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Comme plusieurs d’entre vous, ce week-end, j’ai regardé la première de l’adaptation québécoise de SNL. J’ai peu suivi les réseaux sociaux pendant l’émission, trop occupé que j’étais à, y’know, regarder l’émission. (Oui, j’ai apparemment 47 ans et j’ai de la misère à assimiler le concept de second screen.)
Mais, Facebook étant ce qu’il est, mon feed de dimanche était rempli de statuts qui en parlaient. Et même si le cold-open était pas si drôle que ça, le reste m’a bien fait rire. Tous les goûts étant dans la nature, on ne peut pas plaire à tout le monde, et de toute manière mon but ici n’est pas de vous convaincre que vous avez aimé ça. Mais j’ai vu des gens qui disaient « pleurer de honte », ou dire que c’était « minable et terrible », « littéralement une insulte »… bref, on aurait cru que Télé-Québec avait diffusé en boucle une vidéo du Premier ministre en train de baiser avec un cochon. [Par ailleurs, si vous n’avez pas vu Black Mirror, vous devriez.]
En fin de semaine, deux skieuses montréalaises ont remporté l’or et l’argent à Sotchi. On les félicite, bien joué, un beau high-five bien mérité. Mais encore là, des commentaires sans aucune mesure ont fusé de toutes parts. « Je braille non-stop depuis trois jours. cc @les Soeurs Dufour-Lapointe. »
Et j’ai un problème avec ça.
Parce que si tu pleures non-stop depuis trois jours parce que deux inconnues ont été plus vite que d’autres à descendre une montagne, je veux dire… qu’est-ce qui va arriver quand ta grand-mère va mourir? Tu vas prendre une année sabbatique?
C’est là le problème de l’hyperbole galopante. Elle ne laisse plus de place à grand chose.
Il fut un temps où, quand quelqu’un disait quelque chose sur Facebook et qu’on voulait acquiescer, on appuyait sur Like. Puis, on a commencé à dire « +1 », parce qu’il fallait bien qu’on souligne que notre like n’était pas simplement une bête appréciation: il fallait ajouter notre voix au chapitre. Mais ça, c’était il y a trois ans. Maintenant, « +1 », ce n’est pas assez. Rien en bas de « +1000 », franchement. On écrit en commentaires pour déplorer qu’on ne peut pas liker plus d’une fois. On annonce qu’on « surlike ».
On trouve un drôle de compte Twitter? Il ne suffit pas de le partager et de dire: « tiens, ça c’est drôle ». En bas de « je pleure de rire en me pitchant sur les murs », ça n’apparaît même pas sur notre radar de choses dignes d’intérêt.
On pourrait peut-être se calmer, un peu.
Vous savez, c’est possible d’aimer un restaurant sans vouloir se marier avec. C’est possible de voir quelqu’un de plutôt beau gosse à la télé sans instantanément déclarer qu’on veut TOUS SES BÉBÉS. C’est même possible, croyez-le ou non, de lire de la poésie sans « brailler toute sa vie de beau ».
Parce que les mots ont un plafond, et il faudrait en être conscient. Vivre sa vie en caps-lock, ça doit finir par être épuisant, mais surtout, un moment donné, on finit par ne plus avoir de marge de manoeuvre. Quand chaque instant est majestueusement incroyable et quand chaque personne est parfaite, ou à l’inverse quand tout est pourri, honteux et rempli de caves finis, on en vient à ne plus savoir quoi faire quand on est confronté à quelque chose de majestueusement incroyable pour vrai, quand on rencontre la personne parfaite, ou quand on veut s’indigner réellement contre quelque chose de vraiment terrible.
Alors faites-vous plaisir, et apprenez à (d)écrire vos vies avec des mots qui se trouvent quelque part entre « atroce » et « épique ». Apprenez à dire que vous avez eu les larmes aux yeux, des fois, ou à trouver quelque chose de « pas mal bon » sans que ce soit la meilleure chose que vous avez vue de toute votre vie, parce que tout le monde s’en rend compte, même toi, que la « meilleure chose que t’as vu dans ta vie » change visiblement à chaque trois jours. Même si c’est plate, des trois étoiles et demie, des fois… la vraie vie réside aussi dans les nuances.
<3 x 1000 à tous.