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De père en fils #eurotrip2CV

Par
Pascal Henrard
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Il y a presque un mois que mon fils est rentré à Montréal. Pour poursuivre mon tour d’Europe en 2CV, c’est donc mon père qui a pris le siège du passager, la place de copilote et le rôle de passeur de lunettes de soleil. De père je suis redevenu fils.

« Attention à gauche! C’est bon, y a rien à droite. Tu conduis pas un peu trop “sportif”? À quelle heure tu t’es couché hier? Tu ne devrais pas vérifier l’huile? Est-ce que tu as dit merci à la dame pour ses chocolats? Tu devrais envoyer un mot à ta cousine… »

Imperceptiblement les rôles avaient changé. Ce n’était pas méchant. Ce n’était même pas voulu. Ce sont des réflexes incontrôlables. Comme quand on freine dans une auto alors qu’on est seulement passager. Des habitudes indéfectibles, des détails anodins qui font partie de la vie.

Peu importe l’âge, on reste l’enfant de ses parents jusqu’à leur disparition. Les miens, heureusement, sont bien vivants.

Mais qui serai-je quand ils ne seront plus là?

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J’ai « grandi » depuis l’époque où mon père m’apprenait à conduire sur la 2CV de ma maman. J’ai passé mon permis, j’ai fait des études, j’ai pas mal voyagé, j’ai déménagé à Montréal, je suis tombé amoureux, je suis devenu papa, deux fois plutôt qu’une, je me suis marié, j’ai écrit quelques livres, j’ai eu du boulot, plutôt trop que pas assez, j’ai fait des bons et des mauvais coups,…

Mais l’instinct paternel est plus fort que l’âge ou l’expérience de ses enfants.

Dans les conseils de mon père, j’entendais ceux que je donne à mon fils. Dans ses questions, ses inquiétudes, il y avait les miennes. Et le fils d’un demi siècle que je suis désormais redevenait l’enfant que j’étais autrefois.

Les affaires traînaient dans ma chambre d’hôtel à Krüje en Albanie. La musique jouait à tue-tête sur mon iPhone en remontant vers la frontière luxembourgeoise. Les réponses étaient évasives et le ton parfois excédé sur les routes de Bosnie. Je passais des heures scotché devant l’écran de mon iPhone à la terrasse des cafés de Split, de Mostar ou de Ljubljana.

Cet été 2013 je me retrouvais à l’été 1977 (le iPhone en plus).

Pourtant, en écoutant mon père, j’en apprenais plus sur moi que sur les pays qu’on visitait. Je comprenais le père que j’étais. Je comprenais le fils que j’avais. Et j’avais hâte (disons que c’est une image) d’avoir 75 ans pour que celui-ci m’entraîne un jour dans une autre aventure loin des sentiers battus.

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Aujourd’hui, comme dans une chanson de Charlebois, je suis revenu à Montréal. J’ai retrouvé ma blonde, ma fille, mon fils. Je suis redevenu un père. Mais je resterai aussi et avant tout un fils heureux d’avoir eu son papa à ses côtés sur les chemins de Grèce, de Macédoine, d’Albanie, du Monténégro, de Croatie, de Bosnie et Herzégovine, de Slovénie, d’Autriche, du Liechtenstein,…