Logo

Deux jambons à vélo sur la route des élections présidentielles : Pennsylvanie

Par
Mathieu Massé
Publicité

Pour la campagne présidentielle américaine 2016, Isabelle et Mathieu parcourent, depuis le 20 août, l’est des États-Unis pour aller à la rencontre des électeurs dont l’opinion est rarement entendue. C’est en vélo qu’ils ont décidé d’accomplir cette épopée.

Grâce au réseau Warmshowers (l’équivalent de Couch surfers, mais pour cyclistes), ils ont l’occasion de faire des rencontres incroyables! Mais dans le contexte de la profession (le journalisme, pas le cyclisme…quoique…), la pauvreté a joué un grand rôle dans le choix du moyen de transport.

***

Festival de la crevaison


On a sûrement été trop chanceux. Le karma de nos différents péchés a fini par nous rattraper en Pennsylvanie. Faut dire qu’après avoir faké un mariage pendant deux jours pour se sauver d’une deuxième location de chambre d’hôtel, ça se peut qu’on l’ait mérité…

Seulement deux crevaisons en presque deux semaines et un pneu changé pour un modeste 20$ (US quand même!). Ajoutez à ça la manette de vitesse sur le vélo d’Isabelle, c’est au final de l’usure plutôt normale. Jusque là, c’était pas si pire!

Publicité

Mais dès qu’on a mis les pieds en Pennsylvanie, c’est comme si le bonhomme Michelin avait décidé qu’il nous sacrait en pénitence. Crevaison pour Isabelle après à peine une heure dans l’état des Pirates de Pittsburgh. Le tout sur un beau chemin de garnotte suggéré par Google maps. On change ça au milieu dudit chemin de garnotte. On continue d’avancer pour se claquer une monstrueuse côte, au sommet de laquelle une gang d’Américains buvaient des bières en organisant une méga vente de garage. Ils nous offrent de l’eau et de l’ombre, et on jase de notre destination. En sachant qu’on devait se rendre à Elmhurst, les regards s’échangent et ils nous disent : “Donc la côte que vous venez de monter, vous l’avez trouvé facile, mettons?” Un regard accompagne la question. Un regard du genre : “Sont donc ben jambons, ces Canadiens-là…”

C’est juste avant d’arriver à destination qu’on se rend compte de ce qu’ils voulaient dire. Si la première était monstrueuse, celle-ci est gargantuesque.

PATLOW! SHRRACK! CLING!

Les bruits successifs de mon pneu se déchirant suite à l’explosion de ma chambre à air, puis de ma roue cognant le sol. Sous le gros soleil de 17 h (celui qui fait plisser les yeux parce que ben dans la face), la journée a dû se terminer à pied. Deux sacoches sur le dos et un vélo sans aucun équilibre : le p’tit Jésus s’est fait aller.

Le pneu de Mathieu après son explosion.
Le pneu de Mathieu après son explosion.
Publicité

Grands-parents bios

Peu avant la destination finale, c’est notre hôte Tony, qu’Isabelle avait prévenu de nos malheurs, qui me ramassait dans sa boîte de pick-up. Le kilomètre le plus satisfaisant depuis longtemps! Pendant le trajet du retour, Tony avouait à Isabelle, assise en avant, avoir confié à sa femme Mary-Alice, qu’il ne croyait pas vraiment qu’on y arriverait avant la noirceur.

Constat : On est des machines!

Repos dans une boî”te de pick-up.
Repos dans une boî”te de pick-up.

Si nous pouvions avoir un troisième set de grands-parents, ça serait ces deux-là. En milieu de la soixantaine, ils sont encore super actifs. Ils roulent de temps en temps sur leur tandem, et ont même fait du porte-à-porte une partie de l’hiver pour l’organisation de Bernie Sanders en Pennsylvanie.

Publicité

Tony et Mary-Alice sont mariés depuis plus de 40 ans. Ils ont des poulets dans leur cour, qui côtoient des ruches d’abeilles et un jardin plus gros que le terrain d’une maison normale. Ils ont tellement d’asperges qu’ils sont même tannés d’en faire des potages!

Sans vraiment viser l’autosuffisance, ils aiment manger bio et leur jardin leur permet beaucoup de ce côté. Ils ne mangent plus leurs poules depuis quelques années, mais ils ont trop d’œufs pour le nombre de gâteaux à faire (raison pour laquelle ils nous en ont cuisiné un aux pommes. Délicieux!)

Anthony nous explique la façon dont il fait séŽcher son ail. Quelques œufs dans les mains: la rŽécolte du jour.
Anthony nous explique la façon dont il fait séŽcher son ail. Quelques œufs dans les mains: la rŽécolte du jour.
Mary-Alice nous accueille ˆà notre arrivŽée.
Mary-Alice nous accueille ˆà notre arrivŽée.
Publicité

Démocrates sans enthousiasme

Évidemment, ils sont déçus du résultat des primaires. Leur candidat a été éliminé et ce qui fait le plus mal, c’est que c’était joué d’avance. “C’est là que notre système électoral doit changer. Bernie proposait certains de ces changements, mais on a arrangé ça pour qu’il n’ait aucune chance”, explique Tony, qui est le plus fervent des deux.

Si les paysages de la campagne pennsylvanienne sont tapissés de pancartes de Donald Trump, le couple rappelle qu’il faut prendre en compte que les grandes villes comme Pittsburgh et Philadelphie sont beaucoup plus démocrates et pourraient très bien emporter l’élection.

Tony et Mary-Alice voient Trump comme un hypocrite. Tous deux descendants d’immigrants, Italien et Irlandais, respectivement, ils croient fermement que c’est l’immigration qui construit encore aujourd’hui les États-Unis. “Nos parents faisaient partie de ceux ‘qu’on ne voulait pas’ il y a 60 ans. Aujourd’hui, on trouve simplement d’autres gens à détester. Trump nourrit cette haine”, continue Mary-Alice.

Confiture ˆ l’effigie de Bernie Sanders.
Confiture ˆ l’effigie de Bernie Sanders.
Publicité

Ils font partie des partisans de Bernie qui voteront pour Hillary Clinton, mais leur militantisme semble s’être tamisé. Ils voteront pour le parti démocrate, certes, mais ils n’entraîneront peut-être pas 15 personnes avec eux aux bureaux de vote. Ils ne se lèveront peut-être pas à 4 h du matin pour aller aider à l’organisation du parti dans le comté de Lackawanna, où ils votent.

Beaucoup disent que c’est là que le danger réside.

Les partisans de Trumps, eux, sont…très motivés.

De notre côté, la motivation manquait un peu à quitter ce paradis de paix, de poules et d’abeilles. Avec un nouveau pneu, on est finalement partis. “On est bons pour au moins une couple de centaines de miles avec ça!”, qu’on disait…

60 km plus tard, on passait un doigt à travers mon pneu neuf du matin. Pff. Le bonhomme Michelin ne nous aime vraiment pas on dirait…

Vivement le Maryland!

Après avoir fait 65 km avec le pneu neuf de Mathieu, le nouveau pneu explose. On se croirait dans Le jour de la marmotte!
Après avoir fait 65 km avec le pneu neuf de Mathieu, le nouveau pneu explose. On se croirait dans Le jour de la marmotte!

Pour lire un autre reportage Deux jambons à vélo : New York

_________________

Publicité