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Dave Chose : Un homme et son flip phone
Bidouilleur de chansons à la fois déstabilisantes comme des confidences et réconfortantes comme le soleil dans l’introspection d’une cigarette de balcon, Dave Chose lance cette semaine un premier album : le bien nommé Dave Chose. On y découvre une voix mature, beaucoup de cheveux, des textes d’une belle naïveté qui explorent le p’tit gars de l’humain. Le tout prend son sens dans une musique aux mélodies audacieuses et aux textures délicieusement complexes qui flirtent avec le grunge lourd et le folk-rock à tendance emo.
Sous étiquette Bonsound, ce premier effort en carrière solo sent bon le vestiaire. Presque deux ans de travail en studio avec une équipe impressionnante : Benoit « Ben Bouch » Bouchard et Nicolas Beaudoin à la réalisation, Jonathan Bigras sur la batterie, ainsi qu’une panoplie de collaborateurs tels Alex McMahon, Julien Sagot, Dany Placard, ainsi que Louis-Philippe Gingras aux arrangements de cordes.
Oui, l’aujourd’hui fébrile Dave Bilodeau est un ami de l’auteur de ce texte. Ami proche. Genre, il m’écrit pour me demander de lui texter des niaiseries pour faire vibrer téléphone perdu. On parle de nos grand-mères ou on écrit des bouts de tounes ensemble. Bref, plus de secret pour vous, Dave est un chum, un être foncièrement touchant, au rire pyrotechnique. Voici donc une entrevue-pétage-de-broue, enregistrée autour d’un petit déj bien gras au chaleureux restaurant Bercy, dans le Centre-Sud du Montréal d’adoption de Dave Chose.
LPG : Qu’est-ce que t’as commandé, Dave?
Dave Chose : Un déjeuner du chef! C’est comme deux œufs, patates, rôties, café, bacon, jambon, saucisse, fèves au lard pis probablement une p’tite tranche d’orange dans le coin.
LPG : C’est comme le déjeuner du trucker, sauf qu’y a pas de truckers ici?
Dave Chose : Ouais, c’est le déjeuner du chef. Ma mère travaille dans un resto à déjeuners à l’Ascension[-du-Seigneur], mon village. Ça s ’appelle « Le Club de la Patate ». Sauf qu’astheure c’est genre le « lub de la atate », y manque des lettres. Depuis que je suis petit, je me fais un devoir de me rappeler du déjeuner numéro 1 là-bas. Faque le déjeuner numéro 1, c’est un œuf-bacon-patates-rôties-café au Club de la Patate.
LPG : Tu parles du Lac-Saint-Jean; toi et moi on a en commun d’être des exilés de régions dites « éloignées » qui ont fait le chemin vers Montréal. Es-tu heureux de ton move?
Dave Chose : À la base, mon move n’était pas de venir faire de la musique. C’était d’aller à l’université, où je suis resté pendant quatre ans, pour étudier le cinéma. La musique, c’était pas une option parce que j’étais pas capable de faire des shows.
LPG : Tu faisais de l’angoisse de show?
Dave Chose : Ouais, j’avais trop peur. Plus jeune, j’ai vécu des expériences où j’oubliais tous mes accords, pas capable de chanter, j’oubliais toutes mes paroles pis j’étais pas capable de rien faire, comme un esti de pic. Pis next thing you know, c’est majoritairement ce que je fais en ce moment.
(Bouchée de bacon)
Mais oui, je suis ben ici. Pis je tripe à habiter dans Hochelaga. Y’a quelque chose de très village : la madame qui sort sur son balcon pour dire à l’autre qu’hier y’a donc ben neigé. Se faire reconnaître par la madame du dép’ pis qu’elle sache que tu fumes des John Player 25 régulier.
LPG : Me semblait aussi qu’on a la même marque de tops.
Dave Chose : Ouais, on fume la même affaire. Faque oui, pis c’est ici que j’ai fait un album avec des gens qui font de la musique avec les tripes.
LPG : Méchante équipe de feu! C’était un long processus d’enregistrement, est-ce que le produit final ressemble un tant soit peu à ce que t’avais en tête quand t’as commencé le projet?
Dave Chose : Crisse, bizarrement, oui! L’idée, c’était de faire quelque chose qui restait fidèle à ce qui se passait dans les tounes, mais d’aller chercher un spectre plus large qui nous sortirait du folk. Y a des trips de mélomanes sur cet album-là, de mégalomanes en fait. Y’a quand même de l’orgue d’église, ça c’est mégalo en tabarnac!
Je voulais qu’il y ait une dichotomie entre les paroles et la musique. Chez Françoise, par exemple a un refrain explosif pis grandiose. Je suis sûr que si on demandait à quelqu’un qui ne comprend pas le français de nous dire de quoi parle la chanson, il ne dirait pas que ça parle de vomir dans un lit avec une fille pis d’aller au dépanneur chercher du thé glacé. Il te dirait que c’est comme… Aladin sur son tapis volant! C’était ça le but à la base, créer une confrontation entre le petit des paroles et le grand de la musique.
LPG : Es-tu un gars qui écrit beaucoup?
Dave Chose : J’ai tout le temps beaucoup écrit, mais l’affaire que j’ai le moins écrit, c’est des tounes.
LPG : T’écris aussi de la fiction?
Dave Chose : Quand j’étais flo, oui. À 11-12 ans, quand on a eu internet à la maison, je me suis ramassé sur des forums de jeux vidéos. J’ai trouvé ce qui s’appelle encore des fan fictions. Je me suis mis à écrire des mash-ups d’histoires de jeux vidéos. Genre Blood and Fire 3 mélangé avec Final Fantasy 8. Pis plus j’ai vieilli, plus j’ai laissé aller mon imagination.
Plus tard, je me suis mis à écrire des nouvelles flyées, de l’écriture automatique. Mes tounes aussi, ç’en est de l’écriture automatique. Y’a une mélodie qui me pop dans la tête en même temps qu’une phrase pis je sais pas ce que la phrase veut dire. C’est pour ça que j’ai de la misère à finir des tounes. Vient tout le temps un moment où je sais pas ce que je veux dire avec cette toune-là. Dans le fond, je sais pas où je m’en vais.
LPG : La chanson Le grand départ parle entre autres de Pro-spec [une compagnie en événementiel qui donne du travail à plusieurs musiciens et musiciennes de Montréal, dont Dave et moi à l’occasion]. Dirais-tu que tes jobs manuelles ont eu un apport sur ta créativité ?
Dave Chose : Ça c’est clair! Les moments où j’ai eu le plus envie d’écrire des tounes et où j’ai eu le plus d’idées, c’est quand j’étais à la job en train de forcer sur quelque chose de lourd. Ce que tu vois, pendant ces jobs de bras, c’est plein de beauté. Pis tu restes éveillé. La jobine nous aère l’esprit pis le corps. Dans ce temps-là, t’as pas le choix de finir par écrire une toune.
(grosse bouchée de patates)
Chez Françoise, ça a été écrit tout au complet sur un shift de Pro-spec, au Palais des congrès, dans l’top. As-tu déjà travaillé là ?
LPG : Juste une fois, au Salon de l’Auto. Dans l’top? Ah, en haut-là?
Dave Chose : Là où tu descends les fils par les trous. Je travaillais là. Chu allé fumé une top avec un gars, Tommy Garceau, pis j’y ai dit « Hey man, on dirait que j’ai envie d’écrire une toune qui dit “Tu goûtes meilleur que le thé glacé” » pis y’a trouvé ça vraiment drôle. Je suis remonté pis 10 heures plus tard, j’avais une toune, enregistrée dans mon flip phone. Chu arrivé chez nous y manquait juste à mettre les accords là-dessus. Pis c’était faite!
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Dave aime son flip phone.
La serveuse : Je peux ramasser ça ?
Dave Chose : Oui, merci beaucoup!
Dave Chose lance l’album Dave Chose au Ministère (4521 St-Laurent, Montréal) ce jeudi 26 avril. Portes 20h. Détails ici.
En attendant, on écoute Dave Chose ici.
Et on le suit là.