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Décoiffé, pas maquillé, en mou : après tous ces Zoom, que reste-t-il de notre image?

La pression de l'image parfaite a-t-elle résisté à la pandémie?

Par
Ann Julie Larouche
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C’est épuisant tous les détours sur les sentiers qu’on emprunte pour se sentir confortable devant le regard des autres.

Je ne pourrais pas l’inscrire dans le temps. Je sais pas quand le déclic s’est fait; je sais simplement que la pandémie m’aura permis de m’affranchir de certains codes liés à mon image que j’avais encabanés, intégrés depuis des années.

Il y a des ficelles que je ne tire plus et qui me permettent d’accorder plus de place à de nouvelles choses.

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Quand je tente de récolter de l’information sur les changements qu’aura apportés la pandémie sur la perception de notre image, la Dre Stéphanie Léonard, psychologue, me rassure: il n’y en a pas. Il s’agit d’un nouveau phénomène qui n’est pas documenté.

Elle m’explique toutefois que deux clans se sont formés :

Il y a ceux pour qui le relâchement de cette pression qu’on a d’être beau et d’être à notre meilleur en public a généré un grand sentiment de liberté.

Et il y a ceux qui ont eu toutes les difficultés du monde à s’exposer en contextes sociaux sans tous les fards d’usage qu’on utilise pour s’embellir.

Toutes les tranches d’âges ont été affectées par ce regard sur eux-mêmes qui a complètement changé pendant la pandémie, à grand coup de travail à distance et de réunions à travers l’écran.

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La Dre Léonard travaille exclusivement avec une clientèle qui a des enjeux avec l’image corporelle. À cet effet, elle est catégorique: toutes les tranches d’âges ont été affectées par ce regard sur eux-mêmes qui a complètement changé pendant la pandémie, à grand coup de travail à distance et de réunions à travers l’écran.

«La coiffure, les ongles, l’épilation, les soins esthétiques, ce sont tous des enjeux!», dénote-t-elle, révélant que certain.e.s de ces client.e.s ont ressenti du stress à l’idée de devoir sauter un rendez-vous d’injection de Botox ou une manucure.

Mais là où le bat a le plus blessé selon elle c’est du côté de l’entraînement.

«J’ai surtout réalisé que tout le monde est obsédé par les gyms. Ç’a été difficile, parce que tout ce qui servait à contrôler la silhouette et le poids a été affecté en temps de pandémie. J’avais envie de dire : allez dehors!», dit-elle en riant.

Passer des tournages d’équipe… à seule chez soi

Je désirais avoir cette discussion avec Léonie Pelletier, fondatrice de Oui L’agence, aussi influenceuse et maman, qui s’est révélée très humble dans ses publications Instagram concernant l’évolution de sa perception de son image durant le confinement; elle s’est permis cette introspection franche, autant dans des photos assez décomplexées et naturelles que dans des shootings plus étudiés… qui se sont faits plus rares, puisqu’en pleine pandémie, Léonie a vécu la transition assez brutale entre les plateaux de tournage – ce qui implique d’être prise en charge de A à Z par une équipe beauté – , et son chez-soi où elle était seule devant son fond de teint.

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Ayant signé un contrat de tournage avec une équipe à Toronto en janvier, elle s’est retrouvée, en pleine pandémie, à devoir assumer non seulement son maquillage, sa coiffure et son look, mais à également devoir se filmer seule, chez elle.

«Je ne te cacherais pas que ça m’a demandé beaucoup d’indulgence envers moi-même. Mais j’ai beaucoup d’autodérision et ça ne m’a pas gêné.»

« Au début, je me suis posé la question: est-ce que je suis assez à l’aise, assez bonne? » me raconte-t-elle au bout du fil. « Je ne te cacherais pas que ça m’a demandé beaucoup d’indulgence envers moi-même. Mais j’ai beaucoup d’autodérision et ça ne m’a pas gêné. Il y a vraiment quelque chose à explorer là-dedans qu’on ne fait pas d’habitude », poursuit-elle.

Toujours candidement, elle ajoute: «Pour vrai, j’en ai profité pour avoir le sweat pants life, sans maquillage… mais ça m’a fait apprécier les moments où je prends plus soin de moi maintenant.»

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Léonie réalise que sa confiance bénéficie largement du temps qu’elle prend à se « grimer », elle qui n’appliquait pas beaucoup de maquillage avant la pandémie: « Là, tout est une occasion pour bien me maquiller ou bien m’habiller. Je ne me suis jamais autant préparé ou trouvé des espaces pour le faire. »

Même dans son feed, on le remarque; ses derniers looks sont plus étudiés, plus travaillés.

La pression de l’image

Je sais pas si c’est le fait de ne plus me maquiller ou d’exhiber une repousse gênante, mais je ne suis plus pétrifiée à l’idée de me retrouver en contexte social sans poudre bronzante. Et ça, c’est assez récent. La dernière fois où j’ai été proche de ce sentiment, c’était en voyage à l’autre bout du monde. Un voyage de 6 mois où mon apparence avait pris moins d’importance.

On dira ce qu’on voudra, j’ai toujours trouvé que Montréal a de hautes attentes sur les looks de ses habitants en contexte social.

Les gens ont une telle conscience ici de leur corps et de leur environnement; ils connaissent les coupes de chemise qui flattent leurs épaules, les teintes qui révèlent leur peau, ce qui les met assez en valeur pour éviter de se faire oublier comme une salade verte dans un souper potluck.

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Est-ce qu’un exercice thérapeutique collectif commence à se dessiner? La pandémie aura-t-elle été l’occasion de se questionner sur l’espace démesuré qu’à pris l’apparence physique dans nos vies? À quel point notre image peut être déterminante pour notre estime? Cette validation se trouve partout; dans les yeux de nos collègues, à la caisse de notre épicerie, derrière l’écran de notre crush.

«Ça on ne le sait pas, me dit sagement la psychologue Stéphanie Léonard. Par le passé, on sait cependant que lorsque des choses nous secouent, on retourne habituellement à ce qui était ancré avant.»

«J’aurais aimé ça être capable de pas avoir une pandémie pour m’obliger à m’arrêter, et à prendre du temps.»

En terminant notre conversation, elle m’offre une autre piste de réflexion: «Donnons-nous ce moment de pause pour évaluer pourquoi nous sommes si insécurisés par notre image en temps de pandémie. On a beaucoup de difficulté à décrocher de cette obsession-là, de cette emphase sur l’apparence physique», conclut-elle.

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De son côté, avec un semblant de retour à la vie normale, Léonie a quand même pris plaisir à retrouver une routine beauté, à «s’appliquer plus qu’avant», comme elle dit. Mais la question est ailleurs.

«J’ai toujours été très occupée avec un horaire chargé, j’aime ça être on the go. J’ai réalisé que j’étais pas à la maison beaucoup et la pandémie m’a forcé à rester chez moi. Pourquoi j’escape toujours le fait d’être chez nous ? Pourquoi je prends pas le temps ? J’aurais aimé ça être capable de pas avoir une pandémie pour m’obliger à m’arrêter, et à prendre du temps.»

Voilà donc un autre dossier post-pandémique à explorer.