicailleries et des batailles pour des ressources comme une partie de Catan entre oligarques un peu trop crinqués.

C’est d’abord et avant tout une allégorie à propos des ravages du pouvoir et l’adaptation de Denis Villeneuve porte un grand respect à cet aspect de l’œuvre, un « détail » qui sera sûrement très apprécié par les puristes!

Le cœur de Dune : deuxième partie, c’est le dilemme moral de Paul Atreides entre l’impulsion d’obéir à ses visions prophétiques ou à son sens du devoir envers le peuple Fremen. Il doit choisir entre la galaxie et son cœur et il est terrifié des conséquences que pourrait enclencher son implication politique. En d’autres mots, Paul ne veut pas boire son propre Kool-Aid, sauf qu’il n’en a pas vraiment le choix.

Cette allégorie (et l’usage que Villeneuve en fait), c’est la différence entre un film divertissant et un film qui vous prend aux tripes. Parce que le dilemme de Paul vous pose la question à vous aussi : seriez-vous à la hauteur d’une responsabilité qui vous demande de faire un sacrifice personnel aussi énorme? Êtes-vous capables d’assumer une position de pouvoir sans qu’elle ne vous change? C’est impossible de regarder Timothée Chalamet être confronté à ce dilemme sans en venir à se poser la question.

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Le choix de Paul Atreides rend les enjeux de Dune : deuxième partie entièrement personnels. C’est quelque chose que Denis Villeneuve et son co-scénariste Jon Spaihts ont réussi à communiquer de façon claire et précise.

Dune : deuxième partie m’a fait ressentir des émotions que je n’avais pas ressenties depuis Lord of the Rings : The Two Towers. Deux décennies, des centaines (peut-être des milliers?) de films et une bonne dose de cynisme envers la machine hollywoodienne plus tard, je me suis laissé transporter par un film comme un enfant, et ça m’a fait du bien.

Toujours à mi-chemin entre le bonbon cinématographique et le récit profond et viscéral, c’est le film de science-fiction que j’ai toujours voulu voir.

C’est aussi le genre de film qui redéfinit les attentes envers le cinéma à grand déploiement. Le prochain film avec un budget de 200 millions devra se lever de bonne heure, parce que Denis Villeneuve vient de drastiquement rehausser les standards après deux décennies de blockbusters télégraphiés.

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