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Jeudi après-midi en avril 1999, jeune Marie Darsigny est dans son cours de mathématiques et elle compte les minutes jusqu’à ce que la cloche retentisse. Non, jeune Marie Darsigny ne souhaite pas simplement que cette journée de secondaire 1 se termine: elle attend précisément que sonne 20h, l’heure de son obsession télévisuelle hebdomadaire. L’heure la diffusion de la télésérie Diva sur les ondes de TVA.
Vous aussi, vous souvenez certainement de la télésérie Diva: des jupes Jacob fleuries, des tops bédaine en poil bleu électrique, et surtout, surtout: la promesse de lever le voile sur les dessous du monde de la mode. Il faut tout de même se rappeler que Diva précède The Hills, Diva précède les défilés diffusés en direct sur Style.com, Diva précède les blogs de monde qui gagnent des prix PG Beauté. Diva précède tout, et dans mon coeur de jeune adolescente, Diva c’est tout simplement LA VRAIE VIE. La vie que je veux vivre. J’ai 12-13-14 ans et je veux tout ça: partir en appart avec Jacynthe René, boire du champagne avec le toupet bleu de Victor Savaria, me faire prendre en photo par James Hyndman qui porte un bucket hat Kangol.
Je n’ai pourtant jamais eu de désir particulier pour la mode, moi dont l’item-mode préféré est le coat de cuir de mon père, un coat de cuir «brun marde», selon Christopher le-petit-bum-du-fond-du-bus. Je suis une fille ordinaire: j’achète mes barrettes en papillon chez Ardène, j’aime ben le Suzy Shier et la ligne de maquille cosmique de Cover Girl, je n’ai même pas de vrais pants Adidas pour mon cours d’éducation physique. Or, Diva éveille en moi des envies de glamour… Si par glamour on entend le monde de la mode Québécois.
En rétrospective, je pense que ce n’est pas nécessairement le monde de la mode qui m’attirait dans Diva, mais plutôt les expériences «d’adultes», en général. Que voulez-vous, je n’avais jamais vraiment accroché sur d’autres séries dramatiques Québécoises. Par exemple, 4 1/2: pas assez dramatique pour moi, des histoires d’animaux qui bavent sur Robert Brouillette. Moi, j’aimais ça quand ça braillait, quand ça criait, quand ça morvait sur fond d’histoires mélodramatiques, comme une multitude de plans rapprochés sur les petites larmes qui perlaient au coin des lunettes de Francine Ruel.
J’avais mon plan détaillé: à 16 ans, j’allais partir en appart toute seule; à 17 ans, j’allais me faire un chum New Yorkais et partir vivre aux États-Unis; à 18 ans, j’allais être famous, point final (Pourquoi? Comment? Ce ne sont pas des questions qui semblent avoir traversé mon jeune esprit trop occupé à focuser sur les cheveux magenta de Sam.) Bien sûr, rêver de célébrité ne fait surement pas de moi une ado d’exception. C’est juste que moi, mon rêve, il était bien précis, et il ne s’arrêtait pas dans ma tête.
Quand Diva s’est terminé après 3 ans de diffusion, j’ai passé des jours à gosser un coffret spécial en Mod Podge pour mes cassettes VHS. Une oeuvre d’art. Un hommage, qui trône d’ailleurs fièrement dans le sous-sol chez ma mère, entre un sac à dos en forme d’ours en peluche et une boite de manuels de sciences de la nature. En secondaire 5, alors que toutes mes amies cheminaient paisiblement vers deux années au Cégep du Vieux, je me suis embarquée dans 3 ans d’études en mode. Quand mes profs me disaient qu’une jupe pour hommes, ce n’était pas vraiment vendable, je rétorquais: «Félix l’aurait fait, lui!»
Il y a un problème avec rêver, quand on est entêtée. La réalité peut s’avérer décevante quand elle n’est pas à la hauteur du beau rêve qu’on s’était construit. Surtout si le rêve en question a été construit dans un cerveau d’ado un peu déconnectée de la réalité. Point fort de ma carrière: je me suis retrouvée un jour à travailler avec une des comédiennes de Diva: life imitates art imitates life imitates mes ambitions de jeune écervelée. Sauf que moi, je pensais que ma carrière en mode me donnerait un loft comme celui de Caroline, une best friend comme Ariane, des billets d’avions pour aller shooter dans des locations exotiques et originales, comme Paris (oh my god, Pariiiis!). Ma carrière en mode ne m’a rien donné, sauf l’envie de ne plus jamais travailler en mode.
Définitivement, Diva a tout gâché (mais je garde mon coffret VHS en souvenir).