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Le don de cheveux: un changement de vie d’une tête à l’autre

On vous emmène au coeur du processus.

Par
Barbara-Judith Caron
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Chaque année, 2 500 perruques sont empruntées à la Société canadienne du cancer, division Québec, par des personnes en chimiothérapie. Pour ça, un paquet de volontaires ont dû donner leurs cheveux. On a accompagné deux personnes à chaque bout de cet échange.

« J’ai apporté des photos de coupes, des do’s and don’ts. Je pense que je vais surtout te montrer les don’ts », lance Karine Martel à Olivier Klein, son coiffeur, en ce magnifique après-midi de mars. Avec les rayons du soleil qui tapent à travers les immenses vitres et les séchoirs à cheveux qui crachent à plein régime, il commence à faire chaud à L’Atelier 100, à Montréal. Quelqu’un qui passerait par là par hasard se dirait probablement:

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1 — « Voilà une jeune femme avec une magnifique crinière blonde qui discute avec son coiffeur. »

2 — « Cette température tropicale m’inspire un piña colada. »

Mais voilà : il n’y a rien de banal dans cette journée qui fleure bon le printemps. Car, dans quelques minutes, les cheveux de Karine seront mis à la poste pour rejoindre ceux de milliers d’autres donneurs. Dans quelques minutes, ils amorceront un long périple au terme duquel ils deviendront une perruque. Puis, ils poursuivront leur vie utile en habillant le cuir chevelu d’une personne atteinte du cancer.

Ce n’est pas d’hier que les humains se fabriquent des coiffes à partir de cheveux humains. Déjà, en Égypte antique, on trouvait postiches et perruques naturelles. Mais ce sont les années 2000 qui ont vu naître des programmes à grande échelle de dons de cheveux destinés à la conception de prothèses capillaires (DonEspoir Cancer ou Pantene Belle longueur, par exemple) — à ne pas confondre avec le Défi têtes rasées, où les dons se font en argent et non pas en boucles d’or. Les plus astucieux d’entre vous auront toutefois remarqué qu’il n’est pas impossible de faire d’une pierre deux coups, pour autant que l’on respecte certains critères. Nous y reviendrons.

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LA CAVERNE D’ALI BABA ET LES 40 DONNEURS

À quelques kilomètres de L’Atelier 100, dans les bureaux de la Société canadienne du cancer (près du Stade olympique), Indiana Desbas a le moral. Malgré un mal de dos qui lui donne du fil à retordre, malgré des traitements de chimio épuisants, et même si elle perd ses mots ces jours-ci à cause de la fatigue, elle sourit franchement en me tendant la main. Je ne l’avais même pas remarquée dans la salle d’attente tellement elle était discrète.

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Aujourd’hui, je l’accompagne à son deuxième essayage : « La première perruque que j’ai choisie ne convient pas tout à fait, finalement. Et j’aimerais mieux une perruque de cheveux naturels, si possible », me raconte-t-elle en se déplaçant avec sa canne alors qu’on se dirige vers la salle où se déroulera l’exercice, véritable bibliothèque à prothèses capillaires.

Il y a quelques mois, les médecins d’Indiana lui ont découvert un kyste au sein droit. Les choses se sont enchaînées à une vitesse folle : la biopsie, le diagnostic de cancer, le choc, l’opération pour enlever la masse en décembre et le début de la chimio en février. Heureusement, la tumeur a été retirée à temps et, les métastases étant aux abonnés absents, tout ça ne sera bientôt qu’un mauvais souvenir.

Mais en attendant, notre complice, qui a perdu presque tous ses cheveux, devra patienter jusqu’à la fin de l’été pour retrouver un peu de son look d’avant-chimio.

« La première perruque que j’ai choisie ne convient pas tout à fait, finalement. Et j’aimerais mieux une perruque de cheveux naturels, si possible »

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Louise Préfontaine, c’est la fée de l’endroit. Petit pot débordant du meilleur onguent, énergique et douce à la fois, cette femme a tout pour devenir notre tante préférée. C’est elle qui guide les patientes (et la poignée de patients ; en effet, les utilisatrices de ce service sont majoritairement des femmes) dans la recherche de la perruque idéale.

Son univers de travail se résume aux couloirs des hôpitaux — c’est d’ailleurs là qu’elle a rencontré Indiana, à un kiosque d’information — et à une petite pièce à peine plus grande qu’un débarras, où s’alignent du plancher au plafond des dizaines et des dizaines de têtes en styromousse. « C’est petit, mais on s’organise pour rendre ça chaleureux. Parfois, quand il y a des enfants qui viennent avec leur mère, je tourne tout ça en petite compétition ! On demande aux enfants de voter sur chaque perruque pour aider la maman à faire son choix. Une pointe d’humour, ça aide toujours. »

Elle sait de quoi elle parle : elle-même est passée par là. « Il y a quelques années, j’ai eu un grave cancer. Une fois la maladie derrière moi, je me suis juré que je me servirais de mon expérience pour aider les autres. Je suis devenue bénévole, mais j’avais écrit dans mon journal que c’est le genre d’emploi que j’aimerais occuper. Imagine ! Il y a un poste qui s’est ouvert, et je l’ai obtenu. On ne sait jamais ce que la vie nous réserve ! »

C POUR « COIFFER », PAS POUR « CONSEILLER »   Indiana a sorti une photo d’elle avant les traitements pour aider Louise à faire un premier choix parmi les perruques alignées sur le mur. Cette dernière jette un œil, hoche la tête et se dirige illico vers la tablette du bas derrière elle. Visiblement, elle connaît l’inventaire par cœur. « Ah ! Voilà celle que je cherchais. On va commencer par celle-là ! » D’un geste assuré, elle dépouille la tête en styromousse de sa prothèse, secoue la masse de cheveux synthétiques, place quelques mèches, tend le bras et regarde le résultat de loin pour avoir une vue d’ensemble. Oubliez le stéréotype de la « moumoute » qui se voit à 8 km de distance (allô, Daniel Lavoie, dans l’inoubliable minisérie Félix Leclerc des années 2000 !) : ici, naturelles ou pas, les perruques sont toutes « bluffantes » de réalisme. « On est chanceux d’avoir des prothèses d’aussi bonne qualité. Habituellement, cette qualité-là se paye cher », dit Louise. Une perruque haut de gamme peut effectivement valoir plusieurs centaines, voire des milliers de dollars. « Mais ici, on fonctionne par système de prêt. Pour 20 $, la cliente ou le client pourra conserver la perruque tout le temps nécessaire : trois, sept, neuf mois ou plus. » Elle ajoute : « En bout de piste, on nous la rapporte, on la nettoie et elle peut être prêtée de nouveau. En cours de route, la personne peut aussi décider de changer de perruque. Elle revient et on fait un nouvel essayage. Certains en profitent pour explorer une autre coupe, un autre style, une autre couleur… » Louise est interrompue par Indiana qui ajoute en riant : « Moi, je préfère me ressembler ! »   TCHOP, TCHOP Coupe, style, couleur… C’est aussi ce qui fait jaser une fois de retour à L’Atelier 100. « « Le plus difficile, c’est d’annoncer à une donneuse qu’elle ne pourra pas nécessairement avoir la coupe souhaitée une fois que les ciseaux seront passés par là », me dit Olivier, qui n’en est pas à sa première expérience du genre. Il faut savoir qu’il y a plusieurs critères à respecter pour faire un don de cheveux. Les organismes exigent des cheveux non traités chimiquement (pas de couleur ni de permanente), avec moins de 5 % de gris, et d’une longueur d’au moins une vingtaine de centimètres (8 pouces). « Couper tout ça d’un coup, c’est beaucoup ; il faut s’ajuster », dit le coiffeur. Mais la plupart du temps, ça se passe bien ? « Oui ! Les gens sont tellement engagés dans la démarche ! Je me souviens d’une femme qui avait à peine la longueur nécessaire. On a trouvé une astuce pour en avoir assez en lui faisant une multitude de petites couettes tout autour de la tête — style hérisson ! — plutôt qu’une tresse. À la fin, elle avait pratiquement la tête rasée… et elle était ravie ! »        Je me retourne vers Karine, qui jette un dernier coup d’œil à ses cheveux dans le miroir. « Toute la journée, j’ai été fébrile, mais je sais que c’est le bon moment. Si j’attends encore, ils vont finir par être endommagés, et je tiens à ce qu’ils soient beaux pour en tirer le maximum. Ça fait tellement longtemps que j’en prends soin ! Quand ma tante a reçu son diagnostic de cancer, l’an dernier, je m’étais promis de donner mes cheveux. C’est aujourd’hui que ça se passe. »    Pendant un moment, j’ai l’impression qu’elle va prendre les jambes à son cou. Elle n’a pas coupé ses cheveux, ou si peu, depuis 2010 ; ils lui vont maintenant au milieu du dos. Peut-être a-t-elle changé d’avis ?    Olivier lui dit un ou deux mots d’encouragement et lui fait un bref câlin. Karine s’apprête à s’asseoir dans sa chaise, puis elle se ravise brusquement. Pendant un moment, j’ai l’impression qu’elle va prendre les jambes à son cou. Elle n’a pas coupé ses cheveux, ou si peu, depuis 2010 ; ils lui vont maintenant au milieu du dos. Peut-être a-t-elle changé d’avis ? Au salon, le temps, dans le mépris le plus complet de la physique quantique, s’est arrêté. « Prendrais-tu une dernière photo de mes tresses ? » Fiou ! Ce n’était que ça.   MIROIR, MIROIR Dans le monde de la prothèse capillaire, il y a le synthétique et le naturel. En s’avançant vers Indiana, Louise m’explique. « Le synthétique, c’est simple : laver, sécher, porter. Le style restera toujours le même et l’entretien est réduit au strict minimum. Mais — et c’est un « mais » important — ça réagit très mal à la chaleur. Par exemple, si tu t’approches trop près d’un four en cuisinant, ça fond ! Ça ne risque pas d’arriver avec les perruques faites de cheveux naturels. Par contre, celles-ci demandent des soins ; il faut les coiffer. On peut les friser, les teindre, comme on le fait avec nos cheveux. »   Devant le miroir, Indiana essaie une première prothèse, secondée par Louise, qui lui donne des recommandations d’ajustement. « Comptez environ quatre doigts à partir des sourcils : ça vous aidera à placer le haut de la perruque. On ajuste les pointes près des oreilles, sinon c’est là que ça se voit que c’est une perruque. Ne reste qu’à placer le bonnet… On coiffe délicatement, et voilà ! »
C POUR « COIFFER », PAS POUR « CONSEILLER » Indiana a sorti une photo d’elle avant les traitements pour aider Louise à faire un premier choix parmi les perruques alignées sur le mur. Cette dernière jette un œil, hoche la tête et se dirige illico vers la tablette du bas derrière elle. Visiblement, elle connaît l’inventaire par cœur. « Ah ! Voilà celle que je cherchais. On va commencer par celle-là ! » D’un geste assuré, elle dépouille la tête en styromousse de sa prothèse, secoue la masse de cheveux synthétiques, place quelques mèches, tend le bras et regarde le résultat de loin pour avoir une vue d’ensemble. Oubliez le stéréotype de la « moumoute » qui se voit à 8 km de distance (allô, Daniel Lavoie, dans l’inoubliable minisérie Félix Leclerc des années 2000 !) : ici, naturelles ou pas, les perruques sont toutes « bluffantes » de réalisme. « On est chanceux d’avoir des prothèses d’aussi bonne qualité. Habituellement, cette qualité-là se paye cher », dit Louise. Une perruque haut de gamme peut effectivement valoir plusieurs centaines, voire des milliers de dollars. « Mais ici, on fonctionne par système de prêt. Pour 20 $, la cliente ou le client pourra conserver la perruque tout le temps nécessaire : trois, sept, neuf mois ou plus. » Elle ajoute : « En bout de piste, on nous la rapporte, on la nettoie et elle peut être prêtée de nouveau. En cours de route, la personne peut aussi décider de changer de perruque. Elle revient et on fait un nouvel essayage. Certains en profitent pour explorer une autre coupe, un autre style, une autre couleur… » Louise est interrompue par Indiana qui ajoute en riant : « Moi, je préfère me ressembler ! » TCHOP, TCHOP Coupe, style, couleur… C’est aussi ce qui fait jaser une fois de retour à L’Atelier 100. « « Le plus difficile, c’est d’annoncer à une donneuse qu’elle ne pourra pas nécessairement avoir la coupe souhaitée une fois que les ciseaux seront passés par là », me dit Olivier, qui n’en est pas à sa première expérience du genre. Il faut savoir qu’il y a plusieurs critères à respecter pour faire un don de cheveux. Les organismes exigent des cheveux non traités chimiquement (pas de couleur ni de permanente), avec moins de 5 % de gris, et d’une longueur d’au moins une vingtaine de centimètres (8 pouces). « Couper tout ça d’un coup, c’est beaucoup ; il faut s’ajuster », dit le coiffeur. Mais la plupart du temps, ça se passe bien ? « Oui ! Les gens sont tellement engagés dans la démarche ! Je me souviens d’une femme qui avait à peine la longueur nécessaire. On a trouvé une astuce pour en avoir assez en lui faisant une multitude de petites couettes tout autour de la tête — style hérisson ! — plutôt qu’une tresse. À la fin, elle avait pratiquement la tête rasée… et elle était ravie ! » Je me retourne vers Karine, qui jette un dernier coup d’œil à ses cheveux dans le miroir. « Toute la journée, j’ai été fébrile, mais je sais que c’est le bon moment. Si j’attends encore, ils vont finir par être endommagés, et je tiens à ce qu’ils soient beaux pour en tirer le maximum. Ça fait tellement longtemps que j’en prends soin ! Quand ma tante a reçu son diagnostic de cancer, l’an dernier, je m’étais promis de donner mes cheveux. C’est aujourd’hui que ça se passe. » Pendant un moment, j’ai l’impression qu’elle va prendre les jambes à son cou. Elle n’a pas coupé ses cheveux, ou si peu, depuis 2010 ; ils lui vont maintenant au milieu du dos. Peut-être a-t-elle changé d’avis ? Olivier lui dit un ou deux mots d’encouragement et lui fait un bref câlin. Karine s’apprête à s’asseoir dans sa chaise, puis elle se ravise brusquement. Pendant un moment, j’ai l’impression qu’elle va prendre les jambes à son cou. Elle n’a pas coupé ses cheveux, ou si peu, depuis 2010 ; ils lui vont maintenant au milieu du dos. Peut-être a-t-elle changé d’avis ? Au salon, le temps, dans le mépris le plus complet de la physique quantique, s’est arrêté. « Prendrais-tu une dernière photo de mes tresses ? » Fiou ! Ce n’était que ça. MIROIR, MIROIR Dans le monde de la prothèse capillaire, il y a le synthétique et le naturel. En s’avançant vers Indiana, Louise m’explique. « Le synthétique, c’est simple : laver, sécher, porter. Le style restera toujours le même et l’entretien est réduit au strict minimum. Mais — et c’est un « mais » important — ça réagit très mal à la chaleur. Par exemple, si tu t’approches trop près d’un four en cuisinant, ça fond ! Ça ne risque pas d’arriver avec les perruques faites de cheveux naturels. Par contre, celles-ci demandent des soins ; il faut les coiffer. On peut les friser, les teindre, comme on le fait avec nos cheveux. » Devant le miroir, Indiana essaie une première prothèse, secondée par Louise, qui lui donne des recommandations d’ajustement. « Comptez environ quatre doigts à partir des sourcils : ça vous aidera à placer le haut de la perruque. On ajuste les pointes près des oreilles, sinon c’est là que ça se voit que c’est une perruque. Ne reste qu’à placer le bonnet… On coiffe délicatement, et voilà ! »
Indiana se regarde attentivement dans la glace et hésite : « C’est un peu trop long à mon goût… » On y va d’une deuxième. « Ah ! Ça, c’est mieux, non ? J’aime la couleur. » Mais Louise n’est pas convaincue. « On veut une réaction viscérale ! Il faut que la personne sente que c’est la bonne. Je vais vous en proposer une autre, d’accord ? » « En avez-vous une avec une petite frange ? » demande Indiana. Troisième essai. Ses yeux s’illuminent ; on sent la petite décharge d’adrénaline dans son corps fatigué ; la voix est ferme : « ÇA, c’est moi. C’est la bonne ! » « Formidable ! On a une gagnante ! Vous voyez, c’est la réaction que je cherchais. On ne s’y trompe jamais. »   LIBÉRÉE, DÉLIVRÉE Ça y est ! C’est fait. Karine est délestée de deux grosses tresses d’un peu plus de 30 cm. « Oh mon Dieu ! C’est tellement léger ! » L’ambiance est à la fête ; deux ou trois high-five sont échangés pour célébrer. « Quand j’ai annoncé sur Facebook que j’allais passer à l’action, j’ai reçu beaucoup d’encouragements. Mais quelques personnes m’ont dit : “Fais pas ça, tu vas le regretter”. Je ne regrette rien. Rien du tout : je suis tellement contente ! Tu sais, je ne fais pas ça pour me faire dire “bravo !” : j’ai simplement le sentiment que c’est la bonne chose à faire. » L’opération n’aura pris que quelques minutes. Deux magnifiques orphelines attendent leur prochain ou prochaine propriétaire. « Je me sens tellement plus libre ! » La discussion se poursuit avec Olivier ; les don’ts ne sont pas très loin. Maintenant, il faut une nouvelle coupe pour Karine.     LE TISSU QUI RÉCONFORTE « Voulez-vous essayer de la mettre toute seule, maintenant ? » demande Louise. Indiana lève difficilement les bras pour remettre l’heureuse élue sur sa tête. « Ça me fait trop mal, dit-elle. Pour tout de suite, je préfère garder le foulard que j’ai pris ici la dernière fois. Je le porte toujours à la maison, question de confort. On ne s’en rend pas compte, mais porter une perruque, c’est comme avoir un chapeau. Ça peut être agaçant à la longue. » «Quand je suis venue la première fois, j’ai été surprise de voir tout ce qu’on peut faire avec un bout de tissu,» explique Indiana « Ah ! C’est vrai ! J’ai oublié de te montrer notre collection de foulards. On prête aussi des accessoires de tête », me dit Louise en rangeant la nouvelle perruque d’Indiana dans sa boîte de transport. « Quand je suis venue la première fois, j’ai été surprise de voir tout ce qu’on peut faire avec un bout de tissu, explique Indiana. En plus, c’est doux, réconfortant, et ça agresse moins mon cuir chevelu, qui est beaucoup plus sensible depuis que j’ai perdu mes cheveux. N’empêche, c’est bien d’avoir une perruque pour pouvoir se retrouver, un peu. »   SALUT, LES TRESSES À travers le bruit des séchoirs et de la sonnerie du téléphone qui annonce d’autres rendez-vous, les tresses de Karine ont été mises dans un sac avec une infinie délicatesse. Cet après-midi, notre donneuse ira les déposer dans une boîte aux lettres. Le voyage peut donc commencer. Au bout de celui-ci, bientôt, elles feront en sorte qu’une autre Indiana pourra se retrouver, un peu.        DES PERRUQUES AUX QUATRE COINS DU QUÉBEC De Rimouski à Drummondville en passant par Rouyn-Noranda, la Société canadienne du cancer prête des prothèses capillaires partout au Québec. Au total, une cinquantaine de points de service peuvent accueillir les patients en quête d’une chevelure temporaire. Vous ne trouvez pas les bouclettes rousses que vous souhaitez dans votre coin ? Pas de soucis, dit Louise Préfontaine, qui guide patientes et patients dans leur recherche de la perruque idéale à partir du bureau de Montréal. « On se parle entre points de service, on connaît bien nos inventaires, alors si quelqu’un a un besoin précis, on se fait des échanges. » Un peu comme un réseau de bibliothèques municipales… de cheveux.   ENTRE LES DEUX TÊTES Une fois coupés, les cheveux franchissent plusieurs étapes avant de pouvoir orner la tête d’une personne atteinte du cancer. Il faut d’abord les envoyer par la poste à l’organisme choisi. Ensuite, les cheveux sont acheminés à un atelier de fabrication, parfois à travers un intermédiaire. Par exemple, le programme Pantene Belle longueur fait affaire avec HairUWear, une entreprise américaine dont les usines de confection de perruques sont situées à l’étranger. D’autres organismes, comme DonEspoir Cancer, s’occupent de la transformation entièrement au Québec. De 8 à 15 dons de cheveux sont nécessaires pour fabriquer une seule perruque.
Indiana se regarde attentivement dans la glace et hésite : « C’est un peu trop long à mon goût… » On y va d’une deuxième. « Ah ! Ça, c’est mieux, non ? J’aime la couleur. » Mais Louise n’est pas convaincue. « On veut une réaction viscérale ! Il faut que la personne sente que c’est la bonne. Je vais vous en proposer une autre, d’accord ? » « En avez-vous une avec une petite frange ? » demande Indiana. Troisième essai. Ses yeux s’illuminent ; on sent la petite décharge d’adrénaline dans son corps fatigué ; la voix est ferme : « ÇA, c’est moi. C’est la bonne ! » « Formidable ! On a une gagnante ! Vous voyez, c’est la réaction que je cherchais. On ne s’y trompe jamais. » LIBÉRÉE, DÉLIVRÉE Ça y est ! C’est fait. Karine est délestée de deux grosses tresses d’un peu plus de 30 cm. « Oh mon Dieu ! C’est tellement léger ! » L’ambiance est à la fête ; deux ou trois high-five sont échangés pour célébrer. « Quand j’ai annoncé sur Facebook que j’allais passer à l’action, j’ai reçu beaucoup d’encouragements. Mais quelques personnes m’ont dit : “Fais pas ça, tu vas le regretter”. Je ne regrette rien. Rien du tout : je suis tellement contente ! Tu sais, je ne fais pas ça pour me faire dire “bravo !” : j’ai simplement le sentiment que c’est la bonne chose à faire. » L’opération n’aura pris que quelques minutes. Deux magnifiques orphelines attendent leur prochain ou prochaine propriétaire. « Je me sens tellement plus libre ! » La discussion se poursuit avec Olivier ; les don’ts ne sont pas très loin. Maintenant, il faut une nouvelle coupe pour Karine. LE TISSU QUI RÉCONFORTE « Voulez-vous essayer de la mettre toute seule, maintenant ? » demande Louise. Indiana lève difficilement les bras pour remettre l’heureuse élue sur sa tête. « Ça me fait trop mal, dit-elle. Pour tout de suite, je préfère garder le foulard que j’ai pris ici la dernière fois. Je le porte toujours à la maison, question de confort. On ne s’en rend pas compte, mais porter une perruque, c’est comme avoir un chapeau. Ça peut être agaçant à la longue. » «Quand je suis venue la première fois, j’ai été surprise de voir tout ce qu’on peut faire avec un bout de tissu,» explique Indiana « Ah ! C’est vrai ! J’ai oublié de te montrer notre collection de foulards. On prête aussi des accessoires de tête », me dit Louise en rangeant la nouvelle perruque d’Indiana dans sa boîte de transport. « Quand je suis venue la première fois, j’ai été surprise de voir tout ce qu’on peut faire avec un bout de tissu, explique Indiana. En plus, c’est doux, réconfortant, et ça agresse moins mon cuir chevelu, qui est beaucoup plus sensible depuis que j’ai perdu mes cheveux. N’empêche, c’est bien d’avoir une perruque pour pouvoir se retrouver, un peu. » SALUT, LES TRESSES À travers le bruit des séchoirs et de la sonnerie du téléphone qui annonce d’autres rendez-vous, les tresses de Karine ont été mises dans un sac avec une infinie délicatesse. Cet après-midi, notre donneuse ira les déposer dans une boîte aux lettres. Le voyage peut donc commencer. Au bout de celui-ci, bientôt, elles feront en sorte qu’une autre Indiana pourra se retrouver, un peu. DES PERRUQUES AUX QUATRE COINS DU QUÉBEC De Rimouski à Drummondville en passant par Rouyn-Noranda, la Société canadienne du cancer prête des prothèses capillaires partout au Québec. Au total, une cinquantaine de points de service peuvent accueillir les patients en quête d’une chevelure temporaire. Vous ne trouvez pas les bouclettes rousses que vous souhaitez dans votre coin ? Pas de soucis, dit Louise Préfontaine, qui guide patientes et patients dans leur recherche de la perruque idéale à partir du bureau de Montréal. « On se parle entre points de service, on connaît bien nos inventaires, alors si quelqu’un a un besoin précis, on se fait des échanges. » Un peu comme un réseau de bibliothèques municipales… de cheveux. ENTRE LES DEUX TÊTES Une fois coupés, les cheveux franchissent plusieurs étapes avant de pouvoir orner la tête d’une personne atteinte du cancer. Il faut d’abord les envoyer par la poste à l’organisme choisi. Ensuite, les cheveux sont acheminés à un atelier de fabrication, parfois à travers un intermédiaire. Par exemple, le programme Pantene Belle longueur fait affaire avec HairUWear, une entreprise américaine dont les usines de confection de perruques sont situées à l’étranger. D’autres organismes, comme DonEspoir Cancer, s’occupent de la transformation entièrement au Québec. De 8 à 15 dons de cheveux sont nécessaires pour fabriquer une seule perruque.
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