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« Dumas » et la philosophie de Luc Dionne

Une nouvelle série de Luc Dionne mettant en vedette Gildor Roy peut vous sembler une proposition familière, mais on est très loin du commandant Chiasson.

Par
Benoît Lelièvre
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Avant de le retrouver au cœur de la scène d’ouverture de Dumas, je n’avais pas pensé à Jason Roy-Léveillé depuis l’époque de À vos marques… party!

Il ressemble encore à l’ado sportif un peu tourmenté qu’il a incarné maintes fois au petit écran, mais dans la peau d’Anthony Dumas, il s’exprime pendant une plaidoirie judiciaire à propos du principe de la vérité avec une confiance magnétique. C’est difficile de ne pas l’écouter parler ou même d’être en désaccord avec son propos. Sans rien savoir à propos du personnage, je me suis fait la réflexion : « j’écouterais un balado avec ce gars-là n’importe quand ».

Mais Anthony Dumas n’est pas le Dumas de la série qui porte son nom. C’est plutôt son père, Jean Dumas, président fondateur (et tyran d’office) de la firme de sécurité privée Intelco, joué par Gildor Roy et librement inspiré par le président fondateur du groupe Sirco, Claude Sarrazin. Il y a un peu de Jean Dumas dans tout le monde qui croise son chemin : ses enfants, employés, clients, ennemis et même dans son ex, interprétée par Isabel Richer.

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Dans les deux premiers épisodes de Dumas, on enquête sur des crimes, mais on examine aussi l’envers d’un milieu de vie qui tourne autour d’un patriarche dominant.

District confidentiel

Dumas, c’est un peu comme District 31, mais pas vraiment.

Avouez que vous vous posiez la question. Les comparaisons vont à coup sûr se faire entendre tout l’automne, parce que la structure narrative est similaire (une série d’ensemble avec plusieurs personnages forts), mais c’est au niveau du ton qu’on est complètement ailleurs. On est assez ailleurs pour que ça fonctionne.

La moralité de Dumas est plus floue et l’équipe d’Intelco plus morcelée émotionnellement, malgré leur proximité professionnelle. Les loyautés sont également constamment mises à l’épreuve.

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« C’est les interactions qui m’intéressent. L’important, pour moi, c’est d’avoir de bons personnages. Ce qui se passe c’est important aussi, mais c’est secondaire », me confie l’auteur de Dumas Luc Dionne au visionnement de presse de Radio-Canada, entre deux bouchées de salade de pâtes.

« Te souviens-tu de ce que faisait Séraphin Poudrier avec son temps, toi? Non, mais tu te souviens de lui parce que c’est un personnage fort. »

Un problème qui torpille plusieurs projets créatifs, c’est qu’ils ne mettent de l’avant qu’un seul personnage intéressant. Les autres existent dans le seul but de combler des besoins ou de causer des embûches. Dans Dumas, les relations entre les personnages sont aussi complexes que les personnages eux-mêmes. C’est au cœur de l’identité de la série.

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Par exemple, Anthony Dumas fait chier son père dès le début du premier épisode parce qu’il prend un cas d’aide juridique à la cour et le gagne. Ça a pour conséquence d’attiser la (très hypertrophiée) mauvaise humeur du paternel, qui prend un nouveau cas avec en tête l’idée de montrer à fiston qui est le patron et le tout teinte un procédé qui se doit d’être objectif à la base. En tout cas, le plus objectif possible.

Le mystérieux Éric est un autre cas qui promet. Interprété avec conviction par Vincent Leclerc, il affiche une grimace guerrière perpétuelle sur son visage qui trahit un passé bigarré. Après deux épisodes, on sent son influence sur les autres personnages sans trop la comprendre. Une raison de plus pour continuer de regarder Dumas, cet automne.

« J’ai toujours été fasciné par les rapports de force. Surtout dans des univers où il n’y a pas de règles. J’ai écrit sur le crime organisé, la police, la politique et plein d’autres affaires, mais ça a toujours été au cœur de ce que je fais », philosophe Dionne.

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L’avant et l’après de Luc Dionne

Ça devait être un peu plate pour le créateur de Dumas, mais District 31 (et son succès phénoménal) était encore sur toutes les lèvres pendant le visionnement de presse. Après avoir passé plus de 712 épisodes avec l’équipe du commandant Chiasson, les gens n’en sont tout simplement pas encore revenu. Du moins, les journalistes.

« J’ai pas dans la tête d’aller chercher des cotes d’écoute aussi hautes que celles de District 31 », répète Luc Dionne plus d’une fois pendant la journée.

Écrire une quotidienne, c’est extrêmement demandant. Dionne raconte pendant la table ronde avec les journalistes avoir commencé la première saison avec neuf semaines déjà écrites, la deuxième avec cinq semaines, la troisième avec trois et les dernières saisons sans avoir eu le temps d’écrire au préalable. Il est sorti de l’expérience vidé, et avec des ennuis de santé.

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Dumas, c’est le début de l’après-District 31 pour Luc Dionne. Il en est très conscient. « J’suis vraiment content d’avoir créé un univers qui se tient, de voir des acteurs s’approprier mes textes et les faire vivre. Tout ça, c’est dans ma tête au départ et c’est très gratifiant de voir ça prendre vie. »

Je vous conseille de plonger dans Dumas avec l’esprit ouvert. Vous retrouverez des plaisirs similaires à District 31 sans le même rythme ou le même ton. Marie-Lyne Joncas y interprète une impressionnante enquêtrice chevronnée, mais sensible. Jason Roy-Léveillé y effectue le retour de l’année et Gildor Roy y est égal à lui-même.

« C’est un des plus grands acteurs qu’on a au Québec. Il peut s’adapter à n’importe quoi. Il a compris tout de suite où je voulais m’en aller avec ma nouvelle série », affirme Luc Dionne.

Ça commence le 9 septembre à 20h, sur les ondes de Radio-Canada.