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Le don de cheveux: un changement de vie d’une tête à l’autre
Chaque année, 2 500 perruques sont empruntées à la Société canadienne du cancer, division Québec, par des personnes en chimiothérapie. Pour ça, un paquet de volontaires ont dû donner leurs cheveux. On a accompagné deux personnes à chaque bout de cet échange.
« J’ai apporté des photos de coupes, des do’s and don’ts. Je pense que je vais surtout te montrer les don’ts », lance Karine Martel à Olivier Klein, son coiffeur, en ce magnifique après-midi de mars. Avec les rayons du soleil qui tapent à travers les immenses vitres et les séchoirs à cheveux qui crachent à plein régime, il commence à faire chaud à L’Atelier 100, à Montréal. Quelqu’un qui passerait par là par hasard se dirait probablement:
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1 — « Voilà une jeune femme avec une magnifique crinière blonde qui discute avec son coiffeur. »
2 — « Cette température tropicale m’inspire un piña colada. »
Mais voilà : il n’y a rien de banal dans cette journée qui fleure bon le printemps. Car, dans quelques minutes, les cheveux de Karine seront mis à la poste pour rejoindre ceux de milliers d’autres donneurs. Dans quelques minutes, ils amorceront un long périple au terme duquel ils deviendront une perruque. Puis, ils poursuivront leur vie utile en habillant le cuir chevelu d’une personne atteinte du cancer.
Ce n’est pas d’hier que les humains se fabriquent des coiffes à partir de cheveux humains. Déjà, en Égypte antique, on trouvait postiches et perruques naturelles. Mais ce sont les années 2000 qui ont vu naître des programmes à grande échelle de dons de cheveux destinés à la conception de prothèses capillaires (DonEspoir Cancer ou Pantene Belle longueur, par exemple) — à ne pas confondre avec le Défi têtes rasées, où les dons se font en argent et non pas en boucles d’or. Les plus astucieux d’entre vous auront toutefois remarqué qu’il n’est pas impossible de faire d’une pierre deux coups, pour autant que l’on respecte certains critères. Nous y reviendrons.
LA CAVERNE D’ALI BABA ET LES 40 DONNEURS
À quelques kilomètres de L’Atelier 100, dans les bureaux de la Société canadienne du cancer (près du Stade olympique), Indiana Desbas a le moral. Malgré un mal de dos qui lui donne du fil à retordre, malgré des traitements de chimio épuisants, et même si elle perd ses mots ces jours-ci à cause de la fatigue, elle sourit franchement en me tendant la main. Je ne l’avais même pas remarquée dans la salle d’attente tellement elle était discrète.
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Aujourd’hui, je l’accompagne à son deuxième essayage : « La première perruque que j’ai choisie ne convient pas tout à fait, finalement. Et j’aimerais mieux une perruque de cheveux naturels, si possible », me raconte-t-elle en se déplaçant avec sa canne alors qu’on se dirige vers la salle où se déroulera l’exercice, véritable bibliothèque à prothèses capillaires.
Il y a quelques mois, les médecins d’Indiana lui ont découvert un kyste au sein droit. Les choses se sont enchaînées à une vitesse folle : la biopsie, le diagnostic de cancer, le choc, l’opération pour enlever la masse en décembre et le début de la chimio en février. Heureusement, la tumeur a été retirée à temps et, les métastases étant aux abonnés absents, tout ça ne sera bientôt qu’un mauvais souvenir.
Mais en attendant, notre complice, qui a perdu presque tous ses cheveux, devra patienter jusqu’à la fin de l’été pour retrouver un peu de son look d’avant-chimio.
« La première perruque que j’ai choisie ne convient pas tout à fait, finalement. Et j’aimerais mieux une perruque de cheveux naturels, si possible »
Louise Préfontaine, c’est la fée de l’endroit. Petit pot débordant du meilleur onguent, énergique et douce à la fois, cette femme a tout pour devenir notre tante préférée. C’est elle qui guide les patientes (et la poignée de patients ; en effet, les utilisatrices de ce service sont majoritairement des femmes) dans la recherche de la perruque idéale.
Son univers de travail se résume aux couloirs des hôpitaux — c’est d’ailleurs là qu’elle a rencontré Indiana, à un kiosque d’information — et à une petite pièce à peine plus grande qu’un débarras, où s’alignent du plancher au plafond des dizaines et des dizaines de têtes en styromousse. « C’est petit, mais on s’organise pour rendre ça chaleureux. Parfois, quand il y a des enfants qui viennent avec leur mère, je tourne tout ça en petite compétition ! On demande aux enfants de voter sur chaque perruque pour aider la maman à faire son choix. Une pointe d’humour, ça aide toujours. »
Elle sait de quoi elle parle : elle-même est passée par là. « Il y a quelques années, j’ai eu un grave cancer. Une fois la maladie derrière moi, je me suis juré que je me servirais de mon expérience pour aider les autres. Je suis devenue bénévole, mais j’avais écrit dans mon journal que c’est le genre d’emploi que j’aimerais occuper. Imagine ! Il y a un poste qui s’est ouvert, et je l’ai obtenu. On ne sait jamais ce que la vie nous réserve ! »
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