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Vivre en société, je trouve ça agréable et pratique. Sauf dans le métro. Trop souvent, quand je m’assois sur un banc à deux places, je me ramasse à côté d’un homme qui fait la split pour avoir la fourche bien libre. Pendant ce temps-là, je me croise les jambes pour lui laisser toute la place. Et je ne parle pas de me croiser les jambes avec confort et élégance. Je veux dire : me croiser les jambes à en avoir le pubis engourdi.
Et ça, c’est quand on ne m’éjacule pas dessus…
Parce que oui, c’est déjà arrivé.
Il faisait chaud, le wagon sentait pareil comme les toilettes d’un camp de jour et je n’étais pas d’humeur à jaser. Le Monsieur assis sur le banc à côté du mien portait un canotier et une chemise hawaïenne. Il ressemblait à Rémy Girard dans La Florida, avec un petit plus : une cicatrice gondolée traversait son visage de l’œil gauche à la joue droite. Il avait l’air fiable. Et il avait clairement besoin de communiquer.
Il me demandait l’heure, commentait la météo et ma mine fatiguée. Je répondais à moitié, en le fixant dans les yeux avec un air de plus en plus bête. Il persistait. Je n’avais plus le choix, je devais absolument feindre une sieste.
Scoop : le métro ne nous rend pas toutes narcoleptiques. Des fois, faire semblant de dormir est la seule échappatoire qu’on trouve à la lourdeur. Et si je me fie au nombre de fausses dormeuses que je croise quotidiennement, il y a une pas pire gang de lourds sur la ligne verte.
Cinq minutes plus tard, bien concentrée à ne pas trop bouger mes pupilles sous mes paupi ères closes (parce que le sommeil profond est le stade que je préfère mimer), Rémy-Girard-balafré a posé ses lèvres sur mon oreille en murmurant “merci de me laisser faire”.
J’ai ouvert les yeux, je lui ai demandé de quoi il parlait.
Fier, il a pointé son pénis. Il était couvert de sperme et posé nonchalamment sur ma jupe.
Deux ans plus tard, je trouve encore la suite étrange. Je dois être la politesse incarnée, parce que je me suis levée et j’ai crié :
“Vous êtes un esti de dégueulasse, Monsieur!”
J’ai vouvoyé un dude qui, pour passer le temps, préfère les rides de métro masturbatoires aux marathons Netflix.
Le plus drôle, c’est que, la graine mouillée et à l’air, il m’a répondu qu’il n’était pas du tout dégueulasse. Man. Si tu considères que te crosser sur une inconnue dans un wagon de métro n’est même pas un peu dégueulasse, tu ne dois pas être le genre qui fait le saut quand quelqu’un met de la mayo sur sa poutine…
Pour faire une histoire courte, il est sorti à la station suivante. Je ne l’ai pas suivi. Je l’ai croisé le lendemain. Il habite à un coin de rue du mien. C’est un voisin.
J’ai porté plainte. Un policier, sans doute rempli de bonnes intentions, m’a dit que la prochaine fois, je ferais mieux de changer de wagon avant qu’un fou me montre son pen’: “On sent ces choses-là, il faut écouter notre intuition et bouger quand on sent venir le danger”.
Reste que ça laisse des séquelles:
Depuis que mon voisin m’a éjaculé dessus dans le métro :
- Je ne regarde plus mes interlocuteurs dans les yeux. Je fixe leur sexe pour être certaine qu’il n’est pas à l’air.
- Quand un monsieur me montre son pénis dans le transport en commun, je l’applaudis en criant : “Oh, c’est très original ! Vous êtes si unique!”.
- J’essaie d’apprivoiser mon intuition avec l’archange métatron.
- Je me dis que l’égalité des sexes sera véritable le jour où, à l’idée de me voir m’y masturber, un homme craindra de prendre le métro.