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Détruire la « bonne » et la « mauvaise » noire
« On m’a arraché mon identité à trop de reprises en me dissimulant à travers l’esclave, le fantasme colonial, (…) l’aide-ménagère ou l’« ebony » de PornHub; (…) la bonne ou la mauvaise noire » clame Candice Zogo, 21 ans, dans un film aussi court que percutant intitulé Telle que tu refuses de me montrer.
La vidéo a été réalisée dans le cadre d’une formation de cyberactivisme, mené par l’ONG Oxfam-Québec en janvier dernier. En un peu moins de trois minutes, Candice y égrène la liste des nombreux clichés qui collent encore à la peau des femmes noires en présentant une série d’extraits de films, de clips musicaux, ou d’animés.
Le cheveu honteux
« L’un des extrais choisis est un épisode du dessin animé Winx, que j’adorais quand j’étais enfant, commente-t-elle. Dedans, on voit une petite fille noire qui participe à un concours de beauté. Elle s’est fait lisser les cheveux. Pour la disqualifier, ses adversaires lui jettent un sort. Ses cheveux se mettent à friser et elle pleure. Je devais avoir 8 ans quand je l’ai vu mais cet épisode m’a marqué, car il y avait là cette idée que les cheveux naturels d’une noire sont laids, honteux. »
«Quand on nous montre, on est soit dans le déclin, soit irréprochables. Où sont les gens entre les deux ?»
Depuis, les choses n’ont pas tant changé selon Candice. Ayant vécu en France métropolitaine et en Guadeloupe, elle apprécie l’ouverture d’esprit qui règne à Montréal, mais estime que beaucoup reste à faire en ce qui concerne la représentation des personnes noires. « Nous sommes plus présents qu’avant dans les médias mais on reste dans la caricature, déplore celle qui étudie en action culturelle à l’UQAM. Quand on nous montre, on est soit dans le déclin, soit irréprochables. Où sont les gens entre les deux ? »
Trouver sa voie
Ces archétypes sont tellement présents qu’ils finissent même par être intériorisés par certaines femmes, regrette Candice.
« En Guadeloupe par exemple, où j’ai longtemps vécu, il y a la figure de la jeune fille dite « shatta », qui est libérée sexuellement, et celle de la mère « potomitan » qui ne vit que pour ses enfants, raconte-t-elle. Beaucoup se font enfermer là-dedans et passent directement de l’un à l’autre. »
Se détacher du poids de ces modèles étouffants et trouver sa propre voie, c’est ce que Candice tente de faire. Notamment en fréquentant les nombreux espaces de réflexion qui existent au sein de la communauté noire de Montréal.
Ces archétypes sont tellement présents qu’ils finissent même par être intériorisés par certaines femmes.
« Dernièrement j’ai participé à l’évènement Black Abundance organisé par le collectif Never Was Average. J’ai trouvé cela intéressant, car c’était une discussion qui n’était pas axée que sur les problèmes et le négatif, ce qui peut parfois être fatigant. Nous avons médité ensemble et parlé de choses comme les moyens de vivre de sa passion. »
L’art toujours
À travers Telle que tu refuses de me montrer, la vidéaste espère elle aussi susciter le débat.
« Peut-être que le risque, c’est de ne toucher que les gens déjà convaincus, s’interroge-t-elle. Si je devais souhaiter une chose pour ce clip, ce serait ça en fait, que l’on sorte de cette bulle-là et qu’on rejoigne des gens qui n’ont jamais réfléchi à la condition des femmes noires. »
Qu’elle atteigne ou non cet objectif, une chose est sûre : Candice poursuivra son engagement de manière artistique.
« Je ne peux pas aborder ces questions autrement, affirme celle qui pratique aussi la photographie et écrit. Ce qui m’intéresse, ce n’est pas de parler au nom de toutes les filles noires, mais de poser un regard qui soit le mien, qui corresponde à mon expérience. C’est pour ça que j’ai choisi l’art. »
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Sept vidéos en tout ont été réalisées dans le cadre de la campagne C’est pour elles aussi d’Oxfam-Québec par de jeunes vidéastes comme Candice. Pour voir tout ça, c’est par ici.
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Camille Garnier est membre de l’équipe Oxfam-Québec