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Des couples mariés qui n’habitent pas ensemble
Loin des yeux, loin du cœur? Ça n’est pas le cas pour Sylvain et Natacha, un couple marié depuis déjà sept ans. Non seulement les tourtereaux font chambre à part, mais deux ponts et des dizaines de kilomètres les séparent. Et pour eux, c’est très bien ainsi!
C’est le travail qui a réuni Sylvain et Natacha, qui dirigent une station de télévision communautaire dans leurs régions respectives – en Montérégie et dans les Laurentides.
Après un certain temps à se fréquenter, la question d’emménager ensemble s’est évidemment posée. Mais quel nid choisir?
« C’est sûr que financièrement, ça fait plus de sens de vivre ensemble, mais on était deux personnes qui trippaient sur leur job, chacun sur leur rive, relate Natacha. Moi, je n’allais jamais lâcher ma job pour aller vivre avec un gars! Et c’était pareil pour Sylvain. »
Le couple a envisagé des solutions mitoyennes, comme Boucherville, Pointe-aux-Trembles ou Charlemagne. Le compromis semblait impossible, chacun s’étant bien enraciné dans son milieu, où vivaient aussi leur famille et amis respectifs.
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Le constat s’est imposé. « On a réalisé qu’on allait se rendre malheureux à vouloir vivre ensemble, parce qu’on devrait tous les deux quitter notre confort. On a compris qu’on allait s’aimer pareil, mais qu’on resterait chacun sur notre rive », explique Natacha, 48 ans.
« C’est comme si on avait gardé nos habitudes de vieux garçon et de vieille fille tout en étant un couple. Le meilleur des deux mondes! », illustre Sylvain, 59 ans, qui se plaît à dire qu’il est « au chalet » lorsqu’il séjourne chez son épouse.
Le couple vit sa propre garde partagée. « On a convenu ensemble de passer une fin de semaine sur deux chez l’autre, et d’être équitables », indique l’heureux époux.
Allô la lune de miel!
Le couple, fiancé de longue date, a choisi de se marier quelques semaines après avoir appris le diagnostic terminal du père de Natacha. « Il avait mené mes deux sœurs aînées à l’autel, et je rêvais qu’il fasse la même chose à mon mariage », confie-t-elle.
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Mais comme le duo ne semble rien faire comme les autres, la routine habituelle a repris le dessus au lendemain de la célébration de leur union, un beau samedi d’octobre.
« En sortant de l’hôtel, le dimanche, on s’est séparé les cupcakes qu’il restait, on s’est embrassés, et on est retournés chacun chez nous pour le reste de la semaine », détaille Natacha.
Une décision pensée et repensée
La pandémie a ramené le débat au sein du couple. « J’étouffais dans mon condo, je voulais vendre, raconte Natacha. On en a reparlé. »
Mais les ambitions politiques de Sylvain – élu à la mairie de Saint-Mathias-sur-Richelieu en novembre 2021, ont à nouveau rendu le concubinage impossible.
Natacha a donc vendu son condo pour s’acheter une maison. Avec le recul, elle convient que c’était la bonne décision à prendre.
« On n’a pas du tout réagi de la même manière à la pandémie, explique-t-elle. Si on avait habité ensemble à ce moment-là, on serait peut-être séparés aujourd’hui. »
« On se parle tous les jours, renchérit Sylvain. Qu’on fasse le même travail, ça fait en sorte qu’on comprend la réalité de l’autre. »
La deuxième moitié de l’automne est d’ailleurs une période fort occupée pour le couple, qui se fait alors la promesse de « s’aimer plus à Noël » pour compenser.
Unis, sans le nid
Patricia et Amine filent pour leur part le parfait amour depuis plus de six ans après avoir fait connaissance via un site de rencontres. Les quinquagénaires ont convenu de ne pas emménager ensemble, chacun étant bien enraciné dans son quartier respectif, à Montréal.
« J’habite un quatre et demi dans ma coop d’habitation depuis près de 14 ans, et cette communauté est très importante pour moi », confie Patricia, qui a quitté son Manitoba natal pour se nicher dans Rosemont.
À ses yeux, il est possible de vivre une relation épanouie sans sacrifier son indépendance ou son espace vital.
À la suite d’un divorce, Amine a vendu la maison familiale. Son fils adulte et lui ont emménagé chez Patricia pendant quatre mois, le temps qu’il trouve un appartement. Le couple avait jugé plus sage de ne pas vivre ensemble si tôt dans leur relation.
« Et puis, Ahunstic, c’est l’endroit où je travaille depuis 12 ans. J’aime le quartier », confie-t-il.
Un choix qui n’a même pas été remis en question lorsqu’en 2021, le couple a décidé de se marier.
« On est bien ensemble, mais on a chacun notre façon de vivre, de gérer nos affaires », confie Amine.
Tous deux se voient lorsqu’ils en ont envie. Ils passent leurs fins de semaine ensemble, font des voyages et vivent une vie bien remplie.
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Photo courtoisie.
L’entrevue a d’ailleurs eu lieu un vendredi soir, alors que les tourtereaux se retrouvent pour partager une bouteille de vin.
« Les gens ne comprennent pas pourquoi on a décidé de se marier si ce n’est pas pour habiter ensemble, soulève Patricia. Mais pour nous, c’est une évidence… On s’est mariés justement parce qu’on n’habitait pas ensemble! »
Chacun fait comme il veut
Les couples mariés qui font sciemment le choix de ne pas vivre ensemble demeurent rares, même s’ils sont plus nombreux qu’autrefois, relève Jacques Mercier, thérapeute conjugal et familial et psychothérapeute.
La carrière est souvent un facteur qui pèse lourd dans cette décision. « On le voit chez les couples plus jeunes, quand ils travaillent à des endroits différents et qu’un des deux – ou les deux – ne veulent pas faire ce sacrifice, illustre-t-il. Ils veulent garder leur autonomie, ne pas se sentir coincés. »
Est-ce là une certaine crainte de l’engagement? Pas nécessairement, estime M. Mercier. « Se marier, c’est officialiser le choix de notre union, le désir de l’un et l’autre et de faire une vie ensemble », rappelle-t-il.
« En général, le mariage est suivi du désir d’avoir des enfants, mais on peut comprendre que s’il n’y en a pas dans l’équation, le fait de vivre ensemble est moins important », poursuit le thérapeute.
Selon son expérience, ce sont les personnes plus âgées, qui ont déjà vécu une situation de cohabitation au sein d’une relation à long terme, qui préfèrent maintenir leur indépendance.
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Photo courtoisie.
Jacques Mercier rappelle qu’une distance géographique et physique ne signifie pas du tout qu’il y a une distance émotive entre les partenaires. « Les couples qui vivent séparément ne sont pas moins amoureux, nuance-t-il. Il y a même dans cette décision le fait qu’on doive témoigner de notre désir envers l’autre. La routine pèse moins lourd. »
Finalement, est-ce que le fait de vivre séparément nécessite plus d’efforts pour être heureux en couple?
La question fait rire le psychothérapeute. « Vivre ensemble, ça, ça demande beaucoup de travail! » lâche-t-il avec humour.