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Dry January : l’occasion de réfléchir à notre consommation d’alcool

Et d'arrêter de questionner ceux et celles qui choisissent de ne pas boire.

Par
Bettina Zourli
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Ça y est, les Fêtes sont terminées. Que vous ayez dû subir le mononcle raciste et homophobe ou que l’ambiance ait été joyeuse, une constante accompagne souvent les fêtes familiales : l’alcool. De récentes données d’Éduc’alcool indiquent qu’environ 25 % à 30 % des adultes québécois.es boivent plus que modérément, et que beaucoup boivent par habitude, sans se poser de questions sur les raisons ou les circonstances qui les portent à boire.

Cette année, j’ai pour la première fois commencé à ressentir un malaise avec l’alcool. À ne pas trouver ça drôle quand un ami tombe dans la rue parce qu’il est trop soûl. À être vraiment énervée qu’un autre ami pète l’ambiance de la soirée avec son alcool(isme) aux conséquences néfastes. Ou juste à m’interroger sur ma propre consommation d’alcool et à me demander : suis-je alcoolique ou ai-je un risque de le devenir?

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Alors, aussi pour la première fois cette année, j’ai commencé à sortir sans boire d’alcool. Ça peut paraître complètement anodin pour certain.e.s, mais pour moi, c’était expérimenter la socialisation d’une manière nouvelle. Pour tout vous dire, il m’est arrivé d’avoir peur de m’ennuyer, ou d’aimer moins mes ami.e.s, si l’alcool n’accompagnait pas nos discussions. Je bois de l’alcool chaque fois que je vois des gens depuis l’âge de 16 ans, boire fait partie de ma façon de socialiser, et le remettre en question peut parfois faire perdre quelques repères.

À l’approche des Fêtes, j’ai donc sondé (de façon nullement scientifique) ma communauté Instagram sur le sujet. À la question « L’alcool est-il un problème dans ta famille pendant les Fêtes? », 81 % m’ont répondu « oui » (soit 1472 votes) et seulement 19 % ont répondu « non ». Bon, on s’entend que ces résultats sont biaisés, puisque les personnes qui ne trouvent pas que l’alcool est un problème ont probablement simplement passé ma story. Mais quand même, ce qui revenait ensuite dans les messages privés, c’est que les personnes qui boivent trop ont des propos déplacés, monopolisent l’attention, deviennent désagréables, voire carrément méchantes ou violentes.

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Admettre qu’il y A un problème sociétal

Bien sûr, des campagnes de prévention existent. Pourtant, dans nos quotidiens, combien sommes-nous à vraiment réfléchir à notre rapport à l’alcool? Boire un verre de vin, c’est boire un verre d’eau, dans pas mal de familles.

Dans les entreprises, les pots de fin d’année, les cadeaux d’employeurs, tournent eux aussi autour de l’alcool. Combien de salarié.e.s ont été convié.e.s à des apéros alcoolisés, ou ont reçu une bouteille de vin dans le panier garni de fin d’année? Ces détails participent à la normalisation de l’alcool : on n’imagine même pas que certaines personnes soient gênées par ces cadeaux ou que cela soit pénible ou traumatisant pour elles.

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La stigmatisation de celles et ceux qui ne boivent pas

En 2015, une de mes collègues de travail avait décidé de freiner drastiquement sa consommation d’alcool, en lien avec les problèmes d’alcoolisme de sa mère. Je me souviendrai toujours de sa colère lorsque, pour la énième fois, un autre collègue la bassinait avec « allez, un petit verre?! », « ben alors, t’as changé! », simplement parce qu’elle avait choisi un Perrier plutôt qu’une pinte.

L’été dernier, alors que je buvais un verre avec un ami pour la première fois, celui-ci m’a prévenu qu’il ne buvait pas d’alcool lorsque j’ai moi-même commandé un verre de rosé. Il m’a expliqué que pas mal de gens réagissaient mal lorsqu’ils prenaient un verre en tête à tête avec lui et qu’il ne commandait pas d’alcool.

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Pourquoi est-ce qu’on s’échine à emmerder les gens qui ne boivent pas? Simplement, je pense, parce qu’ils nous confrontent à notre relation problématique avec l’alcool. Nous sommes tellement nombreux et nombreuses à avoir grandi avec une vision banalisée de la consommation d’alcool que lorsque quelqu’un nous montre un autre chemin, une consommation marginalisée, cela nous met face au fait que non, boire de l’alcool en permanence n’a rien de naturel : il s’agit d’une habitude, d’une pratique, qui devrait être réfléchie.

On préfère dire des gens qui ne boivent pas qu’ils sont chiants plutôt que se confronter à la raison pour laquelle l’alcool est autant banalisée. Claire Touzard, dans son ouvrage Sans alcool, relate son alcoolisme et la réflexion qu’elle a menée sur le sujet : « J’ai bu pour m’autoflageller, me haïr encore plus. Pendant longtemps, je me suis dit que j’avais merdé, que je n’avais mérité que cela, la maltraitance et l’opprobre des autres. »

Doit-on arrêter de boire?

Le Dry January (ou mois sans alcool) est une initiative lancée par Alcohol Change UK en 2013. L’objectif de cet organisme est de prévenir l’alcoolisme via des campagnes de sensibilisation. Le Dry January, qui fait chaque année de plus en plus d’adeptes, permet de s’octroyer un temps de réflexion face à la banalisation de l’alcool.

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Si je ne pense pas à arrêter complètement l’alcool, il me semble toutefois que la pratique d’un événement comme le Dry January peut avoir du bon. En effet, elle permet d’entamer la discussion en famille, dans les groupes d’ami.e.s, et peut-être de faire prendre du recul quant à notre consommation régulière.

À ce sujet, Claire Touzard explique encore : « Je n’allais pas seulement me frotter à mes démons, à mes frustrations : j’allais devoir affronter tous ceux des autres. Car en France, tout le monde boit. Et personne ne veut en parler. »

C’est là que se trouve toute la difficulté à mon sens : réfléchir à ce sujet dans une société où l’alcool est à la fois omniprésent et complètement tabou.

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Ce texte a d’abord été publié sur urbania.fr
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