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Denis Dulude, designer de fontes

Par
Roxanne Bélair
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Ex-danseur de ballet, Denis Dulude a délaissé les pointes et les petits maillots moulants pour se consacrer au design de fontes. On lui doit entre autres le design du titre d’Un gars, une fille, ainsi que celui des films Soie et Maurice Richard. Rencontre avec celui pour qui les courbes les plus intimes de l’alphabet n’ont plus de secrets.
C’est quoi une fonte?
C’est un ensemble de lettres de même caractère, qui forme une famille. Comme Times ou Helvetica, par exemple.
Avant de te poser des questions sérieuses, peux-tu me dire pourquoi les designers n’aiment pas le Comic Sans MS?
C’est une fonte qui n’est pas esthétique et qui a souvent été utilisée pour faire la promotion de produits qui manquent de sérieux, comme le Jell-O.
Depuis quand le Jell-O manque de sérieux?
Euh…
Et dis-nous, combien existe-t-il de fontes?
Plus de 70 000.
Et est-ce que c’est vraiment utile d’en avoir autant?
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Est-ce que c’est utile d’être des milliards d’êtres humains sur la planète? Non. Mais on a tous notre place. C’est la même chose pour les fontes. Il ne faut pas arrêter d’en créer pour autant.
Bon, maintenant que c’est réglé, c’est quoi le métier de designer de fontes?
C’est quelqu’un qui crée une fonte spéciale, pour un mot précis. Par exemple, pour le film Maurice Richard, j’ai créé une fonte pour le titre, en m’inspirant du numéro 9 qu’il avait dans le dos : une fonte droite, colossale et sportive, à son image.
Quelle est la différence entre ton métier et celui d’un typographe?
Le typographe va dessiner tous les 256 caractères de la fonte, c’est-à-dire les 26 lettres de l’alphabet, les majuscules, la ponctuation, les signes mathématiques, etc. Il crée aussi les dérivés de chaque lettre, comme le bold et l’italique.
Par quelle lettre commences-tu quand tu crées une fonte?
Normalement, je commence par le «A». Des fois, par contre, j’aime bien débuter par le «W», parce que c’est une de mes lettres préférées. Le «Y» aussi est bien.
Quelles sont tes sources d’inspiration?
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Je regarde beaucoup par terre. Quand je trouve un bout de papier sur le trottoir, où il y a des lettres déformées ou salies par les autos, je le ramasse. Pour moi, c’est ça une fonte : des erreurs.
Est-ce qu’il existe un «style Denis Dulude»?
Au début, tout se faisait de façon très intuitive, parce que j’ai appris à créer des fontes par moi-même. Je n’avais pas de règles. Et quand tu n’as pas de règles, tu essaies de trouver tes propres codes, tes limites. Aujourd’hui, je suis content d’avoir de l’expérience, mais c’est moins l’fun.
Moins l’fun?
Oui, maintenant, je dois essayer d’autres chemins pour arriver au même résultat : j’imprime, je mets de l’encre, du papier sablé… Le résultat va être le même, mais le processus est différent. Il est devenu encore plus important que le résultat. C’est comme ça que je réussis à ne pas devenir un vieux croûton.
C’est quoi la perception des gens sur ce métier au Québec?
On ne voit pas ça comme un métier. En Allemagne, les villes engagent des typographes pour faire la fonte des noms de rue. Ici, on n’a pas l’habitude de payer pour ça. Pourtant, si tu veux une belle typo, faut demander à un designer graphique. Mais plus il va y avoir de designers graphiques, plus on va développer une culture de la typographie.
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En terminant, la rédactrice en chef aimerait savoir si tu peux lui designer un poêle en fonte. Es-tu capable?
C’est sûr que j’aimerais ça. Je pourrais lui en faire une high class, lourde, épaisse, qui cuit les aliments de manière égale. Tu crois qu’elle serait contente ?
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