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Déblatérer contre le chef du Parti conservateur

Justin Trudeau n’a pas gagné lundi soir, Andrew Scheer a perdu.

Par
Éric Duhaime
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Mes nouveaux collègues et lecteurs d’URBANIA qui ne voulaient pas me voir écrire ici vont sans doute m’adorer aujourd’hui et – qui sait – partager ma chronique sur leur compte Twitter ou plutôt, dis-je, Instagram ou TikTok.

Oui, mesdames et messieurs, moi, l’incarnation mondiale de la droite, je veux déblatérer contre le chef du Parti conservateur du Canada, Andrew Scheer. Pire, je souhaite l’implorer de débarrasser le plancher au plus sacrant (svp réservez votre ovation pour la toute fin afin de ne pas m’interrompre aux 15 secondes et d’allonger ainsi inutilement la lecture du texte).

D’abord, les résultats, mais surtout la campagne électorale des conservateurs, n’offrent guère d’autres options au député de la Saskatchewan.

Justin Trudeau n’a pas gagné lundi soir. Andrew Scheer a perdu.


On n’en voulait plus de Trudeau, premier premier ministre de l’histoire du Canada à être blâmé, deux fois plutôt qu’une, par le commissaire à l’éthique pour avoir violé la Loi sur les conflits d’intérêts, qui nous a endettés trois fois plus que promis, trop obsédé par ses selfies et ses costumes loufoques, mais certainement pas par les politiques publiques et l’économie.

Justin Trudeau n’a pas gagné lundi soir. Andrew Scheer a perdu.

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Vous me direz que les conservateurs ont quand même gagné vingt-deux circonscriptions de plus qu’en 2015 et obtenu 240 000 votes de plus que le Parti libéral. Ça reste un argument de loser, digne des démocrates au pays de Trump. Et ça fait fi du fait que les conservateurs ont perdu des plumes en Ontario et au Québec, exactement là où le parti devait marquer des points pour triompher.

Devant un PM enfantin et impopulaire, Scheer devait porter le coup fatal et le tasser de là. Les électeurs étaient prêts à lui donner sa chance jusqu’au jour où on a vu de quel bois il se chauffe. Du petit bois de chauffage seulement, hélas.

Scheer a été incapable de s’élever au rang des fonctions auxquelles il aspire.

Il y a sans doute d’excellentes raisons qui expliquent pourquoi Stephen Harper n’a jamais nommé Scheer ministre au sein de son gouvernement, et cela pendant toute une décennie, même si Scheer faisait partie de son caucus et se levait la nuit pour espérer que ça arrive.

Pourquoi est-il alors devenu chef du PCC? La meilleure question à se poser depuis : «a-t-on vraiment besoin de construire un nouveau stade à Montréal?»

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Trois explications relativement simples

1- Les candidats « A » ont choisi de passer leur tour lors de la course à la direction du parti en 2017. Tous étaient convaincus que Trudeau, qui bénéficiait alors d’une confortable avance dans les sondages, resterait en poste, majoritaire, pendant deux mandats. Peter MacKay, Rona Ambrose et Jason Kenney, pour ne nommer que ceux-là, se sont mis en réserve de la république.

2- Scheer s’est allié aux producteurs de lait du Québec pour vendre des cartes de membres et recueillir des votes dans une province où il était totalement inconnu. Pour un conservateur, censé croire à la liberté d’association et à l’économie de marché, s’allier à un puissant syndicat comme l’UPA est contre nature.

3- Scheer a pactisé avec les conservateurs sociaux. Oui, les pro-vie et ceux qui s’opposent au mariage gai votent généralement pour le PCC. Scheer a remporté une course à la direction du PCC extrêmement serrée au terme du treizième tour de scrutin. Maxime Bernier menait lors des 12 premiers tours, mais s’est fait coiffer par moins de 1% à l’ultime tour, notamment en raison des votes des candidats Brad Trost et Pierre Lemieux, les deux favoris des pro-vie.

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Ces trois hypothèses militent aujourd’hui toutes en faveur de son départ. Présentement, les prétendants au poste de chef se bousculent au portillon, l’alliance avec le cartel du lait n’a permis aucun gain, sinon de contribuer à battre Bernier en Beauce et les liens entre Scheer et les conservateurs sociaux l’ont fait passer pour une grenouille de bénitier en cette époque de laïcité. Ça explique aussi pourquoi il s’est lamentablement enfargé dans ses lacets de bottines à la toute première question de Pierre Bruneau au face-à-face de TVA.

OK pour emprunter une souffleuse, non pour boire une bière

Si Trudeau pousse beaucoup trop loin l’image au détriment du reste, Scheer, lui, n’a même pas le kit de base. Son look de petit bonhomme Pillsbury qui bafouille un français trop rudimentaire ne charme personne. Aux yeux des Québécois, il est une caricature du bon gars canadien-anglais trop pogné. On veut bien l’avoir comme voisin (celui qui te prête gentiment sa souffleuse) ou comme courtier d’assurances, mais on n’ira jamais prendre une bière avec lui dans un bar karaoké.

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Et l’idée de vouloir prendre une bière avec un politicien ça peut être payant, parlez-en aux néo-démocrates de l’époque Jack Layton.

S’il s’obstine à vouloir rester, Scheer fera face à une mutinerie. Il nuirait alors gravement au parti et à lui-même.

Selon les statuts et règlements du PCC, Scheer doit se soumettre à un vote de confiance au lendemain d’une défaite. Ce test devrait se passer le 20 avril prochain, à Toronto, lors du prochain congrès national.

Mais, dans les faits, ça doit se faire bien avant ça.

S’il s’obstine à vouloir rester, Scheer fera face à une mutinerie. Il nuirait alors gravement au parti et à lui-même. Âgé d’à peine 40 ans, il doit décider s’il quitte dans quelques mois, par la petite porte d’en arrière, dans la honte et la disgrâce, ou s’il cède dès maintenant – et humblement – sa place à celle ou celui qui ramènera les conservateurs au pouvoir.

Bonne réflexion Andrew!

(Là vous pouvez applaudir à tout rompre!)

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