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Dead Obies : pas mort, mais pas fort?

Une analyse chanson par chanson.

Par
Hugo Bastien
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C’est aujourd’hui que Dead Obies lance le très sobre DEAD., premier projet depuis le départ de Yes Mccan et qui se veut une sorte de renouveau (ou de renaissance?) du groupe. Depuis le début de la semaine, le BIG FIVE répète qu’il a utilisé le départ de notre Damien national pour se remettre en question en se demandant : qu’est-ce que Dead Obies?

Chanson par chanson, on tentera de répondre à cette question.

Oh Boy

Oh boy certain. On peut dire que le groupe a réussi à faire une track efficace pour ouvrir l’album. Les MCs s’échangent le micro comme les bons groupes de hip-hop savent le faire. Premier constat : plus les albums avancent, plus la voix de Joe Rocca semble rajeunir. Ici, il sonne comme une enfant de 8 ans.

Bonne nouvelle, 20Some est toujours aussi en forme et ça fait du bien de l’entendre spit comme ça.

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Run Away

Ça se corse. I mean, on connaissait déjà la chanson comme premier single de l’album. En l’écoutant, je me suis dit que c’était officiel : Dead Obies a troqué son statut de groupe hip-hop pour celui de boys band. Entendre Joe Rocca clamer que la chanson est de la motivation music et m’expliquer comment affronter mes problèmes me donne l’impression d’écouter une émission à VRAK.

P.S. Le clip est dope et ça j’ai rien à dire là-dessus! Chapeau.

High

On ne peut pas dire que Dead Obies ne connaît pas son hip-hop. Et clairement, le groupe a écouté pas mal de FouKi dans la dernière année : de la guitare en loop, un titre qui veut littéralement dire gayé, un vibe « hit de l’été ».

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Je me permets de citer Joe Rocca sur celle-là : « J’vois les jaloux, j’vois les regards ». Eh bien nous aussi, on les voit les jaloux.

Royautés et 24

On va sauver du temps ici et faire d’une pierre deux coups, puisque ces deux chansons ont clairement la même inspiration : en gros, prenez les adlibs de Royautés et le beat de 24, et ça donne Get Right Witcha de Migos.

« Ugh » comme dirait l’autre.

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Doo Wop

Je commence à me dire que pour nous amener à écouter l’album, la stratégie de Dead O consiste à ce qu’on tombe par hasard sur leurs chansons en en googlant d’autres : Runaway (Kanye West), High (tous les rappeurs du monde ont une toune qui s’appelle High), Doo Wop (Lauryn Hill), Oh Boy (Cam’Ron). Pour l’originalité des titres, on repassera.

D’ailleurs, Doo Wop reste pour moi la pire track de l’album après High. Les paroles sont sirupeuses, complaisantes, cheesy à l’os. On dirait que les paroles ont été écrites pour que des groupies de 14 ans mettent des photos d’eux dans leur agenda. J’ai de la misère à m’imaginer qu’une femme de 25 ans soit séduite par ces lignes :

« Ah oui!
C’est ma numéro 1, ma VIP
Elle a grandi avec sa mère elle m’appelle Daddy
J’ai envie qu’on aille passer la semaine à Paris
J’veux poster des photos d’nous deux sur mon IG »

Le romantisme en 2019? Devenir un hashtag.

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F1 et André

Je pense que F1 représente assez bien un autre problème majeur de l’album. On l’a remarqué, sur beaucoup de chansons, le groupe a troqué les verses pour le chant. C’est all good, mais tous les verses sonnent pareil et on perd la couleur particulière des différents MCs. Dommage.

Le même commentaire vaut pour André d’ailleurs.

C’est bon

Je pense qu’à force de s’inspirer de tout ce qui les entoure, les gars se sont plagiés EUX-MÊMES sans le savoir en reprenant le beat de Royautés. Tsé des fois, t’es pas attentif, pis tu refais une toune que tu as déjà faite. WOUPS.

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2gether et Big Girl

Après avoir oscillé entre différents vibes, l’album se conclut sur deux chansons pseudo-r’n’b qui sonnent pas mal pareil.

Mention spéciale à 20Some : à date c’était le seul qui réussissait à sauver les verses de l’album, mais semblerait que même les héros ont des moments de faiblesse.

« Ronaldo bedon Messi? Décide entre Carl ou Lenny
Betty ou Veronica? (hey!) Tupac ou Biggie?
See? J’peux pas choisir aucun des deux
Cause they go together comme C-3PO/R2-D2 »

Que la force soit avec nous.

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Dead Obies, c’est quoi?

Souvenons-nous que la question en début de texte était : qu’est-ce que Dead Obies ? À la lumière de ces 11 chansons, je pense qu’on a la réponse.

Dead Obies, c’est un shapeshifter, capable de s’adapter avec ce qui pogne le plus dans le moment, quitte à perdre leur identité. On se demandait si le groupe pourrait survivre au départ de Yes Mccan. La conclusion, c’est que oui… musicalement du moins. Bien sûr, la formation reste capable de faire des tounes accrocheuses, mais elle n’a pas réussi à hausser la barre créative, ni même à accoter celle de ses projets précédents.

Il est juste de dire que l’album est efficace, mais il n’est rien de plus. Noyé dans la pâle copie de produits américains, le groupe s’est oublié : adaptation de beats déjà populaires, tracklist qui sonne plus comme une suite de singles qu’autre chose, multiplication des flows « hommages ». Plutôt que de nous offrir une réelle démarche artistique, le groupe donne l’impression de s’accrocher coûte que coûte à la musique actuelle en pêchant à la dynamite, espérant qu’une de leur chanson devienne le prochain hit du rap queb.

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Il en résulte une musique familière et agréable à l’écoute, certes, mais qui ne suscite aucune émotion chez l’auditeur à part peut-être un sentiment de déjà vu.

Malheureusement, dans un univers où le rap est devenu pop, c’est tout ce que ça prend pour avoir un hit.

Si Dead Obies n’est pas mort, on pourrait dire qu’il est sur le respirateur artificiel.

Espérons que les manoeuvres de réanimation le ramènent à la vie.