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Il y a maintenant un peu plus de deux semaines que la page Facebook Passif-agressif Ricardo sévit sur le web. Pour ceux qui ne la connaissent pas, la page utilise des captures d’écran de réponses à des questions sur des recettes trouvées sur le site de Ricardo cuisine comme matière première. Les administrateurs y ajoutent ensuite une ligne qui fait ressortir l’absurdité de la question, mais surtout de la réponse, habituellement très factuelle, souvent un peu trop.
Exemple :
Ce qui devait d’abord être une simple blague entre amis s’est aujourd’hui transformé en véritable phénomène viral : en deux semaines, la page a accumulé plus de 30 000 likes.
On a donc contacté les administrateurs de la page pour savoir s’il nous était possible de les rencontrer. Ils ont accepté, à condition que la page soit le sujet de départ à une discussion sur la gestion de communauté plutôt que le sujet premier d’une entrevue.
On a donc rassemblé des professionnels du milieu (dont une gestionnaire de communauté pour Ricardo Média) autour d’une table chez URBANIA pour jaser de Passif-agressif Ricardo et de la gestion de communauté en général en un beau samedi gris.
Les intervenants :
À noter que nous avons permis aux deux administrateurs de garder leur anonymat pour des raisons qui seront évoquées durant la discussion.
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De gauche à droite:
Sarah Pinelle : Gestionnaire de communauté pour Sphère Média (@SphereMediaMTL) et le Salon du livre de Montréal (@slminfo), pigiste depuis 2 ans. Anciennement : chargée des communications pour un théâtre et dans le milieu de l’édition.
Passif-agressif 2 : Étudiant à la maitrise en littérature numérique.
Laetitia Prido : Gestionnaire de communauté chez Substance stratégies (@substance_strat), a pour client Ricardo Média (@ricardocuisine), étudiante à la maitrise en communications numériques.
Jean-Philippe Maxime Tittley (@jptittley): Coordonnateur aux communications numériques Productions Bazzo bazzo (@BazzoTV). Anciennement : animateur de communauté autour de projets télé durant 3 ans, coordonnateur à ICI ARTV.
Émilie Monette (@emilie_monette) : Conseillère médias sociaux chez Financière Sun Life (@SunLifeQC) depuis quelques mois. Anciennement : Gestionnaire de communauté télé (Vidéotron, MATV), a débuté il y a 4 ans.
Passif-agressif 1 : Étudiant à la maitrise en littérature, enseignant de français.
Guillaume Blaineau : Gestionnaire de communauté pour Beware magazine (@bewaremag), étudiant à la maitrise en communications numériques. Anciennement : stagiaire chez URBANIA.
***
Les débuts
Philippe : Pour amorcer la discussion, dites-nous comment tout ça a commencé.
Passif-agressif 1 : Vendredi passé, Passif-agressif 2 a fait un screenshot d’une question-réponse du site de Ricardo cuisine et y a ajouté un commentaire avant de l’envoyer à un groupe d’amis. Tout le monde a trouvé ça ben drôle.
Passif-agressif 2 : En fait, c’est une amie qui a eu l’idée d’écrire un monologue de théâtre avec les commentaires sur des pages web (Facebook, sites web, etc.). J’ai donc fait un screenshot de la page de Ricardo cuisine, le fameux “Il n’y pas d’œufs”, et je l’ai publié dans le fil de discussion.
Passif-agressif 2 : Après ça, on s’est dit qu’il fallait partir une page. On a invité des amis et en quelques heures, on a eu des milliers de likes, beaucoup plus que ce qu’on avait jamais imaginé.
Une critique de la gestion de communauté?
Philippe : Plusieurs gestionnaires de communauté croient que votre page est une critique de leur travail. Est-ce le cas?
Passif-agressif 2 : Ce n’est pas une critique envers la gestion de communauté. C’est plutôt une façon de dire qu’il est impossible de gérer une page comme celle de Ricardo, avec des centaines de milliers de fans, et de garder le contrôle sur tout. C’est normal avec tous les besoins apportés par les nouvelles plateformes.
Passif-agressif 1 : Ce n’est pas une critique, mais une entreprise de détournement, c’est-à-dire qu’on prend une image, qu’on la sort de son contexte et qu’on dit aux fans de la page de la lire avec un ton passif-agressif. C’est une création avant tout.
Passif-agressif 2 : Si on avait appelé ça Poésie Ricardo, les gens l’auraient lu avec une intention poétique. La question est de se demander : pourquoi Facebook permet ces détournements-là?
Jean-Philippe Maxime : C’est quelque chose qui se fait depuis que l’art existe de prendre un élément, le sortir de son contexte, le placer dans un autre contexte et de dire : “Voici ce que c’est”. Ça date de l’époque de Marcel Duchamp. Cela étant, il y a quelque chose que je remarque, c’est que ce contexte-là crée une interprétation totalement différente parce que dans les faits, les réponses de Ricardo sont tout simplement rigoureusement factuelles. C’est écrit : “il n’y a pas d’œufs”. Et c’est peut-être là qu’il y aurait une critique : le branding de Ricardo n’est pas un branding strictement factuel. Le gars est sympathique, il donne des conseils aux gens à la maison avec le sourire. S’il répond : “C’est écrit dans la recette qu’il n’y a pas d’œufs”, soudainement, il y a une rupture avec sa personnalité.
Laetitia : Il faut savoir que ce ne sont pas des gestionnaires de communauté qui répondent aux commentaires envoyés à l’interne, mais bien des cuisiniers.
Passif-agressif 2 : Quand Ricardo m’a dit ça au téléphone, que les cuisiniers répondaient aux questions, il m’a expliqué son raisonnement qui est logique : qui est le mieux placé pour répondre à des questions sur des recettes? Les cuisiniers. Sa réflexion est très bonne.
Philippe : Il manque peut-être une petite formation en gestion de communauté.
Laetitia : Le problème, c’est qu’ils reçoivent des milliers de commentaires, des courriels à l’interne et sur les médias sociaux. Il faudrait une équipe qui gère juste ça à temps plein et c’est quasiment impossible pour l’instant. Après, je sais que Ricardo a demandé aux cuisiniers de formuler leurs réponses différemment, mais ils ont quand même leur travail de cuisiniers et ils doivent répondre aux questions en plus; leur charge de travail est énorme.
Sarah : Au-delà du métier de gestionnaire de communauté, je trouve que ça met de l’avant toute la place que prennent les commentaires sur les réseaux sociaux. Des fois, tu fais comme “Mais est-ce que vous lisez avant d’écrire?” Je travaillais sur la page de 19-2 cet hiver et j’avais des commentaires incroyables. Et j’ai déjà eu une personne qui a écrit : “Ah, c’est pas un robot qui répond?” Et j’ai répondu : “Non, c’est un humain.”
Passif-agressif 2 : Ce que je pense, c’est peut-être aussi de la psychologie à 2 cennes, mais c’est que les gens veulent avoir leur mot à dire par rapport au phénomène qu’on leur présente, par rapport à un objet. C’est drôle parce qu’ils veulent avoir un contact, mais ils pensent que c’est un robot qui leur répond.
Sarah : L’idée est toujours présente chez plusieurs personnes que les pages sont autorégulées. C’est sûr qu’il y a de l’automatisation, mais il y a aussi des gens derrière tout ça. C’est vrai que des fois, on perd patience. Moi, en gérant la page de 19-2 à une heure du matin, il m’est arrivé de devoir fermer mon ordinateur parce que j’en avais assez.
Passif-agressif 1 : Ricardo était en entrevue à En mode Salvail récemment et il a discuté de la suggestion de plusieurs d’arrêter de répondre aux questions niaiseuses. Comme il l’a dit : “C’est quoi une question niaiseuse? Où est la ligne?”
Jean-Philippe Maxime : Il y a un autre élément que je retiens, c’est que ce sont les cuisiniers qui répondent aux questions et c’est peut-être un problème de marque un peu trop traditionnelle dans le sens où même chez IGA qui a une panoplie de personnages qui répondent avec leur personnalité propre. J’ai été très critique de ça au départ, mais je m’aperçois que ça fonctionne très bien parce qu’on ressent la personnalité de ces personnages-là derrière et au final, on peut finir par comprendre que c’est pas toujours IGA la marque qui répond. Dans le cas de Ricardo, mais aussi des médias sociaux en général, c’est souvent une seule marque qui répond. C’est difficile de l’assimiler à un individu avec son caractère.
Émilie : Parce qu’il n’y a pas l’image qui va avec la personne qui répond.
Jean-Philippe Maxime : Exact. C’est pas individualisé. Et quand tu as une marque comme Ricardo qui est incarnée par une personne à la base et qu’une pléthore de cuisiniers donne des réponses factuelles à des questions, il peut y avoir un problème au sens où les cuisiniers n’ont pas la personnalité de Ricardo et ce ne sont pas des personnes en communication qui ont appris à parler, à mettre les mots dans la bouche de quelqu’un d’autre, ce qui est pas mal tous notre cas ici. Quand tu as des cuisiniers dont le rôle, c’est d’être un cuisinier, ils ne savent pas comment parler comme quelqu’un d’autre; ce n’est pas dit que ce sera un élément maitrisé. C’est aussi un élément qui vous a permis de sortir des textes de leur contexte et de faire en sorte qu’ils prennent un tout autre sens.
Passif-agressif 1 : Si c’était pas le nom de Ricardo qui était inscrit à côté de la réponse à la question, mais le nom du cuisinier, ça donnerait déjà une meilleure compréhension du contexte et ça n’aurait pas marché notre affaire.
Passif-agressif 2 : Ce qui est intéressant aussi, c’est qu’il y a des gens qui nous ont écrit pour nous dire : “Hein, c’est Ricardo qui répond à tout?” Il y a même des gens qui pensaient que c’était Ricardo qui a parti notre page.
Laetitia : C’est pour ça qu’on a surréagi au début, surtout quand on a vu que c’était l’image de Ricardo qui était utilisée. Au début, j’ai vu la page et elle n’avait que 19 likes, alors je me suis dit que c’était pas très grave. Sauf que 3 heures après, il y avait 1000 likes et là on a commencé à dire : “ok, c’est l’image de Ricardo”. Plein de gens pensaient que c’était lui qui avait créé cette page, c’est là qu’on s’est dit que la page ne pouvait pas utiliser l’image d’une personne. Il y avait même des commentaires sur certaines autres pages qui disaient : “Mon Dieu, Ricardo est vraiment drôle.”
Passif-agressif 1 : Une des premières questions qu’on s’est posées quand ça a explosé, c’est qu’est-ce qu’on fait avec l’image? Et on l’a changée.
Passif-agressif 2 : On l’a changée après l’entrevue que Ricardo a faite avec Paul Arcand quand il a mentionné la question de l’image, on s’est parlé, on s’est dit : “Bof, de toute façon, ça change rien. Moi, je voulais mettre la photo de Ricardo Trogi. Et on a finalement opté pour la mijoteuse.”
(Rires)
Passif-agressif 2 : Tu dis que vous avez réagi fort, mais de notre côté, on a pas été très secoués.
Laetitia : En fait, on a demandé à Facebook de fermer la page parce que ça a été un réflexe. On était vendredi soir.
Passif-agressif 2 : Oui, c’était votre party d’Halloween en plus!
Laetitia : Non, c’était juste la veille.
Passif-agressif 2 : Ah oui? On s’était dit qu’on avait scrappé votre party d’Halloween.
(Rires)
Laetitia : On s’est concerté et on s’est dit que c’était pas grave si vous utilisiez pas l’image de Ricardo et que c’était clair que cette page ne venait pas de lui. C’est ça, comme on l’a dit, avec 200 likes, on s’en fout, mais à 25 000, un peu moins.
Passif-agressif 1 : Mais clairement, on a mis le doigt sur quelque chose que les gens avaient remarqué.
Passif-agressif 2 : Mais oui, et Ricardo, c’est un mythe, littéralement. J’ai fait un cours d’essai à l’université et on lisait Mythologies de Roland Barthes. Un des travaux était d’écrire une mythologie à la manière de Roland Barthes. On était une quarantaine dans la classe et il y en a au moins quatre qui ont fait ça sur Ricardo. Si on analyse la forme d’une mythologie comme Roland Barthes l’entend, Ricardo est en plein dedans : c’est un discours social sur deux pattes et il a le profil parfait pour ça. Il a une place dans l’imaginaire collectif qu’il fallait exploiter.
Laetitia : La crainte de Ricardo c’était que les gens soient ridiculisés et qu’ils cessent de poser des questions sur le site.
Passif-agressif 2 : Je pense que ça l’a rassuré quand je lui ai parlé. Je lui ai dit qu’on avait aucune mauvaise intention avec la page.
Trolls et compagnie
Philippe : En tant que gestionnaires de communauté, comment faites-vous pour gérer les trolls?
Jean-Philippe Maxime : Pourquoi les gérer? Il est facile de faire de l’éducation plutôt que de la gestion. Je pense que les marques ont trop tendance à gérer une identité. Elles veulent s’assurer que le message soit toujours positif, alors que la communauté web, ce n’est pas ça du tout. Il est tout à fait possible d’en faire une activité d’échange réel. On peut répondre avec une question pour faire prendre conscience à la personne de ce qu’elle vient de dire.
Sarah : Il y a toujours des limites. Sur 19-2, on recevait beaucoup de commentaires négatifs au début de la 3e saison. À un moment, on a lâché prise et les fans se répondaient entre eux. À partir du moment où ça n’atteint personne, on laisse faire. Si ça prend des proportions démesurées, on calme le jeu. C’est comme dans une cour d’école : on hausse un peu le ton et on dit : “calmez-vous les enfants”.
Passif-agressif 1 : Je ne sais pas si vous vous rappelez de la gestion de réponses de la SAAQ il y a peut-être un an. Le gestionnaire de communauté avait fait une job incroyable en répondant aux morons qui insultaient les cyclistes sur la page. Il leur posait une question pour leur faire comprendre la stupidité de leur commentaire. C’était très habile.
Sarah : Souvent, quand on laisse aller, la communauté vient elle-même à la défense de la marque, alors on a pas nécessairement besoin d’intervenir.
La crédibilité du métier
Philippe : Croyez-vous que le métier est pris au sérieux?
Émilie : Dans le milieu professionnel, c’est de plus en plus crédible.
Laetitia : Ailleurs, les gens ne comprennent pas vraiment.
Sarah : Il y a un travail d’éducation à faire pour que les gens comprennent que ça fait partie de toute la stratégie de communication.
Jean-Philippe Maxime : Le métier est né de la crainte des marques de perdre le contrôle. Historiquement, elles ont toujours eu le contrôle sur leur message. Les milieux ressentent les besoins d’avoir quelqu’un en charge. Dans l’absolu, je dis toujours à mes collègues : “j’ai hâte au jour où vous aurez plus besoin de moi”. Dans le sens où c’est une manière de communiquer, c’est simplement un autre média. Est-ce que ça devrait être un métier? Je pense pas.
Guillaume : Je suis pas d’accord. On est pas juste là pour gérer une communauté, on est aussi des créateurs de contenu.
Laetitia : Je crois pas non plus que le métier va mourir. Je sais pas si vous avez vu l’évolution de Facebook, il y a de nouvelles fonctionnalités tous les jours. On ne crée plus une page en cliquant des doigts!
Passif-agressif 1 : Nous, oui!
(Rires)
Laetitia : Pas pour une marque. Oui, c’est un espace communicationnel pour la communauté, libre plus ou moins, mais ça demande de la gestion. Et je crois que ça va seulement en demander plus à l’avenir.
Émilie : Il y a aussi toute une job de modérateur, de gestion du service à la clientèle. Les premiers commentaires et questions, c’est à cet endroit qu’on les retrouve et il faut y répondre dans un délai assez court.
Jean-Philippe Maxime : Le métier comprend une multitude de facettes : service à la clientèle, création de contenus, technique, etc.
Passif-agressif 2 : On est tous en train d’apprendre à gérer internet. Il faut pas oublier que ça a environ 15 ans. C’est très jeune! Quand tu as de meilleures connaissances dans ce milieu-là, tu es celui qui sait lire dans un monde d’analphabètes, tu as une longueur d’avance.
Jean-Philippe Maxime : C’est dans ce sens-là que je dis que le métier éclate. On est seuls pour faire la job qui est normalement faite par les 72 personnes d’une boite de communications.
Passif-agressif 1 : Le métier est tellement multiforme qu’il va juste se scinder.
Les licornes n’existent pas
Philippe : Est-ce qu’on peut faire le métier sans devenir désabusé?
Jean-Philippe Maxime : Est-ce qu’on peut vivre en société sans le devenir? C’est une vraie question.
Sarah : Il faut avoir un certain détachement et avoir une grande capacité de recul.
Laetitia : Tout ça dépend de la marque qu’on gère : il y en a certaines pour lesquelles on a jamais de commentaires négatifs et d’autres pour lesquelles c’est plus difficile.
Passif-agressif 2 : Je sais que je ferai pas ça de ma vie. Ça fait une semaine et j’en ai déjà assez. On faisait ça pour faire rire et là, c’est rendu un travail. Et je dois commenter à l’occasion parce que les gens trouvent que les questions sur les recettes sont connes. Ce qui est drôle, c’est le dialogue, c’est pas juste la question. J’aimerais ça que tous les fans de la page comprennent le même genre d’humour que nous, mais on a pas de contrôle là-dessus.
Passif-agressif 1 : On a beaucoup appris durant la semaine. Ce dérapage-là prouve qu’on est pas maitres de l’interprétation ou de la lecture. Nous, on voulait que les gens rient d’abord et avant tout des réponses, mais ils se sont mis à rire des questions.
Passif-agressif 2 : Et on a jamais voulu jouer les rôles de professeur d’école. Des fois, on a affaire à des morons. C’est exactement le genre de moron que je veux pas faire rire. Parce qu’il ne comprend le deuxième degré de la page.
Ça chire!
Philippe : Est-ce que vous avez déjà perdu le contrôle?
Laetitia : Non, habituellement, la communauté s’en charge.
Émilie : La première chose, c’est d’être préparé.
Passif-agressif 1 : C’est un mélange de fan club et de hate club.
Philippe : On est un peu l’arbitre dans le fond. On donne des punitions.
Jean-Philippe Maxime : Cabotinage!
(Rires)
Jean-Philippe Maxime : Sinon, si tu gardes l’authenticité, habituellement, la communauté te défend parce que tu gardes les valeurs pour lesquelles elle t’apprécie.
Sarah : Dans 19-2, il y a eu une scène de viol et on a eu énormément de commentaires. On est allé dans un côté plus sombre des personnages et il a fallu justifier les choix.
Passif-agressif 1 : La page, c’était une crise chez Ricardo?
Laetitia : Oui, un peu, mais nous, on est vraiment un soutien aux médias sociaux. On les a conseillés, mais ils ont pris les décisions. Tout le monde était d’accord qu’il était plus légitime que Ricardo parle. Mais oui, ça a été une petite gestion de crise le lundi matin.
Passif-agressif 2 : On a dit à Ricardo qu’on voulait pas rire des employés. Ce qui rend les réponses drôles, c’est surtout le fait que c’est comme si c’est Ricardo qui répondait, mais avec un ton très sec.
Émilie : Sur les médias sociaux, il y a beaucoup de place à interprétation, ce qui rend les choses très difficiles.
Rester zen
Philippe : Est-ce que ça a été facile pour vous de vous habituer à répondre de façon neutre?
Laetitia : Ça dépend de la marque. À mes débuts, je voulais répondre à tous les nouveaux commentaires dans l’immédiat, mais après un certain temps, on se rend compte que c’est impossible.
Sarah : Le truc, c’est simplement de prendre une bonne respiration avant de répondre.
Jean-Philippe Maxime : Ça arrive de twiver en direct. C’est pas la même chose : il faut être très rapide. À ce moment-là, au moment d’appuyer sur «Publier», si j’hésite le moindrement, je publie le commentaire sur mon compte personnel. Comme ça, le point est toujours apporté à la discussion sans que ça vienne de l’entité.
Passif-agressif 2 : Parce que même si tu enlèves ton commentaire peu de temps après l’avoir publié, il y a toujours une chance que quelqu’un ait fait une capture d’écran.
Émilie : Oui, les gens sont très rapides!
Le futur de «Passif-agressif Ricardo»
Philippe : Quel est l’avenir de la page?
Passif-agressif 1 : On veut absolument pas tenir la page en vie artificiellement. On commence déjà à manquer de matière première.
Passif-agressif 2 : Surtout depuis que Ricardo a coaché ses cuisiniers!
(Rires)
Émilie : Comment voyez-vous le métier maintenant?
Passif-agressif 2 : On a beaucoup de respect pour les professionnels du domaine.
Passif-agressif 1 : On a énormément appris. C’est très délicat. Même si les gens sont derrière leur écran, tu peux les blesser.
Passif-agressif 2 : Nous, on est dans une excellente situation parce qu’on représente pas de marque, on a pas de boss. Le plus dramatique, c’était par rapport à Ricardo, mais maintenant ça ne l’inquiète plus.
Passif-agressif 1 : On est vraiment ironiques dans notre façon de gérer la page. On est des caricatures de gestionnaires de communauté. L’entité “Passif-agressif” qui répond aux commentaires, c’est fait pour ne pas être sérieux. Je pense pas que ça se compare à ce que vous faites.
Jean-Philippe Maxime : C’en est une forme quand même.
Passif-agressif 1 : Mais vu que c’est beaucoup moins sérieux à la base, on a pas la même pression.
Passif-agressif 2 : On a la pression d’être drôles. Si c’est pas drôle, les gens nous l’écrivent. Moi je réponds : “Il est conseillé de la trouver drôle.”
Guillaume : C’est bien drôle parce qu’au final, c’est un peu l’arroseur arrosé. Vous mettez en lumière un trait spécifique de la gestion de communauté et vous vous retrouvez avec des trolls à gérer.
Passif-agressif 2 : La seule différence, c’est qu’on est pas payés!
(Rires)
Passif-agressif 1 : Au-delà de ça, moi, j’ai trouvé ça très intéressant à vivre d’un point de vue sociologique, c’est-à-dire être derrière un de ces buzz-là. Ça a été super dur de travailler. C’est très impressionnant de voir ça en direct.
Passif-agressif 2 : Moi, je serai pas nécessairement triste quand l’engouement va diminuer.
Passif-agressif 1 : C’est très valorisant.
Passif-agressif 2 : Ça va éventuellement devenir un objet de recherche. J’ai hâte d’avoir assez de distance pour que ça le devienne.
Le masque bien en place
Philippe : Allez-vous vous dévoiler?
Passif-agressif 2 : Ça apporte rien de plus. C’est pas comme si on avouait que les administrateurs étaient Jean-François Brault et Marie-Ève Janvier.
Passif-agressif 1 : Une fois que l’engouement n’y sera plus, on veut juste que ça revienne à la normale.
Passif-agressif 2 : On veut pas que ça devienne le highlight d’une partie de nos vies. Dans certains contextes, j’ai vraiment pas le goût que les gens sachent que ça occupe mon temps.
Passif-agressif 1 : Moi, j’ai pas honte de ce qu’on a fait.
Passif-agressif 2 : Non, moi non plus. Mais j’ai l’impression que ça compliquerait certaines situations si je devais dire que j’étais un des administrateurs de cette page. La réponse officielle, c’est que ça donnerait absolument rien de plus de savoir c’est qui. Pis honnêtement, on trouvait pas que juste la page soit matière à un article. Nous, on voulait être le prétexte à ce type de rencontre là, mais pas en être le sujet.
Émilie : C’est ça, sinon la lumière va aller vers vous au lieu d’aller vers le phénomène.
Passif-agressif 2 : Voilà, vers un phénomène dont il peut être intéressant de discuter.
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