.jpg)
Juillet 2005. C’était une soirée humide de juillet sur la terrasse de la Ripaille de Repentigny. Comme à l’habitude, c’était rempli de jeunes banlieusards venus s’envoyer quelques bucks de bière pour meubler leur samedi soir.
J’y étais avec des amis. Nous venions de commander nos premières bières et un panier de pop corn. Le chansonnier nous beuglait un cover de Pink Floyd et des jeunes énervés faisaient crisser leurs pneus de chars modifiés dans le parking.
C’était un samedi soir d’été typique de par chez nous.
Comme n’importe quelle conversation de taverne qui se respecte, nous passions d’un sujet à l’autre un peu comme les related videos sur YouTube… Tsé quand tu commences avec une vidéo de chien qui joue du piano et que tu termines vingt minutes plus tard en regardant un documentaire sur un homme qui se nourrit exclusivement de pâte à dents?
C’était la même chose pour nos conversations. Nous jasions de théories extra-terrestres Janap 146 et on s’est retrouvé à jaser de villes comme Boston et New York.
À la grande surprise de tout le monde, Mathieu (un de mes amis) et moi étions les seuls à n’avoir jamais vu ni l’une ni l’autre des deux villes. Cinq minutes plus tard, on payait nos factures et on tirait à pile ou face notre destination. Nos copines étaient contactées, nous partions entre boys pour quelques jours en road trip… Pile… À Boston.
Nous avons sauté dans mon Saturn Wagon 95, turquoise, avec des ceintures automatiques. Un arrêt à nos appartements respectifs pour ramasser quelques trucs et nous étions en route pour Boston. La chanson Banquet de Bloc Party venait de sortir, nous l’écoutions sur repeat.
On roulait sur la 89, on mangeait des chips pis on chantait à tue-tête. Nous étions des Thelma et Louise en plus grassouillettes avec de la barbe. Pis un moment donné, je suis devenu un peu trop “bohème cave”. Je me suis dit : “Je vais prendre n’importe quel chemin et la vie va nous mener où elle veut.”
C’est hot dans les films, ça… Pas la nuit dans le Vermont quand tu n’as pas de GPS pour te retrouver.
Nous étions complètement perdus, je me suis mis à faire n’importe quoi. Tourner à gauche, à droite pour finalement me retrouver dans une station service où un monsieur étrange a tenté de m’expliquer le chemin. On s’est retrouvé sur une route sombre, on a pris un chemin nowhere, trouvé un parking. Fuck off! Ça allait être là que nous allions sortir nos chaises de camping, notre alcool pis se saouler tranquille dans ce parking sombre sur le bord d’une butte.
Après une demi-bouteille de Jack Daniels et quelques canettes de bière, nous avons fait un roche/papier/ciseau pour savoir qui allait profiter de la grosse valise du Saturn Wagon pour dormir. J’ai perdu. Je me suis endormi, saoul, assis, en boxer, côté passager, la porte ouverte, un pied à l’extérieur de la voiture, la tête penchée par en arrière, la yeule ouverte… Crisse qu’on s’endort bien quand on est paqueté.
En plein milieu de la nuit, un doigt m’a poké violemment le front pour m’extirper de mon sommeil profond de gars saoul. J’ai ouvert mes yeux et j’ai été aveuglé par une lampe de poche. Qui peut bien me poker le front? J’ai hurlé de peur et fermé la porte. L’homme s’est éclairé le visage en me demandant mon passeport. J’ai réalisé que c’était un policier. Un policier pas super jovial. Il nous criait de sortir du véhicule comme si on était Pablo Escobar et Charles Manson.
J’étais debout, en bédaine et toton de monsieur, semi bandé dans mes boxers parce qu’on venait de me réveiller.
Mathieu est sorti de la valise. Il était debout en chest et le restant de son corps était caché dans son sleeping bag.
Il fait 6’4″. Moi 5’9″.
Un grand maigre et un petit gros en exploration dans le Vermont.
Debouts, devant un policier fâché.
La lumière nous aveuglait, le policier nous demandait des explications, j’essayais tant bien que mal de lui parler, mais il ne cessait pas de crier des affaires en anglais du genre :
– You were fucking in the car?!!!!!!!!!!!!
– You’re gay!?
-You guys making sex in public?
HEIN NON! FUCK NON!
Mathieu tenait son sleeping et moi je levais innocemment la main pour parler, le policier n’arrêtait pas de me couper la parole quand j’essayais de répondre à SES questions. Soudainement, il a regardé Mathieu et lui a ordonné “pas gentiment” :
“Drop the sleeping bag, right now!”
Mathieu a refusé.
Je l’ai regardé avec stupéfaction. Je lui ai ordonné à mon tour de droper son estie de sleeping bag pour faire plaisir à Robocop devant nous.
Mathieu a dropé son sleeping bag et il était tout nu. Flambant nu shaft !
Moi : “QUOI?????!!!!!! Tu dormais à poil dans mon char ?”
Mathieu: “S’cuse-moi man. Depuis que je suis petit, je dors à poil. Je ne suis pas confortable avec des boxers. Ma culotte est dans le fond de mon sac de couchage. Capote pas, j’allais les remettre.”
On a expliqué au policier que nous ne voulions pas prendre la route après avoir bu, que tout ça était un malentendu, que nous partirions à la levée du soleil. Le policier nous regardait avec mépris.
Je ne comprendrai jamais ce qui s’est passé cette nuit-là. Il s’est juste lentement retourné et a marché en direction de son véhicule. Il ne nous a jamais regardé à nouveau et il a juste quitté.
On est retournés chacun à nos “lits respectifs”. Mon banc passager et lui, sa valise.
Comme le soleil se levait, je me suis fait réveiller par un bruit de tondeuse. L’autre côté de la butte… Il y avait une église. Nous étions un dimanche matin, à moitié nus dans un véhicule, dans un PARKING D’ÉGLISE! Une église que nous n’avions jamais vue dans le noir, l’autre bord de la butte!
Les gens étaient autour de ma voiture et nous regardaient dormir. Une bonne dizaine de personnes nous DÉVISAGEAIENT.
Je me suis levé, en boxers, Mathieu est sorti de la valise en sleeping bag et sautait pour se déplacer. Nous leurs avons souri.
Nous avons ramassé nos canettes de bières, nos chaises de camping et nous avons repris place dans le véhicule. Je conduisais en boxers et lui, était toujours en sleeping bag à mes côtés. Nous avons traversé les gens qui nous dévisageaient et nous avons quitté ce parking comme 2 grands champions.
***
Pour lire un autre texte de Jonathan Roberge : “Fuck les hippies”