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Développer la culture en région : le modèle Théâtre Hector-Charland

Un gros défi, une belle réussite.

Par
Hugo Bastien
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URBANIA Musique et Volkswagen s’associent pour vous faire découvrir des initiatives qui font rayonner la culture en région.

MOMENT CONFESSION : J’ai grandi à Repentigny.

Fin du moment confession.

Et ceux qui ont grandi à Repentigny vous le diront : quand tu veux aller voir un spectacle de qualité à Repen, tu vas au Théâtre Hector-Charland. Située à environ 15 minutes de char, dans la ville voisine de l’Assomption, la salle offre une programmation qui n’a rien à envier aux autres salles de la métropole montréalaise. C’est là-bas que j’ai vu Patrick Watson, les Barr Brothers, Louis-José Houde – et cinq années de gala méritas de mon école secondaire avec des commissaires incapables de faire des discours un minimum punchés.

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Bref, cette salle-là est ben importante pour la région et c’est pourquoi lorsqu’est venu le temps de parler de salles importantes pour leur communauté, je l’ai immédiatement suggéré. Durant mes jeunes années, elle était un des seuls bastions culturels la région de la MRC de L’Assomption; une région où sévissent les ravages du sport et où lire un livre correspond à feuilleter les recettes Ricardo (bon ok, j’exagère vraiment beaucoup; mon point c’est surtout que des produits culturels, y’en manque dans le coin).

Avant de débuter le texte, sachez aussi que la salle se situe sur le boulevard de l’Ange-Gardien à l’Assomption, une ville d’à peine 23 000 habitants, mais qui reste ben fancy puisqu’Hector-Charland fait déplacer une foule de spectateurs chaque soir dans la municipalité. Les soirs de spectacles, les petits restaurants et commerces en périphérie se remplissent et c’est comme ça que, progressivement, il s’est littéralement construit un quartier des spectacles sur cette petite artère.

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C’est pour comprendre comment la salle a insufflé la culture à la région que je me suis entretenu avec Claude de Grandpré, directeur général et artistique de la corporation Hector-Charland qui a eu le mandat en 1996 d’amener la culture dans la MRC l’Assomption, une région où « le sport était roi, et où la culture avait un terrain vierge ».

Bâtir de zéro

Parlez-moi de votre rôle et votre historique avec le théâtre?

J’ai été engagé en 96, au moment où on commençait un projet de salle, pour structurer et mettre en œuvre un projet de création d’une salle en face du collège l’Assomption. J’ai donc préparé le terrain, structuré tout ça, engagé les employés, fait un budget et, évidemment, une programmation.

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C’était ça mon travail de 1996 à 1999, l’année on a commencé à opérer pour vrai. Ensuite, c’est parti en fou et ça n’a pas arrêté depuis.

À quoi ressemblait la première année?

En fait, les gens de l’époque se disaient que le monde ne viendrait pas à l’Assomption voir des spectacles étant donné que ce n’est pas dans une trajectoire naturelle pour du monde de Montréal ou de Repentigny. Ils pensaient que ce serait trop difficile d’amener des gens là-bas.

Et pourtant, en 1999 on faisait 75 spectacles, et là on est rendu à 300.

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Selon vous, pourquoi l’engouement a été aussi rapide?

C’est qu’on n’a pas fait ça juste « pour le faire », on l’a fait aussi parce qu’il y avait une demande.

Et on ne l’a pas fait non plus pour diffuser uniquement les spectacles que les gens voulaient voir. Quand est venu le temps de développer la programmation, je suis resté très près de la politique de diffusion du Ministère de la Culture de l’époque qui s’appelait « Remettre l’art au monde ». On a intéressé le public à travers différentes disciplines; théâtre, danse, musique, chanson.

On a été un peu audacieux et on est allés dans des sentiers où personne n’allait encore.

Puis tranquillement, on est devenu un théâtre qui s’implique beaucoup : on a un programme de théâtre de création, on fait aussi le développement de la danse dans les théâtres de Terrebonne, Repentigny et Joliette aussi. On est aussi très actif en chanson émergente : on fait 76 spectacles de chanson par année, mais pas juste dans la salle. Aussi au Bistro de l’Ange Cornu, en été, 3 jours par semaine y a des shows et ce sont nous qui les programmons.

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Bref, on a été un peu audacieux et on est allés dans des sentiers où personne n’allait encore.

Impact économique concret

La salle d’Hector Charland est vraiment centrale dans la ville de l’Assomption. Comment s’est développé le quartier des spectacles autour?

À la base y avait rien. On a commencé à développer les maillons du quartier des arts en liant toute sorte d’éléments culturels : des petites salles, des bistros, d’autres endroits plus surprenants où tu ne penses pas voir des shows.

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Je te cacherai pas que j’ai été inspiré par le Festival d’Avignon : là-bas, durant le festival, y a 600 spectacles par jour, ce qui peut sembler irréaliste. Mais quand tu te promènes dans la ville, tu vois que toutes les ruelles, arrière-cour, maison, balcon peuvent être utilisés pour organiser un spectacle.

Quand je suis revenu de là, je voyais des emplacements de spectacles partout et ça nous a vraiment motivés à développer des projets un peu atypiques.

Quand j’étais à Repentigny je me souviens que ça nous faisait capoter à quel point y’avait presque pas d’offre culturelle pour les jeunes. La fin de semaine si tu veux sortir un peu, tout ce que t’as comme option pour te divertir c’est d’aller dans un bar. Dans mes souvenirs Hector-Charland était la seule offre culturelle de la région du temps que j’y habitais encore.

C’est justement pour ça qu’on a développé des programmes par exemple le Cinéma Découverte où tu peux entrer pour 6$. On a aussi créé des spectacles avec des prix de 10-15-20$. C’est sûr qu’on n’a pas de contrôle sur un Louis-José Houde qui vend ses billets 50$. Par contre je peux m’assurer que dans la programmation qu’il y ait des choses plus accessibles dans une autre gamme de prix.

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Et avec le fait que Repentigny ouvre une nouvelle salle, on va être capable d’amener une plus grande possibilité de spectacles.

Justement, combien déplacez-vous de gens chaque année?

J’ai 300 spectacles par année et tous les jours sont utilisés.

On a environ 1700 abonnés, des gens qui achètent une carte de membre. Ensuite on a 10 000 abonnés à l’infolettre, qui sont curieux de savoir l’offre qu’on fait. Finalement on a 66 000 clients dans notre banque générale. On vend en tout 110 000 billets par année. Donc pour une ville de 23 000 habitants, disons qu’on a un pas pire impact sur le développement du centre-ville.

Travailler ensemble

Y a-t-il une chose au Théâtre Hector-Charland qu’on retrouve nulle part ailleurs?

Notre festival de théâtre de création, ça, c’est unique. Je connais aucun diffuseur qui fait un festival comme ça. Ni de diffuseur qui a un employé et demi à temps plein sur le développement de la danse contemporaine ni qui a développé la danse contemporaine autant que nous.

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On fait aussi des résidences de création, pour permettre aux artistes de rester dans la région quelque temps et de développer une certaine partie de leur spectacle. On en fait environ 7-8 par année.

Ça fait aussi 10 ans que je travaille avec Repentigny pour lancer une salle de spectacle là-bas et on va finalement l’inaugurer l’année prochaine. Ça fait longtemps que je travaille là-dessus parce que la vérité c’est qu’Hector-Charland est à pleine capacité. J’ai 300 spectacles par année et tous les jours sont utilisés.

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Je sais que c’est une question crève-coeur parce que ça fait longtemps que la salle existe, mais quels spectacles avez-vous été le plus fier d’accueillir?

On a souvent eu des frissons, mais entre autres un que je me souviens c’était le retour de Diane Dufresne. Après 12 ans d’absence, on avait demandé aux gens par courriel d’amener une rose rouge pour Mme Dufresne. On savait pas si ça fonctionnerait, mais tout le monde l’a fait, et ils les ont toutes déposées en avant-scène. Quand elle est arrivée sur la scène, elle a eu une ovation de 8 minutes. J’avais jamais vu ça.

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Sinon l’autre affaire dont je suis fier, c’est que le premier spectacle qui a inauguré la salle, c’est Oliver Jones. Ça, c’était un signal qu’on envoyait aux gens pour dire : « Nous, on va faire les choses différemment. »

En terminant, quel message aimeriez-vous envoyer aux gens des grands centres qui pensent que y a juste là-bas qu’il se passe des affaires?

J’aurais envie de dire qu’on fait surtout partie tous ensemble d’un grand écosystème culturel. Nous on intéresse des gens aux spectacles en général, qui vont aller voir des spectacles partout au Québec au final. J’ai pas l’impression qu’on devrait mettre ça en opposition, ou en compétition. En gros on fait tous le même travail, c’est-à-dire offrir des produits culturels de qualité pour une clientèle curieuse.

*****

Prochaine fois que vous irez voir un spectacle à l’Assomption, allez-y en Jetta.

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