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Drôle comme un policier devenu designer

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Une culture sans âme, ce n’est pas une culture. Si une chose est demeurée (presque) intacte en Haïti depuis le séisme de janvier 2010, c’est l’humour et la sensibilité de ses habitants. Le photographe Paolo Woods et le journaliste Arnaud Robert ont tenté de l’immortaliser dans le livre État qui vient de paraitre aux éditions Photosynthèses.

Après sa démission l’année dernière, le célèbre chef de la police nationale haïtienne, Mario Andrésol, a changé de carrière. Il s’est lancé dans la mode avec une première collection homme et femme, MA, dévoilée en décembre.

« Ce n’est pas moi qui force les choses, explique le photographe documentaire Paolo Woods, en parlant de sa démarche. Andrésol a vraiment une Harley-Davidson jaune dans son salon! »

Dans ce pays chaleureux, les extrêmes s’y côtoient sans gène. Les surprises, qu’elles soient dramatiques ou amusantes, sont choses du quotidien. Surtout, Haïti ne s’offre jamais dans sa totalité au premier regard.

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Woods a d’ailleurs quitté Paris il y a trois ans pour s’installer en
Haïti avec sa famille afin de mieux comprendre sa complexité.


Un cour de spinning à Pétion-Ville.


Une soeur promulgue ses conseils lors de son émission hebdomadaire.

Cette photo, issue d’un projet sur l’importance des radios au pays, a remporté un prix World Press Photo.

« Ce que j’aime de ce pays, c’est la découverte qu’il y a une quantité de couches dans chaque chose, chaque évènement, qui les rendent plus intéressants. »

Woods vient de rentrer en Haïti après le lancement en Europe et aux États-Unis de son livre État, publié avec Arnaud Robert. Ce livre, dont la préface est signée par Dany Laferrière, s’accompagne de deux expositions, l’une à New York et l’autre à Lausanne.

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Grégory Brandt, l’un des plus grands chefs d’entreprise en Haïti, photographié chez lui pour le reportage Les nantis d’Haïti, écrit par Arnaud Robert, paru dans Le Monde.


Un pasteur évangéliste, comme des centaines avant lui, est venu prêcher la bonne parole. Beaucoup d’églises protestantes du bible belt américain financent des églises en Haïti.

« Par exemple, Andrésol a des histoires incroyables sur tous les gens qui l’ont entouré. Ensuite, à un deuxième niveau, l’ancien chef de police est non seulement styliste, mais designer mélangeant les influences militaires et saps africaines (inspirées des dandy anglais). T’as une couche encore plus haut, le personnage lui-même, qui dit être passionné par Alain Souchon. Pendant l’entrevue, il nous a même amené dans sa chambre où il nous a fait un karaoké de ses chansons. »

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Ceci nous raconte beaucoup plus sur une culture, croit Woods, que les centaines d’images formatées par l’actualité.


Jeu très populaire, les dominos font subir toutes sortes de sévices aux perdants.


Un groupe d’évangélistes américains venus « sauver » Haïti pendant deux semaines de vacance. Reportage réalisé avec Arnaud Robert paru dans différents médias. Photo: Paolo Woods, Institute Management.

« Quand t’essaie de voir et comprendre ces différentes couches, ça te donne une profondeur. Dans le cas d’Haïti, l’effet drôle et théâtral est tellement distant de l’image habituelle, ça devient encore plus amusant. Tout le monde sait que les Italiens parlent avec les mains, donc c’est moins original de présenter des Italiens manièrés. Haïti est un pays avec un très grand sens de l’humour, ce qui change de ce qu’on nous présente normalement. Quand j’ai commencé à prendre des photos en Haïti, j’ai décidé d’inclure cet aspect aussi. C’est quelque chose de déjà servit sur un plat. »

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Un guichet de lotterie, communément appelé borlette en Haïti. La lotterie est la plus grand industrie du pays avec des bureaux dans toutes les localités.


Le chanteur du célèbre groupe Boukman Eksperyans, Lòlò Beaubrun, dans les chutes de Saut-d’eau.

Malgré la pauvreté qui touche la majorité de la population, l’âme haïtienne est bien vigoureuse: une des scènes musicales les plus vivantes des Caraïbes, des paysages et des plages encore très peu amochés par le développement à l’américaine de la région (mais ça s’en vient) et un humour noir bien ancré. C’est aussi un pays rempli d’histoire, avec un peuple qui a su montrer la voie de l’émancipation du colonialisme, 150 ans avant tout le monde, et de la fin de l’esclavage, 60 ans avant les États-Unis. Un pays qui a longtemps été un exemple pour toutes les communautés opprimés des Amériques, de Bolivar aux Yorubas brésiliens.

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Mario Andrésol à l’entrée de sa maison, portant un costume qu’il a conçu pour sa collection MA.


Une foule venue acclamer le nouveau président haïtien lors de son investiture le 14 mai 2011.

Paolo Woods est un photographe canado-néérlandais qui a grandi en Italie. Il est célèbre pour ses photos sur l’Afrique (Chinafrique) et sur l’Iran. Son livre État, paru en français aux éditions Photosynthèses, est disponible dans toutes les bonnes librairies. Les textes du livre sont signés par le journaliste suisse Arnaud Robert.

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Twitter: etiennecp