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De ce que je connais de la culture hip hop…
J’en connais pas trop sur ce qu’ils appellent le «rap game». Je ne suis pas au courant des clans et des chicanettes actuelles. J’ai déjà voulu très fort, mais j’ai abandonné. Probablement que cette culture recèle trop de testostérone pour que mon intérêt s’attache à long terme. Mais durant cette période où je trouvais ça tellement brillant, des petits gars de la rue qui s’expriment en vers et qui maîtrisent mieux la grammaire que Claude Poirier et Laurie d’Occupation Double, je me suis intéressée à Manu Militari.
À la sortie de son premier album en 2006, Voix de fait, je lui avais demandé une entrevue. Je voulais voir de quoi était fait ce gars dont les voyages aux quatre coins du monde inspiraient les textes et qui citait des références aussi sophistiquées que, mettons, Nelly Arcand. De pas grand chose, finalement. Putain, il ne l’a pas lu. «Il est pas mal plus intelligent que ses fans, mais pas mal moins intelligent que ses fans croient qu’il l’est», m’expliquait récemment un participant de la scène locale.
À l’époque, Manu m’a donné ma pire entrevue à vie, répondant par «oui» ou par «j’m’en fous» à des questions qui en demandaient beaucoup plus. Plus tard, j’ai réalisé que ce n’était pas parce qu’il était plus fin qu’un autre, que j’avais pataugé pour lui extraire un peu de substance. Avec l’expérience, j’ai compris que les gens qui donnent de mauvaises entrevues sont soit des timides, soit des pas habitués, ou soit des gens qui s’accordent trop d’importance. À l’époque, Manu devait être un peu des trois. Maintenant, il est juste un peu plus habitué, c’est tout, et il réussit à se mettre du monde à dos presqu’à chaque fois qu’il ouvre la bouche, que ce soit Stephen Harper, Cœur de Pirate ou, dernièrement, toute la communauté hip hop ET estudiantine. Mais Manu demeure aussi un être singulier, moins attachant qu’inintéressant, une sorte d’autiste du milieu, qui ne correspond pas toujours à ce que la culture hip hop attend de lui.
Dans la dernière entrevue qu’il a accordée au journal Métro, il expliquait en substance qu’il n’en avait rien à foutre, des autres rappers, et que tout ce qui l’intéresse, c’est lui. Évidemment, tout ça prend des allures pompeuses quand on le cite jusqu’au bout, lorsqu’une phrase de trop comme «Je regarde vers le haut, pas vers le bas» tombe de sa bouche. Reste que si Manu n’a pas envie d’inclure d’autres artistes que lui à ses records, c’est son affaire.
La culture hip hop est faite de codes parfois encarcanants, et les carcans sont, par définition, des freins à la créativité. Il en va de la survie de toute culture de s’en soustraire à l’occasion. On m’a déjà dit le plus sérieusement du monde que l’homophobie faisait partie de ces codes. Deal avec ça. Les featurings sont, ainsi, partie prenante de cette culture. Moi, j’ai rien contre ça, mais Manu, ça l’intéresse pas, n’en déplaise à ceux qui s’y adonnent. Dans la culture avec un grand C, y a plein d’artistes qui veulent s’exprimer seuls, et ça ne fait pas d’eux des égocentriques finis. Est-ce qu’on se formalise du fait que Marc Séguin, Richard Séguin ou Lorraine Séguin travaillent seuls? Pas vraiment.
Ah, mais c’est aussi le bout où il dit que les étudiants sont des bébés gâtés qui se plaignent la couche pleine et que ça lui a pris du temps avant de dire ça parce que les trois quarts de son public appartient à ce mouvement, qui dérange. Au moins, ça a le mérite d’être honnête… après coup. Mais je ne suis pas certaine que cette sortie lui coûtera si cher. Il y a tout un public pour ça. Lui, notamment.
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