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Des milliardaires et un sous-marin dirigé par une manette de Xbox : WTF le Titan

On vous explique ce qu’il faut savoir sur l’appareil perdu en mer lors d’une visite des décombres du Titanic.

Par
Billy Eff
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Dimanche matin, un peu moins de deux heures après avoir commencé sa descente vers les décombres sous-marins du Titanic, un petit submersible a perdu contact avec son navire mère. Le Titan, un engin opéré par la compagnie américaine Oceangate Expeditions, est depuis perdu en mer avec, à bord, le capitaine et ses quatre passagers.

On ne sait toujours pas si le Titan est remonté à la surface ou s’il s’est écrasé au fond de l’océan, mais les agences canadiennes, françaises et américaines collaborent étroitement pour retrouver le sous-marin. Plus de 13 000 kilomètres carrés ont été ratissés à date et les Forces canadiennes disent avoir repéré des sons qui devraient permettre aux opérations de rapetisser leur carré de sable.

Mais comment se fait-il qu’un sous-marin non certifié, piloté à l’aide d’une manette de Xbox et rempli de gens fortunés ait pu se perdre? Et surtout, pourrait-on parvenir à sauver l’équipage, même si le sous-marin est retrouvé? On vous explique!

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Un sous-marin DIY

Le Titan est un submersible en fibre de carbone et en titane qui est « plus léger et plus économique à mobiliser que tout autre submersible de plongée profonde », selon OceanGate. « L’utilisation de composants disponibles en grande surface a permis de simplifier la construction et de faciliter le fonctionnement et le remplacement des pièces sur le terrain. »

Il peut plonger jusqu’à 4 000 mètres de profondeur et a été utilisé lors de plusieurs expéditions pour transporter cinq membres d’équipage jusqu’à l’épave du Titanic située à 3 800 mètres, selon l’entreprise. Ses dimensions sont de 6,7 mètres de long, 2,8 mètres de large et 2,5 mètres de haut pour environ 10 000 kilogrammes, et il peut transporter une charge utile de 685 kilogrammes.

La différence entre un sous-marin et un submersible est que ces derniers n’ont pas assez d’énergie pour pouvoir quitter le port ou s’amarrer sans l’aide d’un navire mère.

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Mais plein d’autres choses font du Titan un submersible spécial. Premièrement, il n’est pas certifié par une organisation comme Transport Canada. Deuxièmement, il est construit d’une part avec des matériaux de pointe et il a été conçu avec l’aide de Boeing et de la NASA, mais aussi avec des choses que vous avez probablement chez vous, comme des lumières du Home Depot. Et, fait qui étonne plusieurs personnes, il est piloté à l’aide d’une manette de Xbox de marque Logitech. Ça semble farfelu, mais même l’armée américaine en utilise sur des sous-marins de guerre, car ces manettes sont entre autres durables, peu chères et surtout intuitives pour les jeunes recrues.

C’est aussi le moment de vous rappeler que ce genre d’expéditions ne relève pas de la même expérience qu’une compagnie aérienne ou un manufacturier automobile : chaque expédition est différente et inédite.

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Les dangers sont donc nombreux. Un peu comme le tourisme spatial, tout peut arriver.

Ce submersible reste donc de nature expérimentale et malgré les nombreux briefings quotidiens et mesures de sécurité mises en place pour encadrer une expédition aussi périlleuse, les passagers doivent signer une (très longue) décharge indiquant qu’ils comprennent que l’appareil « n’a pas été approuvé ou certifié par un organisme de réglementation et […] pourrait entraîner des blessures physiques, des handicaps, des traumatismes émotionnels ou la mort ».

Ce qui cause cette course contre la montre pour retrouver le submersible est que, à l’heure de publier ce texte, il reste dans le meilleur des cas un peu moins de 24 heures d’oxygène aux passagers.

Qu’est-ce qui aurait pu arriver?

Si vous vous rappelez de vos cours de science, vous savez que sous l’eau, la pression atmosphérique est énorme. On suppose donc simplement que la coque de l’engin a cédé sous la pression et si c’est le cas, on peut déduire sans trop de chance de se tromper que l’équipage n’a pas survécu, surtout à plus de 9 000 pieds sous l’eau. Même la plupart des vaisseaux militaires ne s’aventurent pas à cette profondeur.

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En tout cas, selon la plupart des experts, si l’équipage est vivant, il n’y a que deux options : soit le submersible est remonté à la surface grâce à l’un de ses six systèmes de remontée, soit il est dans les fonds marins, immobile. Autre explication possible : il se peut qu’en essayant de s’approcher trop près du Titanic, l’appareil se soit coincé dans les décombres.

Même si l’appareil est retrouvé, rien ne garantit que l’on serait capable d’extirper l’équipage.

En entrevue avec Sky News, un expert a rapporté que « ce genre d’opération ne se fait pas en 48 heures », ajoutant que cela prendrait normalement plus d’un an à assembler. Si l’engin est au bas fond de l’océan, l’équipe de sauvetage n’aura qu’une seule chance de les ramener jusqu’à la surface. Et dans l’hypothèse où il serait près des décombres du Titanic, soit à plus de 13 000 pieds sous l’eau, cela en ferait l’opération de sauvetage la plus profonde jamais effectuée.

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De plus, même si le Titan remontait à la surface, l’équipage ne pourrait s’en extirper seul : la porte est scellée à l’aide de 17 boulons. Les dirigeants de l’opération jointe internationale attendent toutefois cet après-midi un appareil français équipé d’un robot sous-marin.

David Marquet, un ancien capitaine de sous-marin, expliquait à NPR qu’il fallait « s’imaginer un vaisseau spatial qui aurait disparu sur la face cachée de la Lune. A) il faut le trouver. B) il faut s’y rendre. Même lorsqu’on arrive à le joindre, il faut trouver un moyen de sortir l’équipage de manière sécuritaire ».

Mais qui a un quart de million de dollars à dépenser sur une telle expédition?

Pour la plupart, les gens à bord du vaisseau n’en sont pas à leur premier barbecue!

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On retrouve notamment au sein de l’équipage le milliardaire britannique Hamish Harding, un concessionnaire de jets privés à Dubaï qui compte parmi ses clients des entreprises du Fortune 100, des célébrités, des athlètes et même des dirigeants d’État. Harding est un explorateur aguerri qui, l’an dernier, a entre autres visité l’espace grâce à la mission Blue Origin de Jeff Bezos. Il détient aussi les records du monde de la plus longue distance parcourue et du temps le plus long passé au fond de l’océan, dans un autre engin.

On compte aussi parmi les passagers du Titan un autre milliardaire britannique, Shahzad Dawood, ainsi que son fils de 18 ans, Suleman. La famille Dawood est l’une des plus riches du Pakistan. Selon la presse britannique, la famille était en voyage au Canada depuis ces derniers mois.

Paul-Henry Nargeolet, un expert mondial que l’on surnomme « Monsieur Titanic », a visité les décombres de nombreuses fois et dirige même la compagnie qui en est propriétaire! Ancien marin de l’armée française, son expertise à bord de l’appareil devrait rassurer les autres passagers.

« Quand vous êtes en eaux très profondes, vous êtes morts avant même d’avoir réalisé que quelque chose se passait, donc ce n’est simplement pas un problème », disait-il de ses expéditions périlleuses, en 2019.

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Finalement, on retrouve le capitaine du Titan et fondateur de Oceangate Expeditions, Stockton Rush. Selon la biographie sur le site de sa compagnie, Rush serait un prodige de l’aéronautique. Devenu pilote de combat à l’âge de 19 ans, il a bâti son propre avion expérimental et s’est lancé plus tard dans la construction de son premier submersible avec lequel il a mené plus de 30 expéditions. Il a aussi été, dans le passé, dans le comité exécutif de l’entreprise technologique Entomo et de Remote Control Technology, dont les clients incluent Exxon et Boeing. C’est lui qui a entre autres conçu le Titan et qui en est le capitaine principal.

Au moment de publier cet article, la mission jointe internationale travaille à tenter de trianguler la position du Titan grâce à des sonars, des bouées équipées de micros et des avions spécialisés. L’armée canadienne affirme avoir détecté des sons, plus précisément des coups contre une surface, à des intervalles réguliers. Cela pourrait être le résultat de l’entraînement militaire de Paul-Henry Nargeolet qui connaît les protocoles dans de telles situations.

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Si les chances de les retrouver semblent bonnes, le temps file et la probabilité de survie des passagers du Titan s’amincit d’heure en heure.