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Depuis que je consulte des voyantes, des médiums et des shamans

L'avenir, cette chose stressante.

Par
Rose-Aimée Automne T. Morin
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Le saviez-vous? Depuis peu, Google peut prédire votre futur. Mais bon, pourquoi passer par une machine quand on peut en jaser avec un véritable humain aux dons surnaturels?

Moi, c’est ce que j’ai fait. Souvent.

Je ne peux pas dire que j’ai le meilleur jugement en ville. Ce que je peux dire par contre, c’est que ma rigueur intellectuelle était pire quand j’avais quinze ans.

J’étais convaincue que j’allais finir par sortir avec le guitariste des Respectables, que je deviendrais le genre de femme qui travaille en tailleur et tricote ses foulards, que Gwen Stefani et Gavin Rossdale s’aimeraient pour toujours, puis que je ne lirais jamais rien de plus touchant que Le goût du bonheur de Marie Laberge.

Et bon, j’habitais à Farnham, un haut lieu du paranormal. Il y avait dans le coin une madame qui parlait avec les morts chaque mardi, une autre qui pouvait jaser avec les animaux décédés et toute une gang qui croyait que des extra-terrestres allaient bientôt débarquer à St-Césaire. Je pense que l’ésotérisme coulait dans la rivière Yamaska. C’était donc logique de vouloir consulter une voyante, à l’époque. Tsé, au moment où tu dois prendre des choix qui détermineront le reste de ton existence, vaut mieux mettre toutes les chances de ton bord.

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Ça fait que j’ai rencontré une dame – appelons-la Stacy. La cinquantaine souriante, les petits cheveux gris, la peau qui a l’air douce, le regard inquisiteur, une odeur de smoke et d’encens : elle était assez parfaite.

En entrant dans sa cuisine, je me suis tout de suite sentie en lieu sûr. Cette dame saurait m’aiguiller. J’étais nerveuse, mais étrangement confiante en mon avenir. À l’époque, je n’étais pas encore persuadée que je finirais ma vie seule dans une vieille roulotte. Du haut de mes quinze ans, on ne pourrait rien m’annoncer de bien grave. Oh, comme j’avais tort!

En me faisant piger des cartes pour prédire mon futur, la petite dame toute douce s’est révélée une sorcière…

  • J’allais rencontrer un garçon dont le père porterait une veste blanche.
  • Je vivrais ensuite un grand dilemme amoureux. Je devrais faire un choix qui me briserait.
  • Je finirais par me divorcer à 40 ans. Je ferais une grave dépression, quitterais mon travail et mettrais des années à me remettre sur le chemin de la santé.
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Je mentirais si je disais que je suis sortie de là ébranlée. Une dépression dans vingt-cinq ans ? M’en crissais. Je faisais plutôt le foyer sur la première affirmation : je rencontrerais bientôt un garçon. Mes hormones d’adolescente s’en trouvaient réjouies. Douze ans plus tard, il faut dire que par le plus grand des hasards, en y allant d’infinies banalités, Stacy a visé assez large pour être juste.

  • Quelques semaines après cette rencontre, je commençais à sortir avec le fils du pharmacien du village. Un sarrau, c’est indéniablement une chemise blanche.
  • Après deux ans de relation, je le laissais pour un autre. Quelques garçons ont depuis défilé dans ma vie. Mais elle n’avait pas tort, right ?
  • Je n’ai pas encore quarante ans, donc la dernière affirmation reste à prouver. Mais elle n’est pas improbable.

Les réponses de Stacy m’ont suffisamment satisfaite pour que je n’aie pas à consulter d’autres médiums. Faut aussi dire que j’ai rapidement quitté Farnham et son aura supernaturel, laissant derrière moi mes envies de jeter la lumière sur mon futur. L’affaire, c’est qu’on n’a pas besoin de le demander pour recevoir des conseils.

À 22 ans, alors que j’utilisais le lavabo à côté du sien, une professeure d’université a empoigné une de mes mains avant de me dire, le plus sérieusement du monde : “tu vas mourir jeune, mais tu vas aussi renaitre.” Sans plus d’explication, elle a quitté la pièce. Le sujet était clos.

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Sa prédiction non sollicitée ne trouvait pas écho dans les projections de Stacy. Était-elle pour autant moins vraie ? C’est quoi, la hiérarchie du monde qui parle aux chakras, aux lignes de la main, aux cartes, aux morts, à l’univers ? Je l’sais-tu, moi ?

Chose certaine, si le karma existe, le mien veut que je m’entretienne avec ces gens-là.

Quelques années plus tard, dans le cadre de mon travail, j’ai à nouveau dû parler avec un médium. Le but de l’exercice était de connaître ses prédictions électorales, pourtant il n’arrêtait pas de me répéter, comme possédé : “Vous avez les jambes enflées, la rétention d’eau est courante dans votre famille. Vous avez les jambes enflées!”

À noter : nous parlions au téléphone.
Et je n’ai pas les jambes enflées. J’ai juste des gros os.

La semaine passée, j’étais dans une retraite de yoga et gastronomie (on ne me l’avait pas prédit, mais oui, je suis devenue bourgeoise et zen). Un genre de shaman louche est venu me dire que selon mon horoscope maya, je suis prédestinée à une mission. En tant que “nuit autoportante” (?), mon rôle dans la vie serait d’aimer inconditionnellement. Aimer inconditionnellement n’importe quoi, n’importe qui.

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Mais bon, ça venait d’un dude qui se promenait avec un très drôle de chapeau et une semi-croquante assez mal cachée sous sa jupe. Si l’érection est liée au niveau de crédibilité, il était soit moyennement juste, soit moyennement dans le champ. Anyways.

Pour cette chronique, question de rigueur scientifique, j’ai voulu faire un suivi. J’ai donc appelé une voyante. Un moment donné, une fille se tanne de ne pas savoir si elle s’enligne pour une mort-renaissance, une dépression ou de l’enflure…

L’expérience s’est révélée très concluante.

— Je suis un peu confuse quant à mon avenir. Pouvez-vous me dire ce qui m’attend ?
— Bien sûr! Vous êtes passionnelle. Il y a un homme dans votre vie.
— Oui, c’est vrai!
— Et vous avez peut-être des enfants ?
— Non.
— Ha.
—… Est-ce que je vais en avoir ?
— Trois. Je veux dire, au moins trois. Sauf si vous en voulez moins. En voulez-vous ?
— Euh, oui j’en veux.
— C’est ça.
— Ok…
—…
— Et j’en aurai trois avec un seul mari ?
— Celui que vous avez actuellement. Sauf si vous ne voulez plus être avec lui.
— Ha ben oui. C’est logique.
—…
— Et niveau santé ?
— Je n’ai pas le droit d’en parler.
— C’est poche. Vous ne savez pas si je vais mourir et renaître, mettons ?
— Je ne peux pas en parler.
— Et mes jambes ?
— Quoi ?
— Oh, rien.
—…
— Pouvez-vous me parler de ma carrière ?
— Oui! Vous allez bientôt suivre un cours ou une formation dans le milieu humanitaire. Si ça vous tente.
— C’est étonnant.
— Vous faites quoi dans la vie ?
— J’écris des choses.
— C’est ça. C’est humanitaire.
— … Bon ben, merci?
— De rien.

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C’est clair qu’au premier regard, on se dit que cet échange est complètement vide de sens. Que mon avenir est encore résolument incertain et que la clairvoyance, c’est rien que de la bullshit. Oui. Je suis d’accord. Mais je crois que cette dernière voyante a tout de même essayé de me passer un important message, à travers ses interrogations et ses réponses floues : j’ai le contrôle sur ma vie. Je peux mieux la prédire qu’elle. Les choses se passeront si elles me tentent. Si c’est pas rassurant, ça…

Guitariste des Respectables, I’m coming for you !

Depuis que je consulte des voyantes…

  • J’ai coupé ma consommation de sel. Paraît que ce n’est pas bon pour la rétention d’eau.
  • Chaque fois que je rencontre un homme, je me demande s’il sera la cause de ma déchéance mentale.
  • Je me méfie de toute personne qui sent l’encens.
  • J’ai mis une croix sur le paranormal. Sauf sur The X-Files.
  • Je fais ce que je veux. Et je vous aime. Inconditionnellement.

***

Pour lire un autre texte sur le paranormal: Les chasseurs de fantômes d’Angélique Richer.

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