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Drame et culture woke : Gossip Girl peut-elle être aussi efficace en 2021?

«You have to be cold to be Queen»

Par
Laïma A. Gérald
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Comme pour plusieurs d’entre vous, une bonne partie de mon confinement a été consacrée à regarder des séries. Un peu déprimée et apathique, je n’avais pas toujours l’énergie ni la concentration nécessaire pour me lancer dans du nouveau contenu, alors j’ai eu tendance à me retaper des émissions que je connaissais déjà par cœur. Gilmore Girls, Sex and the City, How I Met Your Mother, Rumeurs (je conseille vraiment cette série québécoise du début des années 2000 d’ailleurs) et autres Gossip Girl. Ça me rassurait de réentendre des répliques déjà connues, de retrouver des personnages auxquels je m’étais déjà attachée et surtout, de ne pas avoir à faire l’effort de suivre de nouvelles intrigues. Un confinement dans mes vieilles pantoufles, quoi.

J’étais justement en train de réécouter Gossip Girl quand HBO a annoncé un reboot de la célèbre série américaine. Après avoir supposé qu’on assisterait au retour de Serena, Blair, Chuck, Nate et Dan, j’ai compris que la nouvelle mouture conserverait plutôt la structure d’origine en y intégrant de nouveaux personnages. Je suis donc restée à l’affût et avais bien hâte de regarder le premier épisode.

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Good morning Upper East Siders

Attention, à partir d’ici, cet article contient des spoilers. La première chose à comprendre est que cette nouvelle version de Gossip Girl n’est pas un remake de la série originale, ce qui veut dire qu’on ne retrouve pas les mêmes personnages. Un peu comme Degrassi : La Nouvelle Génération, genre. Même ville, même quartier, mêmes écoles (Constance Billard et Saint Jude sont désormais mixtes), même jeunesse dorée de l’Upper East Side mais avec de nouveaux visages qui en arpentent les rues.

«Même ville, même quartier, mêmes écoles, même jeunesse dorée de l’Upper east side mais avec de nouveaux visages qui en arpentent les rues»

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Nous sommes huit ans après la fin de la série originale. On suit désormais une jeune étudiante et influenceuse, Julien Calloway. Son groupe d’ami.e.s est composé de Luna et Monet, ses deux BFF qui l’aident dans sa carrière de reine d’Instagram, Obie Bergmann IV, un jeune très privilégié, mais woke qui tente d’utiliser son immense richesse pour freiner le développement immobilier sauvage, ainsi qu’Audrey et Aki, un couple de longue date dont la relation est mise à l’épreuve par leur attirance mutuelle pour le personnage Chuck Bass-esque du groupe, Max Wolfe. La rentrée, la première en présentiel depuis la pandémie d’ailleurs, est chamboulée par l’arrivée de Zoya Lott, la demi-sœur secrète de Julien, qui est issue d’un milieu plus modeste. Ceci dit, Nate Archibald et Dan Humphrey, désormais adultes, sont mentionnés. Aura-t-on droit à des caméos? Je le souhaite!

Autre gros changement: il n’y a plus de mystérieuse blogueuse puisque cette fois-ci, tout le monde devient Gossip Girl. Ce sont d’ailleurs les profs de l’école qui relancent le bal sur Instagram. Comme l’a twitté le scénariste Josh Schwartz il y a quelques mois: «Nous avons pensé qu’il serait intéressant que nous soyons tous Gossip Girl à notre manière et que nous exploitions notre propre état de surveillance des médias sociaux, tout en mettant en avant la façon dont ça a évolué». C’est vrai qu’entre le flip phone ou l’immense laptop de Blair Waldorf et le iPhone dernier cri de Julien Calloway, il y a un monde. Je suis assez curieuse de voir comment la série intégrera ce nouveau rapport à la technologie et aux réseaux sociaux, qui en étaient à leurs balbutiements en 2007.

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XOXO – Gossip Girl

Lors de l’annonce du retour de la série, Josh Schwartz avait également promis de la diversité. Et honnêtement, c’est pari tenu. Le personnage de Julien, interprété par Jordan Alexander, est une jeune femme noire, tout comme sa demi-soeur Zoya, interprétée par Whitney Peak. Disons qu’on est loin des actrices toutes plus blanches les unes que les autres de la mouture originale. Arborant des cheveux rasés, Julien offre une image de la beauté moins normative qu’une Serena van der Woodsen, par exemple. Ceci étant dit, de manière générale, sur le plan de la diversité corporelle, il reste encore beaucoup du travail à faire.

«Le personnage de Chuck Bass se ferait clairement cancel aujourd’hui»

La sphère de l’orientation sexuelle a néanmoins été prise en considération dans la construction de certains personnages. Par exemple, le personnage de Max est pansexuel et il a été élevé par deux pères, dont un qui ne se prive pas de se maquiller et de porter des robes. Pour sa part, le personnage de Aki, interprété par l’acteur, surfer et skateboarder aux cheveux roses d’origine hawaïenne Evan Mock, est bisexuel. On pressent d’ailleurs un triangle amoureux torride entre Max, Audrey et Aki, une intrigue qui m’emballe tout particulièrement, pour être franche.

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Pour avoir (encore) regardé la vieille version de Gossip Girl cette année, mais avec ma paire de lunettes de 2021, il faut dire que la notion de consentement n’était pas toujours respectée. Le personnage de Chuck Bass se ferait clairement dénoncer ou même cancel aujourd’hui. Dans le premier épisode de la nouvelle mouture, l’un des membres du personnel enseignant, en faisant référence aux personnages de la série originale, affirme «That was definitely pre-cancel culture» [Traduction libre : « C’était assurément à une époque pré-cancel culture »], créant ainsi une boucle entre les mentalités de 2007 et 2021. Un petit clin d’œil que les nostalgiques-critiques comme moi apprécieront.

Ce n’est pas la seule critique sur l’époque formulée par le groupe de profs, qui agit presque comme un chœur grec qui commente les frasques des personnages principaux. L’une d’entre elles, en parlant de Julien, affirme: «Who needs an education when you’re famous for putting on your makeup» [Traduction libre : « Qui a besoin d’une éducation quand le simple fait de te maquiller t’apporte la célébrité? »] . Une petite pointe lancée aux influenceur.euse.s de ce monde? Fort probable.

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You know you love me

«J’ai moi aussi l’impression que les nouveaux personnages ont un petit quelque chose de lisse, poli, édulcoré»

En lisant des commentaires sur les premiers épisodes de la nouvelle version, je me suis rendu compte que les critiques sont assez mitigées. Richard Lawson du Vanity Fair qualifie la série de «drab» tandis qu’Hugo Dumas de La Presse affirme que «Gossip Girl 2.0, c’est une série Wish. Comme dans le site web qui vend des bébelles inutiles. La photo est super belle, le prix est alléchant, mais le produit livré ne correspond pas du tout à ce à quoi on s’attendait». Et bien franchement, je dois avouer que je suis plutôt d’accord.

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J’ai moi aussi l’impression que les nouveaux personnages ont un petit quelque chose de lisse, poli, édulcoré. Julien, que l’on nous présente comme la nouvelle Queen B, saura-t-elle lui arriver à la cheville? Pour l’instant, je doute qu’elle ait l’étoffe d’une reine ni même que Blair l’aurait choisie comme successeure. Parce que comme le dirait Miss Waldorf: «You Need To Be Cold To Be Queen».

je suis ravie de découvrir des personnages plus woke, moins problématiques, moins toxiques, mais je me dis que des séries comme Sex Education et Genera+ion le font mieux.

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C’est vrai que quand une série porte un branding aussi connoté que Gossip Girl, le public s’attend à du drame, des trahisons, des tromperies, du pain et des jeux. Ça fait partie de l’ADN de ce genre d’émission. Mais comme le formule Richard Lawson dans Vanity Fair, c’est comme si l’équipe de scénaristes était trop consciente de la plus grande rectitude à laquelle on s’attend aujourd’hui. Comme si, en voulant créer des protagonistes plus décents, plus aimables, plus droits, plus conscients de leurs privilèges, elle les avait privés de leur humanité, de leurs aspérités, de certains aspects détestables. Évidemment, je suis ravie de découvrir des personnages plus woke, moins problématiques, moins toxiques, mais je me dis que des séries comme Sex Education et Genera+ion le font mieux.

Selon moi, c’est là que la série manque sa cible: elle ne réussit pas à créer un équilibre efficace entre des personnages plus woke et le drame assumé et sans complexe dont on a envie quand on consomme ce genre de séries.

You know you love me. XOXO. Gossip Girl.

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