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Dérouler l’étendue du tapis de mes privilèges

C’est un peu notre devoir collectif d’être attentif aux difficultés inhérentes (et parfois fucking tragiques) qui viennent avec les ingrédients qui nous composent à la naissance.

Par
Léa Stréliski
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J’ai 35 ans et je considère que j’ai vécu une vie en n’étant pas raciste. Genre, si tu me demandes s’il y a une différence de valeur entre la vie de quelqu’un qui a la peau brune et quelqu’un qui a la peau blanche, je vais pouvoir te répondre avec la certitude que non, y a pas de différence.

Parce qu’aucune vie n’a de valeur (je niaise).

Je suis pas raciste, MAIS. Mais ce que j’avais pas mesuré c’était l’ampleur de mes privilèges. Ben oui, comme tout le monde j’ai eu des parents qui ont dû me dire, « Léa finis ton assiette, il y a des enfants en Afrique qui mangent pas ». Et je me suis fait une image d’enfants pauvres calquées sur les téléthons des années 80, mélangée à ceux sur la boîte UNICEF qu’on me faisait trimballer à l’Halloween. Je savais qu’on était riches par rapport à des gens qui ont pas à manger, mais étant enfant je pensais aussi que les gens les plus riches du monde étaient les chauffeurs de taxi parce que je voyais la grosse liasse d’argent qu’ils avaient quand ma mère payait.

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Donc ma notion de l’argent et des privilèges était naïve. Mais ben pluuuuusssss longtemps que je pensais! Ça me saute au visage ces temps-ci. Parce que beaucoup de choses circulent sur le sujet, mais aussi parce que Trump éclaire les bas fonds de l’Amérique. Et ce qui en sort est dégoûtant : le racisme et la croyance que « c’est notre droit de piétiner les autres pour s’élever » est à peine cachée. Ça fait partie du American dream! À la guerre comme à la guerre! Business is business!

Familly Matters, souviens-toi, c’était le show avec Steve Urkel. Le nerd qui riait par le nez. Et était amoureux de Laura. Ça, c’était mon souvenir. Mais en vrai c’était aussi un show à propos d’une famille noire, un show qui avait ben plus d’intrigues qui tournaient autour du racisme et de la réalité d’être noir dans les années 90.

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J’ai l’impression qu’il y a vraiment beaucoup de gens qui pensent que si t’es dans la merde, c’est de ta faute. Si tu te fais gunner par la police et t’es Noir, ben c’est parce que tu vis pas dans le bon quartier. Et si t’es noir, t’as vaguement une dette envers quelqu’un de blanc parce que genre il a donné une job à tes ancêtres dans un champ? Y a comme cette notion qui est pas loin qui dit en gros, « Ben, si les Blancs réussissent mieux que les Noirs, sont juste meilleurs ». Et plus que ça, y a même la notion que les Noirs devraient semi remercier les Blancs et être contents de leur sort, du privilège qu’on les laisse vivre en Amérique genre. WTF? Sois content, toi, le Noir qui joue au football, c’est grâce aux Blancs si la société est érigée et tu as le droit de pratiquer ce sport. Pour vrai. WHAT. THE. FUCK.

Mais pour en revenir à mes privilèges, ce que j’avais pas vu, c’est ma naïveté. Je savais que j’avais de la chance, mais ça m’a sauté au visage en regardant un extrait de Familly Matters qui circulait sur Twitter où il était question du racisme d’un policier blanc envers un jeune noir. Familly Matters, souviens-toi, c’était le show avec Steve Urkel. Le nerd qui riait par le nez. Et était amoureux de Laura. Ça, c’était mon souvenir. Mais en vrai c’était aussi un show à propos d’une famille noire, un show qui avait ben plus d’intrigues qui tournaient autour du racisme et de la réalité d’être noir dans les années 90. Et moi, J’ai JAMAIS vu ça aller. Et c’est ça le privilège. C’est non seulement d’ignorer les difficultés auxquelles les autres font face, mais que ça puisse carrément pas faire partie de ta réalité. Du tout.

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Alors si on veut se concentrer sur le progrès, oui, je regardais ce show-là en ne remarquant pas que les gens étaient noirs, dans le sens que je m’en crissais, ça faisait pas de différence. MAIS, t’as beau savoir qu’une couleur de peau fait pas de différence, y en reste pas moins que c’est un peu notre devoir collectif d’être attentif aux difficultés inhérentes (et parfois fucking tragiques) qui viennent avec les ingrédients qui nous composent à la naissance.