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Il semble que même dans le domaine de la beauté féline, les critères traditionnels pèsent lourd sur ceux qui n’y correspondent pas. Et Atchoum, joyeux chat domestique de 2 ans et demi, est vraiment loin du compte. Tellement que sur Internet, certains lui souhaitent de mourir.
Vraiment, le monde? De la cyberintimidation envers un chat?
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La rencontre
Quand, début 2014, elle a pris chez elle cette étrange boule de poil pour dépanner une collègue qui l’avait d’abord adoptée, Nathalie Côté – une toiletteuse dans une clinique vétérinaire de Repentigny – ne se doutait pas qu’elle en tomberait amoureuse. Elle savait que le chaton avait des frères et soeurs aînés avec de drôles de caractéristiques; des dents pratiquement inutilisables, des problèmes cardiaques, des griffes qui ne se rétractent pas et des os qui craquent. Mais elle ne comprenait pas tout à fait dans quoi elle s’embarquait quand elle a demandé à sa collègue si elle pouvait le garder.
Atchoum souffre en fait d’une tare génétique, l’hypertrichose, surnommée «la maladie du loup-garou».
Après des semaines à chercher ce qui pouvait expliquer les différences anatomiques d’Atchoum qui prenaient forme tranquillement, Nathalie et sa collègue vétérinaire ont découvert que la bestiole souffrait d’une tare génétique, l’hypertrichose – présente également chez les humains et surnommée «la maladie du loup-garou», mais peu apparente chez un chaton.
Si vous avez déjà vu des images de gens au visage complètement recouvert de poils, souvent présentés comme phénomènes de foire au 19e siècle, il est fort probable que vous ayez en fait observé des personnes atteintes de ce dérèglement hormonal très rare, qui serait à l’origine du mythe du loup-garou.
La consécration
Sauf que Nathalie Côté, elle aimait tellement la petite bouille singulière d’Atchoum qu’elle a décidé de lui faire une page Facebook juste à lui, après que sa fille adolescente se soit plainte de l’abondance de photos du chaton sur le profil de sa mère. Atchoum qui mange, Atchoum qui dort, Atchoum qui joue, même Nathalie savait que ça commençait à être excessif.
En une nuit, la page d’Atchoum était passée de 200 à 10 000 fans.
Et un soir, environ un an plus tard, alors que la famille Côté est au lit, un blogueur tombe sur la photo du chat, qui avait entre-temps développé une forte pilosité couplée aux yeux perçants qui font sa différence. Il l’a envoyée au populaire site Buzzfeed, qui l’a publiée aussitôt.
Au réveil, la page Facebook d’Atchoum était passée de 200 adeptes à plus de 10 000. Le téléphone de Nathalie Côté vibrait au rythme des demandes d’entrevues. Une étoile était née et de quelques heures par semaine à entretenir la page Facebook de son chat pour le plaisir, Nathalie avait presque un deuxième travail.
La triste réalité
Sauf que ce n’est pas tout le monde qui était charmé par l’aspect biscornu du minou. Des messages haineux ont commencé à apparaître dans la messagerie d’Atchoum.
«Ce chat mérite de mourir.»
«Je prendrais de l’essence et je te ferais brûler ça, cette créature du démon.»
Après quelques semaines, les gens en sont revenus, faut croire, parce que la tornade s’est calmée. Mais début novembre 2016, la tempête est repartie lorsqu’un blogue a publié un mème qui présentait une photo d’Atchoum avec la mention: « Est-ce un chat ou un chien? » En une heure, le mème avait été partagé 22 000 fois. Et la valse des insultes avait recommencée.
Nathalie sait bien que son chat n’est pas directement bouleversé par les commentaires désobligeants qu’elle reçoit. Mais ça n’empêche qu’elle est souvent surprise de la violence des messages.
« C’est étrange, mais j’ai remarqué que les pires messages viennent toujours de Québécois. Des fois, je vais voir les pages Facebook des gens qui les envoient et ça me surprend toujours; ce sont des gens qui ont l’air respectable. J’ai découvert que l’une des pires est psychologue. Je m’inquiète pour ses clients! »
«Au début, je prenais ça plus à cœur ; ça me faisait vraiment de la peine. Je ne comprenais pas que les gens ne se rendent pas compte qu’il y a quelqu’un derrière l’écran. Mais j’ai compris que je devais bloquer les gens agressifs, ça m’affectait trop.»
Réconciliation
Bien sûr, Nathalie reçoit régulièrement des messages de gens qui disent attendre la publication quotidienne d’une nouvelle photo d’Atchoum avec impatience, qu’il s’agit de leur «rayon de soleil» dans leur journée. Ce sont souvent des gens seuls et Nathalie le comprend. Un homme atteint d’hypertrichose l’a même contactée pour la remercier de présenter sa maladie sous un si joli jour.
Elle le sait, Nathalie, qu’Atchoum rend heureux plus de gens qu’il n’en dégoûte, alors elle continue, chaque jour, à offrir un petit cliché de son loup-garou à ses admirateurs.
Pour sa part, Atchoum continue à vivre sa vie de chat, à attendre ses maîtres devant la fenêtre, à se faire peigner les poils chaque jour pour éviter qu’ils ne lui envahissent le visage, à ronronner quand Nathalie le flatte. Et à faire jaser Internet, bien sûr.
Atchoum est aussi la vedette d’une bande dessinée sur l’intimidation.
Pour lire la suite du magazine spécial chats, c’est par ici : «Les 5 chats qui règnent sur le web».
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