.jpg)
Pensez à un détective privé, pour le fun. Qu’est-ce qui vous vient en tête? Sûrement James Bond. Ou peut-être même Columbo. « Ouin. On imagine souvent un dude en manteau trois-quarts, café à la main, qui suit quelqu’un toute la nuit… On me demande parfois quels gadgets j’utilise! », m’explique en riant Mike Blauman, directeur général du Centre Norvex Investigation & Sécurité situé à Laval. « C’est le plus grand mythe relié au métier! »
Un métier, c’est dit. On a beau se rappeler Les Intrépides avec nostalgie, ne devient pas détective privé n’importe quel petit duo coquin qui veut.
Contrairement à Tom et Julie, il faut suivre une des formations en techniques d’enquête et d’investigation offertes dans plusieurs cégeps. « Pour ensuite pratiquer comme agent, il faut avoir un permis accordé par le Bureau de la sécurité privée, qui a été créé après l’adoption de la Loi de la sécurité privée. » L’organisme d’autoréglementation régit l’industrie de la sécurité privée au Québec dans six secteurs bien définis : l’investigation (bien sûr), mais aussi le gardiennage, la serrurerie, les systèmes électroniques de sécurité, le convoyage de biens de valeur et le service-conseil en sécurité. Quand même large, hein?
Une vocation
On sait déjà qu’il ne faut pas confondre les métiers de policier et d’agent d’investigation. Mais ça prend quelles qualités pour devenir détective privé, au juste? « C’est une profession parfaite pour une personne logique, qui s’intéresse à la psychologie. Il faut savoir se fondre dans la masse, comprendre comment réagit un humain dans les moments de stress… Dans les cours qui flirtent entre la criminologie et la psychologie, on apprend tout sur l’infidélité, le trafic de drogue, etc. J’ai toujours été fasciné par l’humain. Disons que je suis servi! » Il faut aussi savoir être discret. « Mes proches savent ce que je fais. Pour les autres, je dis que je travaille en technologie informatique ou un truc vague! »
Détective privé depuis cinq ans, Mike vient d’ailleurs tout juste de prendre le poste de directeur général au Centre Norvex. « Je m’occupe de rencontrer les gens et de dispatcher les cas à travers notre équipe selon leurs spécialités. Chez nous, tout le monde est à la pige à part quatre analystes sur place. » Enquête préemploi, filature, recherche de données ou d’individus, surveillance… Les services sont nombreux et propres à chaque agent d’investigation. Avec ses limites, of course. « Le but premier, c’est de ne mettre personne en danger. Certains nous demandent d’entrer par effraction à des endroits, de poser des caméras dans un domicile ou d’aller intimider quelqu’un. On s’entend qu’on ne fera jamais ça, c’est illégal! Les gens qui vont jusque-là sont vraiment désespérés. »
Infidélité, impression d’être suivi, enquête sur le passé d’un employé… Il y a autant de cas différents que de personnes qui entrent dans leur bureau.
Si certaines agences travaillent principalement avec des notaires, des avocats et des compagnies d’assurance, le Centre Norvex s’est créé une niche dans les petits dossiers. « On est là pour les gens, pour monsieur et madame Tout-le-Monde. » Infidélité, impression d’être suivi, enquête sur le passé d’un employé… Il y a autant de cas différents que de personnes qui entrent dans leur bureau. Mais comment un doute se transforme-t-il en enquête en bonne et due forme?
*MISE EN SITUATION*
Une femme, appelons-la Monique, pense que son mari la trompe. En panique, elle contacte le Centre Norvex. « On essaie d’abord de comprendre la situation, et surtout, de saisir les intentions de la personne à qui l’on parle. On ne veut pas, bien sûr, que quelqu’un se serve d’informations pour les mauvaises raisons! C’est certain que je demanderais à Monique si elle a déjà des preuves ou des pistes pour nous aider. Ça permet de voir si le doute est valable ou pas. » Elle sera invitée rapidement à un rendez-vous au bureau du Centre Norvex pour découvrir les possibilités. « Tout ça, en lui assurant que tout est confidentiel. On doit prouver notre crédibilité et notre pertinence plusieurs fois plutôt qu’une, disons. » Après une soumission gratuite, le détective part à la quête de preuves si le client désire aller de l’avant.
Sors le cash?
Combien ça coûte, avoir recours à un détective privé? Les agents d’investigation, qui sont la plupart du temps travailleurs autonomes, ont tous un salaire, un horaire et des conditions différentes. Impossible de dresser un portrait type, mais ils gagnent plutôt bien leur vie, selon Mike. « De mon expérience, on peut généralement compter 80$ de l’heure en partant, en plus de frais, 65 sous du kilomètre, le matériel fourni et le voyagement payé. J’ai rarement vu un détective faire en bas de 1000 dollars par semaine. Chez Centre Norvex par contre, on n’a pas de taux horaire. On y va plus au package. » Certains agents seront même payés au contact ou à la mission (oui oui).
Est-ce qu’un détective plus expérimenté peut espérer une meilleure paie? « Pas nécessairement… En 2020, c’est plus une question de branding. L’important, c’est l’accessibilité, la manière de travailler, les outils utilisés et la rapidité. » Alors que le directeur général du Centre Norvex situe le salaire moyen d’un détective privé entre 54 000 et 75 000$ par année, on peut trouver toutes sortes de chiffres. Dans un portrait du métier réalisé par l’Actualité en 2011 par exemple, on parle d’un taux horaire entre 12 et 25 dollars de l’heure. Si on se promène un brin sur les internet, on peut vite constater que les tarifs sont généralement partagés à la demande des clients.
« Si on parle d’extraction de données – comme textos et courriels –, l’analyse de l’activité Facebook et une filature 2-3 soirs semaine, on est dans les 2000$. »
Pour notre fameuse Monique par exemple, ça coûterait combien au Centre Norvex? « On s’adapte à chaque situation. Si on parle d’extraction de données – comme textos et courriels –, l’analyse de l’activité Facebook et une filature 2-3 soirs semaine, on est dans les 2000$. » Et si l’enquête ne donne rien, on rembourse? « Ouin non, ça ne fonctionne pas comme ça malheureusement. Si le travail est fait, il doit être payé! », lance Mike en riant.
Rassure-moi, détective!
Cœur qui doute a besoin d’être rassuré le plus vite possible. Pendant que Mike me jase ça, deux autres téléphones le prouvent en sonnant constamment derrière lui. « Oui, j’ai trois cellulaires! On reçoit une vingtaine d’appels par jour, près de 30 à 40 courriels. Tu te doutes bien qu’on ne fait pas du 9 à 5. En fait, c’est même plutôt tranquille à ces heures. Le gros peak se passe vers 3h du matin. C’est là que les gens commencent à paranoïer. »
Et que les aspects moins jolis de l’humain peuvent ressortir. « Cette job change considérablement mon regard sur le monde. Je trouve parfois ça triste. Quand un dossier se termine, on dit que le cas est résolu. C’est souvent loin d’être le cas pour un client qui voit ses doutes confirmés. »