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Depuis que je ne suis pas assez cochonne pour les danseuses

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Il faisait vraiment chaud. J’étais avec une amie, on venait de boire pas mal de vin et on était résolument déterminées à se baigner. C’était un problème : étant donnée l’heure tardive, toutes les piscines publiques étaient fermées (anyways, je ne me baigne jamais là-dedans; c’est plein de plasters et ça sent le pieds-mains-bouche). Flash de génie : le toit de l’hôtel de la Montagne!

– C’pas un peu lame?
– On s’en crisse.

Quand on est arrivées là, tout le monde portait du blanc (j’ose imaginer que ce n’était pas le résultat d’un heureux hasard, mais une soirée thématique du genre mets un kit qui mettra en valeur tes aisselles en sueur). Malgré la canicule, il n’y avait pas la moindre personne dans la piscine. Mon amie – appelons-la Stacy – est directement allée voir le barman. Elle lui a demandé de mettre nos sacs derrière le bar, a enlevé son linge et s’est garrochée dans l’eau en faisant une monumentale bombe. C’est que Stacy, en plus d’être une personne extraordinaire, a un beau passé de mannequinat. On ne lui refuse pas grand-chose. Et c’est tant mieux. On a donc passé la soirée à arroser du monde en étant trop bruyantes, et ce, sans se faire réprimander. Faut savoir en profiter.

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Quand on a quitté l’établissement, cheveux mouillés, corps un peu pacté et brassière dans notre sacoche, on pensait honnêtement prendre le métro. C’était avant que le bar de danseuses « Downtown » n’attire mon œil.

– Je ne suis jamais allée aux danseuses.
– Moi non plus.
– Est-ce que je peux être féministe et quand même vouloir voir de quoi ça a l’air?

À l’époque, je prenais des cours de pôle fitness. (C’est un sport, ok?) Je voulais juger la routine des danseuses, leur voler des tricks et les admirer en action, ça fait qu’on a choisi la table la plus près du stage. On était les deux seules clientes de la place. Autour de nous, des groupes d’hommes jasaient en accordant étonnamment peu d’attention aux femmes et à leur g-string fluo.

Les trois premières qui sont montées sur scène n’ont à peu près rien fait avec la pôle. J’étais déçue. J’ai demandé à la barmaid si c’était toujours comme ça.

– Non. À soir, vous êtes tombées sur une batch de paresseuses.

Elle se trompait, parce que la quatrième nous a fait une routine digne d’une circassienne en ovulation. Elle volait! Alors que la majorité des clients s’en foutaient, j’applaudissais ses moindres mouvements, communiquant mon enthousiasme à coups de « bravo! ». Elle était contente.

Notre passion commune nous réunissait.

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En théorie, j’avais vu ce que je voulais, j’aurais dû passer à autre chose. Mais tant qu’à être là, je me suis dit qu’on devait absolument se faire faire une danse. Stacy était partante. On s’est consultées : on avait toutes les deux un faible pour une belle grande brune qui ressemblait beaucoup à Pocahontas.

(Il y en a qui disent que les films de Disney, remplis d’idéaux qu’on ne saura jamais atteindre, ruinent la vie sentimentale des jeunes filles. Notons que si c’est vrai pour celles qui grandissent en attendant leur prince charmant, c’est aussi vrai pour celles qui finissent par vouloir voir les seins du sosie de Pocahontas…)

On a pris notre courage à deux mains et on a osé demander une danse à la jeune femme. Son enthousiasme était très moyen, mais elle a tout de même accepté de nous trainer dans un isoloir.

– Ça va être 20$, comme vous êtes deux. Vous pouvez me toucher avec vos mains, mais pas votre bouche.
– Hein? Te toucher? Ben voyons donc! Pourquoi on ferait ça?
– … Parce que c’est une danse?
– Justement. Pourquoi on te toucherait?
– Ça s’appelle une « danse contact », les filles.
– Haaaaa! C’est pour ça?
– (Soupir)

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Vous avez probablement rarement vu deux filles aussi mal à l’aise. Pocahontas dansait en nous posant des questions sur notre quotidien. On répondait par des monosyllabes en espérant que la toune de Pitbull finisse au plus sacrant. Devant notre candeur, la danseuse a entrepris de poser nos mains sur ses seins. Je lui ai fait remarquer qu’ils étaient très lourds. Elle nous a parlé de sa chirurgie.

Et elle nous a montré sa cicatrice.

– Wow! Ça ne paraît presque pas. Hein, Stacy?
– C’est vrai. Super subtil.
– C’est Stacy, ton nom? Me semblait aussi. On était dans la même agence de mannequins, toi et moi…
– …
– En tout cas. J’ai déjà vu du monde plus « dans le mood» que vous autres, les filles.

C’est de même que ça s’est terminé. Par un reproche : on n’était pas assez cochonnes pour la danseuse qui s’offrait le corps. J’ai trouvé ça dur. Je me suis sentie mal de ne pas l’avoir honorée comme elle s’y attendait. J’ai eu l’impression de l’avoir déçue.

Je suis une mauvaise consommatrice de divertissement sexuel.

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J’ai quitté le Downtown et je suis rentrée chez moi la queue entre les jambes. Pour éviter une telle expérience à toutes celles qui, dans un état légèrement altéré, aurait l’idée de se faire faire une danse contact : ÇA VEUT DIRE QU’IL FAUT TOUCHER LE MONDE.

Pis moi, toucher le monde, je ne trouve pas ça très poli.
Scusez, Madame Pocahontas.
Je ne le ferai plus.

Depuis qu’une danseuse m’a reproché de ne pas être assez cochonne…

  • J’imite « les paresseuses » que j’ai vues en action. Ça consiste à prendre un air blasé (je les comprends!) et à faire un petit squat en fixant mon chum. Niveau excitation, je donne 2 /10 sur l’échelle de l’efficacité.
  • Je me dis que si ma carrière chez Urbania prend le bord, je pourrai toujours faire des shows de pôle… J’en clancherais quelques-unes. Juste moins au niveau du buste. Et du reste aussi.
  • Toute chanson de Pitbull me plonge instantanément dans un état d’angoisse.
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