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Déclarer l’urgence climatique : ouain, pis après?

Les babines suivent-elles les bottines?

Par
Zacharie Routhier
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Lundi, le Canada a adopté une motion déclarant l’urgence climatique. Lundi soir, les libéraux ont dû virer une grosse brosse, parce que mardi – comme s’ils avaient blackout de leur promesse de la veille – ils ont donné le feu vert à l’expansion de l’oléoduc Trans Mountain.

Face à deux actions qui semblent diamétralement opposées, on peut se demander à quoi ça sert de déclarer l’urgence climatique. Ça donne tu vraiment quelque chose? Parce que des beaux mots quand il est question d’environnement, on commence à en avoir entendu pas mal.

En écoutant les Vulgaires Machins chanter « on s’en va nulle part si la substance se résume au symbole » hier aux Francos, je me disais que pour des paroles écrites en 2006, c’était drôlement d’actualité.

Pour en avoir le cœur net, j’ai d’abord voulu en parler aux jeunes. Parce que ces derniers mois, si y en a qui ont crié à l’urgence climatique, ce sont bien les étudiants du secondaire, du cégep et de l’université. Ils prennent la rue depuis plusieurs mois au Québec et dans le monde pour demander aux décideurs publics d’agir.

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J’ai donc demandé au collectif La planète s’invite à l’Université, qui est notamment derrière l’organisation de la manifestation monstre du 15 mars dernier, si la déclaration des libéraux les rassurait.

La réponse de Louis Couillard, un de leur porte-parole, fut sans appel : « Le geste purement symbolique posé par le gouvernement canadien est loin de répondre à l’angoisse des jeunes ».

La ministre de l’Environnement et du Changement climatique, Catherine McKenna, tente-t-elle de faire des points environnementaux cheap?

Déclarer pour déclarer

Espérant me faire convaincre que la motion des libéraux était révolutionnaire (!), je me suis entretenu avec Annie Chaloux, professeure en politique environnementale à l’Université de Sherbrooke. « [Déclarer l’urgence climatique] ne contraint pas le gouvernement outre mesure » m’a-t-elle malheureusement confirmé.

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Dans la motion libérale, on peut lire que le gouvernement canadien doit « s’engager à atteindre ses objectifs nationaux en matière d’émissions énoncés dans l’Accord de Paris », c’est-à-dire maintenir le réchauffement climatique sous les 2 degrés Celsius (ou mieux). Or, il s’y est déjà engagé. En 2015.

Réitérer son appui à un vieil accord est-il suffisant pour appuyer une déclaration d’urgence climatique? Si la professeure estime qu’elle témoigne d’une volonté du fédéral d’aller de l’avant sur le plan environnemental, elle nuance que « la déclaration doit être suivie d’un plan majeur […] pour être pris au sérieux. Et ce n’est pas le cas actuellement ».

Pour elle, le gouvernement ne lutte pas réellement contre les changements climatiques tant qu’il ne fait pas le « choix difficile » d’arrêter de financer les hydrocarbures. Ce qui nous amène au deuxième point…

Les hydrocarbures financent notre transition écologique

En matière d’environnement, depuis quatre ans les libéraux jouent le jeu d’un compromis frôlant la contradiction. S’ils favorisent un cadre pour une croissance propre, ils continuent également de subventionner les industries pétrolières, parfois à même un fond vert.

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Et hier, ils ont répété la formule en donnant le feu vert à l’expansion de l’oléoduc Trans Mountain tout en promettant que les profits générés par l’infrastructure pétrolière serviront à la transition écologique. « Nous devons créer de la richesse aujourd’hui pour investir dans le futur », a expliqué le premier ministre Justin Trudeau.

«Nous devons créer de la richesse aujourd’hui pour investir dans le futur», a expliqué le premier ministre Justin Trudeau.

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Selon le gouvernement fédéral, les recettes avoisineront les 500 millions $ par an une fois que le pipeline sera en activité. Reste qu’on va être pogné avec un gros tuyau à près de 12 milliards de $ qui acheminera 890 000 barils de pétrole par jour de l’Alberta à la côte ouest.

S’il est vrai que ce grand écart politique est le résultat d’une situation complexe, il n’en demeure pas moins que les libéraux ont eux-mêmes déclaré l’urgence climatique lundi, affirmant que « les changements climatiques constituent une crise réelle et urgente, causée par l’activité humaine ». Leurs actions sont-elles à la hauteur d’une situation qu’ils décrivent eux-mêmes comme étant alarmante?

« On parle d’urgence climatique d’une part, mais on continue encore à promouvoir la principale problématique en termes de changements climatiques au Canada, qui est l’exploitation des sables bitumineux », dénonce Mme Chaloux.

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Pour illustrer cette situation, elle utilise une bonne vieille image judéo-chrétienne : « On déshabille Simon pour habiller Paul! » Normalement, on déshabille Pierre, mais vous comprenez l’idée!

Les jeunes n’attendent pas

Selon Louis, de La planète d’invite à l’Université, la mobilisation des jeunes continuera même si le gouvernement a déclaré l’urgence climatique, et ce « tant et aussi longtemps qu’un plan d’urgence pour la justice climatique ne sera pas mis en œuvre ».

Et il ajoute : « Si les dirigeants de ce monde ne sont pas encore prêts à agir et poser des gestes concrets, nous, les jeunes, prendrons les choses en main ».

Après tout, c’est à eux qu’appartient demain, non?

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