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Pour la campagne présidentielle américaine 2016, Isabelle et Mathieu parcourent, depuis le 20 août, l’est des États-Unis pour aller à la rencontre des électeurs dont l’opinion est rarement entendue. C’est en vélo qu’ils ont décidé d’accomplir cette épopée.
Grâce au réseau Warmshowers (l’équivalent de Couch surfers mais pour cyclistes), ils ont l’occasion de faire des rencontres incroyables! Mais dans le contexte de la profession (le journalisme, pas le cyclisme… quoique…), la pauvreté a joué un grand rôle dans le choix du moyen de transport.
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Comment peut-on voir le pire et le mieux chez l’être humain en peu de temps?
Quand on voit 50 personnes réunies sous un même toit pour fuir un désastre naturel – l’ouragan nommé Matthew. Pas le choix, on voit du beau et on voit du laid. Y’a les gens qui partagent avec un inconnu leur dernière clope – ratatinée, trouvée au fond d’un sac inondé et miraculeusement intacte – simplement parce qu’on est tous dans la merde. Parce qu’on est tous prisonniers de ce sur quoi on n’a littéralement plus aucun contrôle. Parce qu’on a donné les clés du char à mère Nature et qu’elle décidera bien si elle nous « parke » en sécurité ou si elle nous crisse dans le fond du ravin.
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C’est un peu deep ok, je sais. Mais pour ne pas mourir d’ennui dans un abri de la Croix-Rouge sans électricité et sans WiFi, soit tu jases avec les gens, sois tu penses à des affaires. Tu fais les deux en fait, mais à un moment donné, le monde se tanne de jaser; donc tu penses à des affaires.
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Y’a aussi les gens vraiment moches. Pas nécessairement laids, juste moches. Ceux venus se gâter dans les rations de secours et qui chialent parce que c’est fade.
Non mais Tabarnak!
C’est de la saint-ciboire de bouffe d’armée. GRA-fuckin-TIS! Ferme ta gueule ou bien ouvre-là pour manger ce qu’on te donne (DONNE!). Pendant que ton frigidaire à Myrtle Beach flotte dans ton driveway à côté de tes guns et ta TV 26K 3D achetée avec les épargnes pour l’éducation de ta fille de 4 ans.
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Isabelle et moi on dort en camping, chez des gens inconnus, sur des lits ou des futons, sur des matelas gonflables avec des chiens qui jappent ou des bébés qui braillent. Maintenant, quand le gazon d’une église à l’air moelleux, on le remarque. Mettons qu’en termes de confort, on n’a pas la chiâlure tellement verbomotrice. En réalité, on est comme les poupées Toy’s R’Us aux yeux magiques. Tu nous places en position horizontale, puis on dort. Alors quand on nous a su qu’il manquait de lits de camp pour tout le monde, on a été les premiers à céder les nôtres.
Quand les gens sont arrivés avec leurs vêtements mouillés et la broue dans le toupet, gracieuseté de Matthew, on leur a offert nos couvertures de la Croix-Rouge aussi.
C’est juste normal. (Nos mères diront sûrement qu’on est juste bien élevé !)
Quand on entend des gens qui n’ont pas d’allure demander des fruits frais en se levant dans une cafétéria d’école secondaire au plafond qui coule en dix endroits différents, je me dis que l’humanité est vraiment due pour élire une star de téléréalité.
Soit dit en passant : Les gens en situation d’urgence se contre-crissent pour la plupart de la politique. Ça prend bien des vents à 150 km/h pour souffler les opinions au loin. Ce qu’ils veulent, c’est de la nourriture chaude, des vêtements secs et un lit pour dormir. La seule chose qu’un ouragan ne soufflera jamais : la base de la pyramide de Maslow.
On a quand même réussi à avoir quelques discussions intéressantes pendant ce séjour en état d’urgence. Tina, une dame vivant dans sa voiture, avouait que son vote irait à Donald Trump et qu’il faudrait l’apocalypse pour qu’elle change d’idée.
Non, le scandale de l’extrait sonore sur les femmes ne représentait pas l’apocalypse pour elle. Tina s’en fout de ce qu’il a bien pu dire. Pour elle, Trump est un génie et ses propos controversés n’y changeront rien.
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En six jours, cinq nuits, on a aussi l’occasion de voir du beau. Pas du Ryan Gossling ou Scarlett Johansson. Mais pas loin.
On a rencontré une famille qui s’était réfugiée au même endroit. Leur maison n’était pas inondée, mais certains arbres semblaient dangereux, et ils ont décidés de quitter, au cas où. Le genre de personnes sensées là. Des personnes qui prennent de bonnes décisions dans la vie.
Steve et Tonia ont vite réalisé que les bénévoles de la Croix-Rouge couraient en arrière de leurs souliers. Ils ont pris les choses en mains pour aider à garder le refuge décent. Tonia aidait avec l’ordre (sa nature d’ancienne policière revenait au galop) et Steven faisait des relations publiques. Il a, entre autres, dû expliquer à la vieille grébiche qu’elle ne logeait pas dans un Bed and breakfast et que de facto elle n’aurait pas son bol de fraises dans la crème fraîche. Tout en s’excusant d’exister bien entendu.
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Ces deux-là ont aussi passé une nuit au complet à faire du ménage dans la cafétéria où tout le monde était éparpillé. Juste pour aider. Ils ont même pris la peine d’aller chercher de la pizza alors que la nourriture se faisait attendre. Ils ont fourni du café de leur propre petite machine Keurig.
Le tout servit avec des enfants trop bien élevés, gentils et drôles ! Le rêve américain quoi !
Aider pour aider.
La chose là plus extraordinaire, qu’on a su un peu avant de quitter ce havre de paix et de sécurité : la maison de Steve et Tonia n’avait subi aucun dommage, et le courant y était revenu à peine 48 heures après la tempête. La petite famille a passé au refuge environ cinq nuits. Pour les trois dernières, ils restaient juste pour aider. Comme un alcoolique boit sans bonnes raisons, eux ont décidé qu’ils aidaient.
Tonia a aussi avoué qu’elle préférait prolonger son séjour plutôt que de voir ses enfants sur des jeux vidéo pendant ce congé d’école forcé. Secret d’État donc : « toujours pas d’électricité à la maison! ».
Anyways, alors qu’on partait, ils voulaient nous donner toute sorte de cossins. Genre un manteau pis des pantalons. Qu’ils portaient littéralement au moment de les offrir !
Quand on parle de Karma, ceux-là ont une bonne banque.
Nous sommes repartis en faisant des bye bye comme si on quittait le port à bord d’un paquebot pour une destination inconnue.
Pour lire un autre texte de Mathieu Massé: « Deux jambons à vélo sur la route des élections présidentielles: Pennsylvanie ».
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