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Depuis que je suis allée à un party de F1

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– J’espère que Laurie d’Occupation double va être là. Tsé, la blonde à Justin Bieber?
– Pourquoi elle serait là?
– Ben, elle travaille au Buonanotte.
– … Donc elle est nécessairement là le mardi soir?
– Laisse mes rêves tranquilles, ok?
– Ok.

Celui qui rêve de voir Laurie Doucet, c’est FO, mon collègue. Directeur technique d’URBANIA, il a été le premier à crier : “JE VEUX Y ALLER!” quand j’ai lancé, dans l’aire ouverte du bureau : “Why the fuck vient-on de m’inviter au party de prélancement de la Formule 1?”

Devant son enthousiasme, je n’ai eu d’autre choix que de confirmer ma présence au fameux restaurant Buonanotte, une institution montréalaise pour fans de jet-set, de généreuses poitrines et de pastagate.

Sans grande surprise, vous apprendrez que je n’ai jamais mis les pieds dans ledit resto. Depuis que PK Subban refuse de répondre à mes messages textes, je comprends que je ne fais partie ni de la bourgeoisie montréalaise, ni de la catégorie de gens à qui les sportifs en vue accordent de l’attention.

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Sauf que je recule rarement devant une invitation intrigante. Aussi, je suis très sensible aux “t’es pas game” et le comptable du bureau m’a mise au défi de tester une solide pick-up line auprès de la gent masculine : “Tu sais ce qui va plus vite qu’une F1? Moi quand tu vas me texter tantôt.”

J’ai une mission à accomplir.

En ce beau mardi, je marche donc d’un pas assuré vers la rue St-Laurent, accompagnée d’un FO fébrile.

Un flamboyant départ

Constat #1 : si un événement commence à 17h, dans le cadre de la F1, arriver à 17h45 n’est pas suffisamment fashionably late. En d’autres mots, il n’y a pas un chat au Buonanotte. En panique, on poursuit notre chemin sans y entrer. On prend le temps de se poser pas loin et d’établir un plan. J’ai peur que le petit drapeau du Canada, que j’ai péniblement travesti en drapeau de la F1, ne me serve finalement à rien.

Mon drapeau
Mon drapeau
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Après une courte discussion, on se met d’accord : faut entrer quand même. Le décor commence à peine à être installé; on est clairement là trop tôt. Pour passer le temps, je pose devant beaucoup de champagne. Notons que je suis menstruée et un peu fatiguée.

Je suis une fun partenaire de fête.
Je suis une fun partenaire de fête.

On s’installe ensuite au bar. FO est inquiet de son accoutrement. Entouré de quelques hommes en complet, j’avoue qu’il détonne avec son t-shirt et ses pantalons harem. Gabrielle, notre sympathique et sculpturale serveuse, ne semble pas très impressionnée. Pour entamer la discussion, je lui montre une photo de Catherine Ethier en lui demandant si elle aimerait l’avoir pour collègue.

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C’est que notre collaboratrice a déjà tenté de décrocher un poste au Buonanotte, mais qu’elle était supposément trop moche pour y travailler. Je souhaite savoir si les choses ont changé. J’enquête.

Gabrielle est sceptique. Elle refuse de poser un jugement sur la compétence d’une potentielle serveuse en ne se basant que sur des photos. C’est tout à son honneur. Elle finira tout de même par me dire : “Tu peux encourager ton amie à ramener son CV, on va le considérer.” Go, Catherine. GO!

Un rêve se réalise

Ça fait dix minutes qu’on est arrivés quand le siège à côté de FO se remplit… Et qui y pose son fessier?
Laurie Doucet!

En congé ce soir-là, elle a simplement décidé de prendre un verre, seule, au bar. Pas vraiment seule en fait, parce que Chica, tout petit animal, repose sur ses genoux.

Laurie Doucet et Chica
Laurie Doucet et Chica
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FO et moi nous fixons en silence. La vie nous offre un cadeau. Nous peinons à y croire. Mon collègue finit par glisser, entre ses dents : “Je vais aller aux toilettes, faut que tu en profites pour lui parler.”

Il se lève, je me lance.

– Faque, la F1, c’est ici que ça se passe, hein?
– Oui, parce qu’on est réputés pour notre service impeccable depuis 25 ans. On est préparés. Ici, les serveuses sont compétentes, bien habillées et en forme. On vous sert en talons hauts.
– Ce n’est pas un peu chiant, travailler obligatoirement en talons?
– Ça ne me dérange pas. Ça me donne une bonne allure. Les clients viennent aussi ici parce qu’on reçoit souvent des gens connus. Les gens viennent pour voir les belles serveuses et peut-être croiser Drake, Rihanna ou encore Justin Bieber.
– Si les clients viennent pour voir de belles femmes, j’imagine qu’ils doivent être insistants, des fois…
– Pas vraiment! Je vais être honnête : on est habituées de se faire aborder, mais ici on se fait prendre au sérieux. On ne se fait pas taper les fesses ou manquer de respect. Les compliments qu’on nous fait sont de bons goûts et bien reçus.
– Et les serveurs masculins, ils s’en tirent comment, eux?
– Y’en a rien qu’un.

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FO revient et se fait immédiatement apostropher par Laurie : “J’ai demandé à une amie de me prendre en photo, mais j’aime pas le résultat. T’es-tu bon là-dedans?” Il n’en faut pas plus pour que le directeur technique d’URBANIA se lance dans un photoshoot transcendant.

FO en action.
FO en action.
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FO a été à la hauteur des attentes de Laurie, son cliché se rendant sur le compte Instragram de la jeune femme.

Bourgeoisie, poésie et déception

Depuis notre arrivée, la salle s’est légèrement remplie. Je me lève pour sonder la population. Je m’accroche les pieds en jasant avec un homme étonnant qui m’apprend notamment que :

– La bourgeoisie montréalaise n’est plus ce qu’elle était. Elle est beaucoup plus pauvre qu’auparavant : “Il y a quelques années, la Buonanotte était toujours pleine. Il y avait au moins six Ferrari devant la place. En ce moment, il n’y en a qu’une. Et elle est discrète.”

– La pauvreté de notre bourgeoisie s’explique par un mouvement de la richesse : “Depuis la Commission Charbonneau, la mafia est partie vers Toronto et l’Alberta.”

– Et, étonnamment, le départ de cette mafia aurait un impact sur la qualité des discussions spontanées de partys de Formule 1 : “Depuis, on croise beaucoup moins de femmes de carrière. C’est comme si tout était maintenant basé sur le look. On ne croise plus beaucoup de femmes avec des diplômes. C’est moins stimulant.”

Perturbée, je vais retrouver FO, qui est toujours au bar.

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Je lui pointe une grande toile d’Émile Nelligan en lui faisant part de ma surprise. C’est quand même une décoration étonnante dans le cadre de la F1! J’ai toujours su qu’on pouvait être à la fois amateur de véhicules bruyants et de vers, mais je n’avais jamais imaginé que les plus grands fans de F1 aimaient se réunir devant le mélancolique visage d’un jeune prodige des mots. Mes préjugés sont en train de tomber. Si je croise un micro, je l’empoigne pour déclamer Le vaisseau d’or. Le Buonanotte en pleurera de joie. Je frissonne.

Émile Nelligan et son monosourcil.
Émile Nelligan et son monosourcil.
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Étant attendue ailleurs, je propose une dernière discussion avant de quitter. FO accepte. On se dirige vers le groupe le plus près de la toile du poète, composé de jeunes femmes joliment vêtues et de jeunes hommes sur leur 31.

– Bonjour! J’écris un article sur la soirée, je peux vous poser quelques questions?
– Bien sûr!
– Pourquoi avoir choisi de célébrer la F1 au Buonanotte, ce soir?
– La F1? Nous, on est ici pour notre graduation.

C’est à ce moment que mes rêves poétiques s’effondrent. Émile, il est pour eux.

Mal à l’aise, je rejoins mon collègue et jette un dernier regard sur les ballons que le staff est en train de poser au plafond. Ballons sous lesquels défileront bientôt pilotes, vedettes, jolies femmes et clients respectueux. Malheureusement, je n’arrive pas à tester ma délicieuse pick-up line, ne croisant que quelques hommes dont je n’ose pas assumer les préférences amoureuses. De toute façon, les gens sont globalement occupés à se nourrir et à regarder ceux qui les entourent en se demandant s’il s’agit de personnalités connues ou non (ou bien de gradués).

Ciao, Buonanotte! T’es probablement le fun, passé 19h30.

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