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«L’érudition m’intéresse parce qu’elle est un jeu de vérité amusant, qui découvre, déchiffre, explique ou explicite l’inconnu ou le méconnu; elle est donc prête à croire que toute vérité reçue a des chances d’être fausse, au risque de déplaire, de mettre l’opinion au défi.» – Paul Veyne, historien et humaniste Et dans l’éternité je ne m’ennuierai pas – 2014
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Depuis près de 15 ans, j’œuvre comme cinéaste, principalement en documentaire, mais aussi en fiction. La nature de mes projets me pousse et me permet d’arpenter les quatre coins de notre planète à des fins de recherches, de tournages et pour présenter les films en festivals et ainsi communier avec des publics variés sur chaque continent. Pour boucler un film comme Survivre au Progrès (2011) ou Les Dépossédés (à venir en 2017), il faut des années de recherche, de lectures, puis de rencontres sur le terrain avec des «spécialistes» certes, mais surtout avec des hommes, des femmes et des enfants, qui subissent plus durement et plus brutalement que nous – que moi – les bouleversements de notre époque, de la savane malienne à la jungle brésilienne, des mégapoles asphyxiées aux campagnes indiennes, de l’occupation congolaise à celle de la Palestine.
Ce nomadisme m’a poussé, et me pousse toujours, à remettre en question ma vision du monde héritée du milieu familial et scolaire.
Si j’entame aujourd’hui cette série de chroniques, c’est avant tout pour dialoguer et partager mon regard tantôt indigné, tantôt analytique, jamais complaisant, ni partisan, sur les mouvances et les événements géopolitiques qui façonnent notre monde et qui bénéficient rarement d’une analyse approfondie par les médias traditionnels; ceux-ci se contentant souvent de présenter la nouvelle sans le contexte, sans les racines qui permettent un éclairage plus complet. Bondir d’un lieu à l’autre, y vivre plusieurs mois, y revenir, peu importe la nature ou la durée des séjours, ce nomadisme m’a poussé et me pousse toujours à remettre en question ma vision du monde hérité du milieu familial et scolaire (libérale, blanche, privilégiée et inconsciemment bourgeoise) et de m’ouvrir à l’Autre, aux autres, en faisant preuve d’empathie, «une notion désignant la compréhension des sentiments et des émotions d’un autre individu, voire, de ses états non-émotionnels, comme ses croyances.» Voilà exactement où je veux en venir: Les croyances. Nous sommes tous guidés, téléguidés pourrais-je dire sardoniquement, par un système de valeurs, une déclinaison de croyances, d’automatismes culturels qu’on nous inculque et que nous inférons pour en faire notre vision du monde, d’autant plus rassurante et crédible lorsque partagée par son voisin, sa collègue, ses beaux-parents, etc.
Le Québec demeure à mon sens influencé par un trop petit groupe très privilégié qui définit cette vision du monde pour une majorité.
Malgré l’apparente diversité culturelle et médiatique dont il s’enorgueillit, le Québec demeure à mon sens influencé par un trop petit groupe très privilégié qui définit cette vision du monde pour une majorité. Un noyau d’hommes et de femmes d’affaires, d’universitaires, de journalistes, de scientifiques vulgarisateurs, de politiciens et d’artistes qui se partagent les tribunes – interchangeables – qui dictent l’opinion à adopter sur l’Ukraine, la Syrie, le prétendu «hacking» russe, l’acte terroriste de Sainte-Foy ou les faits et gestes du président Trump, et qui imposent le degré d’indignation à arborer en redirigeant le public vers des lectures «fiables» (New York Times, Le Monde) qui scelleront lesdites opinions les élevant au rang de croyances.
C’est en outre parce que je considère le discours médiatique trop hermétique et trop imperméable aux opinions divergentes que je ressens le besoin viscéral de participer au dialogue avec le public.
Devant une telle macération, il devient difficile sinon impossible de lever la main pour oser apporter un autre éclairage aux crises sociales et géopolitiques qui plombent notre futur proche. Fouiller le contexte, réfléchir au-delà du cycle de nos croyances et de nos intérêts. C’est en outre parce que je considère le discours médiatique trop hermétique et trop imperméable aux opinions divergentes que je ressens le besoin viscéral de participer au dialogue avec le public qui doute de plus en plus de la rigueur et de la véracité des médias traditionnels en matière de géopolitique et d’économie par exemple. Je souhaite donc ajouter ma voix à celles, de plus en plus nombreuses, qui daignent faire preuve d’esprit critique, qui osent penser autrement, qui s’abreuvent de sources d’informations alternatives et multidisciplinaires, qui déploient publiquement une opinion contraire à celle issue de l’establishment, et qui encourent le ban sociétal et l’apposition d’un autocollant fluorescent portant la mention «conspirationniste» s’ils ou elles daignent répéter l’impertinence. Comme je l’écrivais dans une lettre envoyée au Devoir en mars 2015: «Ces accusations faciles et systématiques de « théories du complot », lancées comme des excommunications papales contre ceux et celles qui réclament la vérité des faits, me semblent ridicules ou nuisibles au bon fonctionnement de qu’on appelle encore « démocratie ». Elles se cristallisent — ironiquement — en un intégrisme nouveau, non pas islamiste ou terroriste celui-là, mais idéologique dont le credo consiste à museler sur-le-champ tout quidam osant poser des questions pertinentes sur des faits étranges si peu souvent discutés. Ainsi, certains événements géopolitiques qui définissent tristement notre époque ne devraient plus jamais être examinés malgré la multitude d’anomalies et d’incongruités présentées par les autorités et les grands réseaux occidentaux.» C’est donc porté par la pluralité et la diversité de croyances et de visions du monde, encouragé par d’innombrables camarades et têtes chercheuses de vérité, et chaleureusement accueilli par URBANIA, une publication qui croit encore à la liberté d’expression (peu importe la nature de l’expression), que je lèverai régulièrement la main et prendrai ce droit de parole non censuré pour partager des idées et des éclairages sur la géopolitique. Je vous parlerai souvent de «l’État Profond», des études de l’armée sur le contrôle de l’esprit, vous présenterai des journalistes inspirants méconnus du «maintream», vous recommanderai des lectures d’essais d’auteurs et de chercheurs rigoureux, et partagerai en toute humilité mes expériences de voyages et de tournage publiant ici en primeur des extraits de mes projets de films à venir.
Dissonance cognitive
En 1957, Léon Festinger mène des recherches de psychologie sociale et étudie les comportements des membres d’un groupe sectaire apocalyptique dont le gourou avait prédit la fin du monde. Lorsque les prédictions du gourou se trouvèrent démenties par les faits – le soleil continuant de se lever chaque matin – ses fidèles, au lieu de se détourner de lui, renforcèrent leur croyance. Ils et elles s’étaient tellement investis dans leur croyance, qu’il devenait trop difficile pour eux d’arrêter d’y croire. Il s’agissait d’une question de survie.
Lorsque les croyances sont profondément ancrées, la plupart d’entre nous visent à les conserver intactes face à une réalité dérangeante.
En d’autres mots, la dissonance cognitive survient «lorsque les faits et la réalité sont en contradiction avec les croyances d’un individu. Ce conflit créé un inconfort psychologique que l’individu cherche à réduire.» Ainsi, lorsque les croyances sont profondément ancrées, la plupart d’entre nous visent à les conserver intactes face à une réalité dérangeante. Nous mettons en place des processus psychologiques inconscients pour minimiser et oublier ce qui nous dérange, et nous transformons et réinterprétons le réel de sorte que nos croyances restent intactes. Perçues comme des vérités indiscutables et collectivement partagées, ces croyances ne sont hélas plus questionnées, même lorsque les faits démentent leurs fondements. Il faut donc beaucoup de courage, d’abnégation et de détermination pour se faire entendre et entamer un dialogue constructif à contre-courant. C’est sur les fondements de la psychanalyse et de la psychologie comportementale qui examinent les mécanismes de l’inconscient que la CIA lance son opération Mockingbird à la fin des années cinquante afin de mieux contrôler le discours médiatique et l’opinion publique. Cette liaison entre psychanalyse et géopolitique me fascine puisque c’est en raison des mécanismes de défense internes qu’un tel ou une telle refusera de considérer une information à priori choquante qui contredit la croyance populaire faisant fi des faits, reniant ainsi la réalité. Savez-vous d’où émane l’étiquette «conspiracy theory»? Eh oui, des travaux de l’opération Mockingbird… J’y reviendrai.
Pour l’instant je vous invite à lire mon premier texte sur la dissonance cognitive qui entoure la couverture médiatique du Messie Obama
Au plaisir de lire vos commentaires!
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