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Il y a maintenant un peu plus de deux semaines que la page Facebook Passif-agressif Ricardo sĂ©vit sur le web. Pour ceux qui ne la connaissent pas, la page utilise des captures dâĂ©cran de rĂ©ponses Ă des questions sur des recettes trouvĂ©es sur le site de Ricardo cuisine comme matiĂšre premiĂšre. Les administrateurs y ajoutent ensuite une ligne qui fait ressortir lâabsurditĂ© de la question, mais surtout de la rĂ©ponse, habituellement trĂšs factuelle, souvent un peu trop.
Exemple :
Ce qui devait dâabord ĂȘtre une simple blague entre amis sâest aujourdâhui transformĂ© en vĂ©ritable phĂ©nomĂšne viral : en deux semaines, la page a accumulĂ© plus de 30 000 likes.
On a donc contactĂ© les administrateurs de la page pour savoir sâil nous Ă©tait possible de les rencontrer. Ils ont acceptĂ©, Ă condition que la page soit le sujet de dĂ©part Ă une discussion sur la gestion de communautĂ© plutĂŽt que le sujet premier dâune entrevue.
On a donc rassemblĂ© des professionnels du milieu (dont une gestionnaire de communautĂ© pour Ricardo MĂ©dia) autour dâune table chez URBANIA pour jaser de Passif-agressif Ricardo et de la gestion de communautĂ© en gĂ©nĂ©ral en un beau samedi gris.
Les intervenants :
à noter que nous avons permis aux deux administrateurs de garder leur anonymat pour des raisons qui seront évoquées durant la discussion.
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De gauche Ă droite:
Sarah Pinelle : Gestionnaire de communautĂ© pour SphĂšre MĂ©dia (@SphereMediaMTL) et le Salon du livre de MontrĂ©al (@slminfo), pigiste depuis 2 ans. Anciennement : chargĂ©e des communications pour un théùtre et dans le milieu de lâĂ©dition.
Passif-agressif 2 : Ătudiant Ă la maitrise en littĂ©rature numĂ©rique.
Laetitia Prido : Gestionnaire de communauté chez Substance stratégies (@substance_strat), a pour client Ricardo Média (@ricardocuisine), étudiante à la maitrise en communications numériques.
Jean-Philippe Maxime Tittley (@jptittley): Coordonnateur aux communications numériques Productions Bazzo bazzo (@BazzoTV). Anciennement : animateur de communauté autour de projets télé durant 3 ans, coordonnateur à ICI ARTV.
Ămilie Monette (@emilie_monette) : ConseillĂšre mĂ©dias sociaux chez FinanciĂšre Sun Life (@SunLifeQC) depuis quelques mois. Anciennement : Gestionnaire de communautĂ© tĂ©lĂ© (VidĂ©otron, MATV), a dĂ©butĂ© il y a 4 ans.
Passif-agressif 1 : Ătudiant Ă la maitrise en littĂ©rature, enseignant de français.
Guillaume Blaineau : Gestionnaire de communauté pour Beware magazine (@bewaremag), étudiant à la maitrise en communications numériques. Anciennement : stagiaire chez URBANIA.
***
Les débuts
Philippe : Pour amorcer la discussion, dites-nous comment tout ça a commencé.
Passif-agressif 1 : Vendredi passĂ©, Passif-agressif 2 a fait un screenshot dâune question-rĂ©ponse du site de Ricardo cuisine et y a ajoutĂ© un commentaire avant de lâenvoyer Ă un groupe dâamis. Tout le monde a trouvĂ© ça ben drĂŽle.
Passif-agressif 2 : En fait, câest une amie qui a eu lâidĂ©e dâĂ©crire un monologue de théùtre avec les commentaires sur des pages web (Facebook, sites web, etc.). Jâai donc fait un screenshot de la page de Ricardo cuisine, le fameux âIl nây pas dâĆufsâ, et je lâai publiĂ© dans le fil de discussion.
Passif-agressif 2 : AprĂšs ça, on sâest dit quâil fallait partir une page. On a invitĂ© des amis et en quelques heures, on a eu des milliers de likes, beaucoup plus que ce quâon avait jamais imaginĂ©.
Une critique de la gestion de communauté?
Philippe : Plusieurs gestionnaires de communauté croient que votre page est une critique de leur travail. Est-ce le cas?
Passif-agressif 2 : Ce nâest pas une critique envers la gestion de communautĂ©. Câest plutĂŽt une façon de dire quâil est impossible de gĂ©rer une page comme celle de Ricardo, avec des centaines de milliers de fans, et de garder le contrĂŽle sur tout. Câest normal avec tous les besoins apportĂ©s par les nouvelles plateformes.
Passif-agressif 1 : Ce nâest pas une critique, mais une entreprise de dĂ©tournement, câest-Ă -dire quâon prend une image, quâon la sort de son contexte et quâon dit aux fans de la page de la lire avec un ton passif-agressif. Câest une crĂ©ation avant tout.
Passif-agressif 2 : Si on avait appelĂ© ça PoĂ©sie Ricardo, les gens lâauraient lu avec une intention poĂ©tique. La question est de se demander : pourquoi Facebook permet ces dĂ©tournements-lĂ ?
Jean-Philippe Maxime : Câest quelque chose qui se fait depuis que lâart existe de prendre un Ă©lĂ©ment, le sortir de son contexte, le placer dans un autre contexte et de dire : âVoici ce que câestâ. Ăa date de lâĂ©poque de Marcel Duchamp. Cela Ă©tant, il y a quelque chose que je remarque, câest que ce contexte-lĂ crĂ©e une interprĂ©tation totalement diffĂ©rente parce que dans les faits, les rĂ©ponses de Ricardo sont tout simplement rigoureusement factuelles. Câest Ă©crit : âil nây a pas dâĆufsâ. Et câest peut-ĂȘtre lĂ quâil y aurait une critique : le branding de Ricardo nâest pas un branding strictement factuel. Le gars est sympathique, il donne des conseils aux gens Ă la maison avec le sourire. Sâil rĂ©pond : âCâest Ă©crit dans la recette quâil nây a pas dâĆufsâ, soudainement, il y a une rupture avec sa personnalitĂ©.
Laetitia : Il faut savoir que ce ne sont pas des gestionnaires de communautĂ© qui rĂ©pondent aux commentaires envoyĂ©s Ă lâinterne, mais bien des cuisiniers.
Passif-agressif 2 : Quand Ricardo mâa dit ça au tĂ©lĂ©phone, que les cuisiniers rĂ©pondaient aux questions, il mâa expliquĂ© son raisonnement qui est logique : qui est le mieux placĂ© pour rĂ©pondre Ă des questions sur des recettes? Les cuisiniers. Sa rĂ©flexion est trĂšs bonne.
Philippe : Il manque peut-ĂȘtre une petite formation en gestion de communautĂ©.
Laetitia : Le problĂšme, câest quâils reçoivent des milliers de commentaires, des courriels Ă lâinterne et sur les mĂ©dias sociaux. Il faudrait une Ă©quipe qui gĂšre juste ça Ă temps plein et câest quasiment impossible pour lâinstant. AprĂšs, je sais que Ricardo a demandĂ© aux cuisiniers de formuler leurs rĂ©ponses diffĂ©remment, mais ils ont quand mĂȘme leur travail de cuisiniers et ils doivent rĂ©pondre aux questions en plus; leur charge de travail est Ă©norme.
Sarah : Au-delĂ du mĂ©tier de gestionnaire de communautĂ©, je trouve que ça met de lâavant toute la place que prennent les commentaires sur les rĂ©seaux sociaux. Des fois, tu fais comme âMais est-ce que vous lisez avant dâĂ©crire?â Je travaillais sur la page de 19-2 cet hiver et jâavais des commentaires incroyables. Et jâai dĂ©jĂ eu une personne qui a Ă©crit : âAh, câest pas un robot qui rĂ©pond?â Et jâai rĂ©pondu : âNon, câest un humain.â
Passif-agressif 2 : Ce que je pense, câest peut-ĂȘtre aussi de la psychologie Ă 2 cennes, mais câest que les gens veulent avoir leur mot Ă dire par rapport au phĂ©nomĂšne quâon leur prĂ©sente, par rapport Ă un objet. Câest drĂŽle parce quâils veulent avoir un contact, mais ils pensent que câest un robot qui leur rĂ©pond.
Sarah : LâidĂ©e est toujours prĂ©sente chez plusieurs personnes que les pages sont autorĂ©gulĂ©es. Câest sĂ»r quâil y a de lâautomatisation, mais il y a aussi des gens derriĂšre tout ça. Câest vrai que des fois, on perd patience. Moi, en gĂ©rant la page de 19-2 Ă une heure du matin, il mâest arrivĂ© de devoir fermer mon ordinateur parce que jâen avais assez.
Passif-agressif 1 : Ricardo Ă©tait en entrevue Ă En mode Salvail rĂ©cemment et il a discutĂ© de la suggestion de plusieurs dâarrĂȘter de rĂ©pondre aux questions niaiseuses. Comme il lâa dit : âCâest quoi une question niaiseuse? OĂč est la ligne?â
Jean-Philippe Maxime : Il y a un autre Ă©lĂ©ment que je retiens, câest que ce sont les cuisiniers qui rĂ©pondent aux questions et câest peut-ĂȘtre un problĂšme de marque un peu trop traditionnelle dans le sens oĂč mĂȘme chez IGA qui a une panoplie de personnages qui rĂ©pondent avec leur personnalitĂ© propre. Jâai Ă©tĂ© trĂšs critique de ça au dĂ©part, mais je mâaperçois que ça fonctionne trĂšs bien parce quâon ressent la personnalitĂ© de ces personnages-lĂ derriĂšre et au final, on peut finir par comprendre que câest pas toujours IGA la marque qui rĂ©pond. Dans le cas de Ricardo, mais aussi des mĂ©dias sociaux en gĂ©nĂ©ral, câest souvent une seule marque qui rĂ©pond. Câest difficile de lâassimiler Ă un individu avec son caractĂšre.
Ămilie : Parce quâil nây a pas lâimage qui va avec la personne qui rĂ©pond.
Jean-Philippe Maxime : Exact. Câest pas individualisĂ©. Et quand tu as une marque comme Ricardo qui est incarnĂ©e par une personne Ă la base et quâune plĂ©thore de cuisiniers donne des rĂ©ponses factuelles Ă des questions, il peut y avoir un problĂšme au sens oĂč les cuisiniers nâont pas la personnalitĂ© de Ricardo et ce ne sont pas des personnes en communication qui ont appris Ă parler, Ă mettre les mots dans la bouche de quelquâun dâautre, ce qui est pas mal tous notre cas ici. Quand tu as des cuisiniers dont le rĂŽle, câest dâĂȘtre un cuisinier, ils ne savent pas comment parler comme quelquâun dâautre; ce nâest pas dit que ce sera un Ă©lĂ©ment maitrisĂ©. Câest aussi un Ă©lĂ©ment qui vous a permis de sortir des textes de leur contexte et de faire en sorte quâils prennent un tout autre sens.
Passif-agressif 1 : Si câĂ©tait pas le nom de Ricardo qui Ă©tait inscrit Ă cĂŽtĂ© de la rĂ©ponse Ă la question, mais le nom du cuisinier, ça donnerait dĂ©jĂ une meilleure comprĂ©hension du contexte et ça nâaurait pas marchĂ© notre affaire.
Passif-agressif 2 : Ce qui est intĂ©ressant aussi, câest quâil y a des gens qui nous ont Ă©crit pour nous dire : âHein, câest Ricardo qui rĂ©pond Ă tout?â Il y a mĂȘme des gens qui pensaient que câĂ©tait Ricardo qui a parti notre page.
Laetitia : Câest pour ça quâon a surrĂ©agi au dĂ©but, surtout quand on a vu que câĂ©tait lâimage de Ricardo qui Ă©tait utilisĂ©e. Au dĂ©but, jâai vu la page et elle nâavait que 19 likes, alors je me suis dit que câĂ©tait pas trĂšs grave. Sauf que 3 heures aprĂšs, il y avait 1000 likes et lĂ on a commencĂ© Ă dire : âok, câest lâimage de Ricardoâ. Plein de gens pensaient que câĂ©tait lui qui avait créé cette page, câest lĂ quâon sâest dit que la page ne pouvait pas utiliser lâimage dâune personne. Il y avait mĂȘme des commentaires sur certaines autres pages qui disaient : âMon Dieu, Ricardo est vraiment drĂŽle.â
Passif-agressif 1 : Une des premiĂšres questions quâon sâest posĂ©es quand ça a explosĂ©, câest quâest-ce quâon fait avec lâimage? Et on lâa changĂ©e.
Passif-agressif 2 : On lâa changĂ©e aprĂšs lâentrevue que Ricardo a faite avec Paul Arcand quand il a mentionnĂ© la question de lâimage, on sâest parlĂ©, on sâest dit : âBof, de toute façon, ça change rien. Moi, je voulais mettre la photo de Ricardo Trogi. Et on a finalement optĂ© pour la mijoteuse.â
(Rires)
Passif-agressif 2 : Tu dis que vous avez réagi fort, mais de notre cÎté, on a pas été trÚs secoués.
Laetitia : En fait, on a demandé à Facebook de fermer la page parce que ça a été un réflexe. On était vendredi soir.
Passif-agressif 2 : Oui, câĂ©tait votre party dâHalloween en plus!
Laetitia : Non, câĂ©tait juste la veille.
Passif-agressif 2 : Ah oui? On sâĂ©tait dit quâon avait scrappĂ© votre party dâHalloween.
(Rires)
Laetitia : On sâest concertĂ© et on sâest dit que câĂ©tait pas grave si vous utilisiez pas lâimage de Ricardo et que câĂ©tait clair que cette page ne venait pas de lui. Câest ça, comme on lâa dit, avec 200 likes, on sâen fout, mais Ă 25 000, un peu moins.
Passif-agressif 1 : Mais clairement, on a mis le doigt sur quelque chose que les gens avaient remarqué.
Passif-agressif 2 : Mais oui, et Ricardo, câest un mythe, littĂ©ralement. Jâai fait un cours dâessai Ă lâuniversitĂ© et on lisait Mythologies de Roland Barthes. Un des travaux Ă©tait dâĂ©crire une mythologie Ă la maniĂšre de Roland Barthes. On Ă©tait une quarantaine dans la classe et il y en a au moins quatre qui ont fait ça sur Ricardo. Si on analyse la forme dâune mythologie comme Roland Barthes lâentend, Ricardo est en plein dedans : câest un discours social sur deux pattes et il a le profil parfait pour ça. Il a une place dans lâimaginaire collectif quâil fallait exploiter.
Laetitia : La crainte de Ricardo câĂ©tait que les gens soient ridiculisĂ©s et quâils cessent de poser des questions sur le site.
Passif-agressif 2 : Je pense que ça lâa rassurĂ© quand je lui ai parlĂ©. Je lui ai dit quâon avait aucune mauvaise intention avec la page.
Trolls et compagnie
Philippe : En tant que gestionnaires de communauté, comment faites-vous pour gérer les trolls?
Jean-Philippe Maxime : Pourquoi les gĂ©rer? Il est facile de faire de lâĂ©ducation plutĂŽt que de la gestion. Je pense que les marques ont trop tendance Ă gĂ©rer une identitĂ©. Elles veulent sâassurer que le message soit toujours positif, alors que la communautĂ© web, ce nâest pas ça du tout. Il est tout Ă fait possible dâen faire une activitĂ© dâĂ©change rĂ©el. On peut rĂ©pondre avec une question pour faire prendre conscience Ă la personne de ce quâelle vient de dire.
Sarah : Il y a toujours des limites. Sur 19-2, on recevait beaucoup de commentaires nĂ©gatifs au dĂ©but de la 3e saison. Ă un moment, on a lĂąchĂ© prise et les fans se rĂ©pondaient entre eux. Ă partir du moment oĂč ça nâatteint personne, on laisse faire. Si ça prend des proportions dĂ©mesurĂ©es, on calme le jeu. Câest comme dans une cour dâĂ©cole : on hausse un peu le ton et on dit : âcalmez-vous les enfantsâ.
Passif-agressif 1 : Je ne sais pas si vous vous rappelez de la gestion de rĂ©ponses de la SAAQ il y a peut-ĂȘtre un an. Le gestionnaire de communautĂ© avait fait une job incroyable en rĂ©pondant aux morons qui insultaient les cyclistes sur la page. Il leur posait une question pour leur faire comprendre la stupiditĂ© de leur commentaire. CâĂ©tait trĂšs habile.
Sarah : Souvent, quand on laisse aller, la communautĂ© vient elle-mĂȘme Ă la dĂ©fense de la marque, alors on a pas nĂ©cessairement besoin dâintervenir.
La crédibilité du métier
Philippe : Croyez-vous que le métier est pris au sérieux?
Ămilie : Dans le milieu professionnel, câest de plus en plus crĂ©dible.
Laetitia : Ailleurs, les gens ne comprennent pas vraiment.
Sarah : Il y a un travail dâĂ©ducation Ă faire pour que les gens comprennent que ça fait partie de toute la stratĂ©gie de communication.
Jean-Philippe Maxime : Le mĂ©tier est nĂ© de la crainte des marques de perdre le contrĂŽle. Historiquement, elles ont toujours eu le contrĂŽle sur leur message. Les milieux ressentent les besoins dâavoir quelquâun en charge. Dans lâabsolu, je dis toujours Ă mes collĂšgues : âjâai hĂąte au jour oĂč vous aurez plus besoin de moiâ. Dans le sens oĂč câest une maniĂšre de communiquer, câest simplement un autre mĂ©dia. Est-ce que ça devrait ĂȘtre un mĂ©tier? Je pense pas.
Guillaume : Je suis pas dâaccord. On est pas juste lĂ pour gĂ©rer une communautĂ©, on est aussi des crĂ©ateurs de contenu.
Laetitia : Je crois pas non plus que le mĂ©tier va mourir. Je sais pas si vous avez vu lâĂ©volution de Facebook, il y a de nouvelles fonctionnalitĂ©s tous les jours. On ne crĂ©e plus une page en cliquant des doigts!
Passif-agressif 1Â : Nous, oui!
(Rires)
Laetitia : Pas pour une marque. Oui, câest un espace communicationnel pour la communautĂ©, libre plus ou moins, mais ça demande de la gestion. Et je crois que ça va seulement en demander plus Ă lâavenir.
Ămilie : Il y a aussi toute une job de modĂ©rateur, de gestion du service Ă la clientĂšle. Les premiers commentaires et questions, câest Ă cet endroit quâon les retrouve et il faut y rĂ©pondre dans un dĂ©lai assez court.
Jean-Philippe Maxime : Le métier comprend une multitude de facettes : service à la clientÚle, création de contenus, technique, etc.
Passif-agressif 2 : On est tous en train dâapprendre Ă gĂ©rer internet. Il faut pas oublier que ça a environ 15 ans. Câest trĂšs jeune! Quand tu as de meilleures connaissances dans ce milieu-lĂ , tu es celui qui sait lire dans un monde dâanalphabĂštes, tu as une longueur dâavance.
Jean-Philippe Maxime : Câest dans ce sens-lĂ que je dis que le mĂ©tier Ă©clate. On est seuls pour faire la job qui est normalement faite par les 72 personnes dâune boite de communications.
Passif-agressif 1 : Le mĂ©tier est tellement multiforme quâil va juste se scinder.
Les licornes nâexistent pas
Philippe : Est-ce quâon peut faire le mĂ©tier sans devenir dĂ©sabusĂ©?
Jean-Philippe Maxime : Est-ce quâon peut vivre en sociĂ©tĂ© sans le devenir? Câest une vraie question.
Sarah : Il faut avoir un certain détachement et avoir une grande capacité de recul.
Laetitia : Tout ça dĂ©pend de la marque quâon gĂšre : il y en a certaines pour lesquelles on a jamais de commentaires nĂ©gatifs et dâautres pour lesquelles câest plus difficile.
Passif-agressif 2 : Je sais que je ferai pas ça de ma vie. Ăa fait une semaine et jâen ai dĂ©jĂ assez. On faisait ça pour faire rire et lĂ , câest rendu un travail. Et je dois commenter Ă lâoccasion parce que les gens trouvent que les questions sur les recettes sont connes. Ce qui est drĂŽle, câest le dialogue, câest pas juste la question. Jâaimerais ça que tous les fans de la page comprennent le mĂȘme genre dâhumour que nous, mais on a pas de contrĂŽle lĂ -dessus.
Passif-agressif 1 : On a beaucoup appris durant la semaine. Ce dĂ©rapage-lĂ prouve quâon est pas maitres de lâinterprĂ©tation ou de la lecture. Nous, on voulait que les gens rient dâabord et avant tout des rĂ©ponses, mais ils se sont mis Ă rire des questions.
Passif-agressif 2 : Et on a jamais voulu jouer les rĂŽles de professeur dâĂ©cole. Des fois, on a affaire Ă des morons. Câest exactement le genre de moron que je veux pas faire rire. Parce quâil ne comprend le deuxiĂšme degrĂ© de la page.
Ăa chire!
Philippe : Est-ce que vous avez déjà perdu le contrÎle?
Laetitia : Non, habituellement, la communautĂ© sâen charge.
Ămilie : La premiĂšre chose, câest dâĂȘtre prĂ©parĂ©.
Passif-agressif 1 : Câest un mĂ©lange de fan club et de hate club.
Philippe : On est un peu lâarbitre dans le fond. On donne des punitions.
Jean-Philippe Maxime : Cabotinage!
(Rires)
Jean-Philippe Maxime : Sinon, si tu gardes lâauthenticitĂ©, habituellement, la communautĂ© te dĂ©fend parce que tu gardes les valeurs pour lesquelles elle tâapprĂ©cie.
Sarah : Dans 19-2, il y a eu une scÚne de viol et on a eu énormément de commentaires. On est allé dans un cÎté plus sombre des personnages et il a fallu justifier les choix.
Passif-agressif 1 : La page, câĂ©tait une crise chez Ricardo?
Laetitia : Oui, un peu, mais nous, on est vraiment un soutien aux mĂ©dias sociaux. On les a conseillĂ©s, mais ils ont pris les dĂ©cisions. Tout le monde Ă©tait dâaccord quâil Ă©tait plus lĂ©gitime que Ricardo parle. Mais oui, ça a Ă©tĂ© une petite gestion de crise le lundi matin.
Passif-agressif 2 : On a dit Ă Ricardo quâon voulait pas rire des employĂ©s. Ce qui rend les rĂ©ponses drĂŽles, câest surtout le fait que câest comme si câest Ricardo qui rĂ©pondait, mais avec un ton trĂšs sec.
Ămilie : Sur les mĂ©dias sociaux, il y a beaucoup de place Ă interprĂ©tation, ce qui rend les choses trĂšs difficiles.
Rester zen
Philippe : Est-ce que ça a été facile pour vous de vous habituer à répondre de façon neutre?
Laetitia : Ăa dĂ©pend de la marque. Ă mes dĂ©buts, je voulais rĂ©pondre Ă tous les nouveaux commentaires dans lâimmĂ©diat, mais aprĂšs un certain temps, on se rend compte que câest impossible.
Sarah : Le truc, câest simplement de prendre une bonne respiration avant de rĂ©pondre.
Jean-Philippe Maxime : Ăa arrive de twiver en direct. Câest pas la mĂȘme chose : il faut ĂȘtre trĂšs rapide. Ă ce moment-lĂ , au moment dâappuyer sur «Publier», si jâhĂ©site le moindrement, je publie le commentaire sur mon compte personnel. Comme ça, le point est toujours apportĂ© Ă la discussion sans que ça vienne de lâentitĂ©.
Passif-agressif 2 : Parce que mĂȘme si tu enlĂšves ton commentaire peu de temps aprĂšs lâavoir publiĂ©, il y a toujours une chance que quelquâun ait fait une capture dâĂ©cran.
Ămilie : Oui, les gens sont trĂšs rapides!
Le futur de «Passif-agressif Ricardo»
Philippe : Quel est lâavenir de la page?
Passif-agressif 1 : On veut absolument pas tenir la page en vie artificiellement. On commence déjà à manquer de matiÚre premiÚre.
Passif-agressif 2 : Surtout depuis que Ricardo a coaché ses cuisiniers!
(Rires)
Ămilie : Comment voyez-vous le mĂ©tier maintenant?
Passif-agressif 2Â : On a beaucoup de respect pour les professionnels du domaine.
Passif-agressif 1 : On a Ă©normĂ©ment appris. Câest trĂšs dĂ©licat. MĂȘme si les gens sont derriĂšre leur Ă©cran, tu peux les blesser.
Passif-agressif 2 : Nous, on est dans une excellente situation parce quâon reprĂ©sente pas de marque, on a pas de boss. Le plus dramatique, câĂ©tait par rapport Ă Ricardo, mais maintenant ça ne lâinquiĂšte plus.
Passif-agressif 1 : On est vraiment ironiques dans notre façon de gĂ©rer la page. On est des caricatures de gestionnaires de communautĂ©. LâentitĂ© âPassif-agressifâ qui rĂ©pond aux commentaires, câest fait pour ne pas ĂȘtre sĂ©rieux. Je pense pas que ça se compare Ă ce que vous faites.
Jean-Philippe Maxime : Câen est une forme quand mĂȘme.
Passif-agressif 1 : Mais vu que câest beaucoup moins sĂ©rieux Ă la base, on a pas la mĂȘme pression.
Passif-agressif 2 : On a la pression dâĂȘtre drĂŽles. Si câest pas drĂŽle, les gens nous lâĂ©crivent. Moi je rĂ©ponds : âIl est conseillĂ© de la trouver drĂŽle.â
Guillaume : Câest bien drĂŽle parce quâau final, câest un peu lâarroseur arrosĂ©. Vous mettez en lumiĂšre un trait spĂ©cifique de la gestion de communautĂ© et vous vous retrouvez avec des trolls Ă gĂ©rer.
Passif-agressif 2 : La seule diffĂ©rence, câest quâon est pas payĂ©s!
(Rires)
Passif-agressif 1 : Au-delĂ de ça, moi, jâai trouvĂ© ça trĂšs intĂ©ressant Ă vivre dâun point de vue sociologique, câest-Ă -dire ĂȘtre derriĂšre un de ces buzz-lĂ . Ăa a Ă©tĂ© super dur de travailler. Câest trĂšs impressionnant de voir ça en direct.
Passif-agressif 2 : Moi, je serai pas nĂ©cessairement triste quand lâengouement va diminuer.
Passif-agressif 1Â : Câest trĂšs valorisant.
Passif-agressif 2 : Ăa va Ă©ventuellement devenir un objet de recherche. Jâai hĂąte dâavoir assez de distance pour que ça le devienne.
Le masque bien en place
Philippe : Allez-vous vous dévoiler?
Passif-agressif 2 : Ăa apporte rien de plus. Câest pas comme si on avouait que les administrateurs Ă©taient Jean-François Brault et Marie-Ăve Janvier.
Passif-agressif 1 : Une fois que lâengouement nây sera plus, on veut juste que ça revienne Ă la normale.
Passif-agressif 2 : On veut pas que ça devienne le highlight dâune partie de nos vies. Dans certains contextes, jâai vraiment pas le goĂ»t que les gens sachent que ça occupe mon temps.
Passif-agressif 1Â : Moi, jâai pas honte de ce quâon a fait.
Passif-agressif 2 : Non, moi non plus. Mais jâai lâimpression que ça compliquerait certaines situations si je devais dire que jâĂ©tais un des administrateurs de cette page. La rĂ©ponse officielle, câest que ça donnerait absolument rien de plus de savoir câest qui. Pis honnĂȘtement, on trouvait pas que juste la page soit matiĂšre Ă un article. Nous, on voulait ĂȘtre le prĂ©texte Ă ce type de rencontre lĂ , mais pas en ĂȘtre le sujet.
Ămilie : Câest ça, sinon la lumiĂšre va aller vers vous au lieu dâaller vers le phĂ©nomĂšne.
Passif-agressif 2 : VoilĂ , vers un phĂ©nomĂšne dont il peut ĂȘtre intĂ©ressant de discuter.
***
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