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Data Detox Challenge

8 jours pour retrouver sa ligne numérique.

Par
Wilfried Devillers
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Fuite de données à Yellowknife, affaire Cambridge Analytica ou Timehop, aujourd’hui nos données personnelles se vendent et/ou se volent presque aussi facilement qu’un paquet de bonbons au Dollarama. À qui la faute? Probablement un peu à Mark Zuckerberg ou Sundar Pichai les boss du data business, respectivement grands papes de Facebook et Google. Mais c’est surtout de notre faute à nous, les petits utilisateurs quotidiens qui consomment à tout va des services gratuits et émiettent ci et là leurs données, tels de Petits Poucets du XXIe siècle. Dans l’ère du big data, l’heure devrait être à la diète des données, au régime électronique, à une prise de conscience généralisée. C’est ce que propose la fondation Mozilla avec le Data Detox Challenge, huit jours pour mieux maîtriser ses données. Notre chroniqueur Wilfried Devillers vous raconte sa détox.

À vrai dire, voilà plusieurs mois, voire des années que je ne me sens plus très à l’aise avec mon second moi, celui qui vit sur la toile. Aujourd’hui, publier une photo sur Instagram, liker un post Facebook et même faire une recherche sur Google me donnent l’impression d’être épié, parfois au plus profond de mon intimité. Un peu comme si un paparazzi particulièrement pervers me suivait à la trace, le doigt sur la gâchette. Alors j’ai décidé de partir à la reconquête de mon équilibre numérique en participant au Data Detox Challenge. Lancé par la fondation Mozilla et le Tactical Technology Collective, le principe est particulièrement simple : 8 jours, 8 exercices, 15/20 minutes quotidiennes pour se sortir de ce data-marécage.

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Jour 1 – Les pieds dans le plat

Je commence par faire un bilan, la base de toute détox. Première démarche, je passe mon profil au scanneur. « OK Google, qui est Wilfried D. ? ». Ce que je découvre au fil des recherches me fait un peu peur. À trop consommer le web, j’ai laissé un sacré paquet de traces. Bien trop visibles à mon goût.

Passé le premier check-up je passe du côté obscur pour voir ce que la firme américaine sait de moi. En deux clics direction Google Activity, une interface qui permet de retracer tout l’historique de mes activités sur le moteur de recherche et ses différents services. Qu’on se le dise, le bilan c’est vraiment la pire affaire. On se rend compte à quel point on s’est enfoncé jusqu’au cou dans un marécage dont on va mettre mille ans à sortir. En parcourant mon historique Android j’apprends que j’ai ouvert six fois des applications sociales dans la dernière heure, que je passe beaucoup trop de temps sur les réseaux et que j’ai utilisé Google Maps trois fois en sortant d’un bar juste après la finale de la Coupe du monde de soccer. Note à moi-même : l’heure est à la detox pure et simple.

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En fouinant un peu, je réalise que les données que j’égrène dépassent de loin mon simple historique de navigation. En utilisant les services de Google, j’accepte finalement que la firme connaisse ma position heure par heure grâce à la géolocalisation de mon téléphone intelligent, les mots que je tape le plus souvent sur mon navigateur et tous les commentaires trolls que j’ai postés sur YouTube en rentrant de soirée un peu bourré.

Jour 2 – La gueule de bois

Oh boy, je nage dans le grand bain du marché de la data, ce paradis des pipes de la Silicon Valley, qui s’échangent des milliers de petits morceaux de nos vies contre des millions de dollars. Le deuxième jour commence par une sacrée gueule de bois… et par une question : « Are Google and Facebook your BFF ? ». Une question qui fait mal. Les services Google ? Gmail, check. Maps, double check. YouTube, check. Drive, check. Chrome, check. Au final Sundar Pichaï (rappelez-vous, le boss de Google), possède à lui seul les trois quarts de ma vie virtuelle. Le reste, je l’ai confié à Mark et ses petits potes de Cambridge Analytica.

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Pour bien me rendre compte de l’emprise de Facebook, je télécharge le plug-in What Facebook thinks you like, uniquement disponible sur Chrome (il n’y a pas de hasard). Conclusion : Facebook et Google me connaissent par cœur, du son de ma voix à mes goûts musicaux parfois plus que douteux.

Jours 3 et 4 – Le ménage de printemps

L’heure est venue de taper dans le gras, histoire de remettre un peu la main sur le peu d’e-dignité qu’il me reste. C’est le début de la diète. Première étape : modifier les paramètres de confidentialité de Facebook et Twitter. Ciao les tags sur mes photos de fin de soirée, adieu le profilage publicitaire par genre et le référencement sur les moteurs de recherche. J’en profite également pour restreindre encore un peu plus l’accès à mon profil et je modifie mon nom sur Facebook. Entre nous, c’est contraire aux règles d’utilisation, suffit juste de pas se faire pogner.

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Le data detox kit me propose ensuite de m’attaquer aux navigateurs, type Chrome, Opera ou Edge (ce dernier que vous ne devriez pas utiliser à moins d’être de sombres fans de Windows Millenium). « Le diable est dans les détails. » Comme de méchantes graisses qui viennent se loger où bon leur semble, sur le web, les trackers se fixent un peu partout, sans qu’aucun navigateur ne propose par défaut des réglages pour les bloquer. Alors il faut que je fasse ça moi-même : je me mets à utiliser le plus souvent possible le mode fantôme de mon navigateur, je change régulièrement de moteur de recherche et j’ai téléchargé tout un paquet d’extensions pour me garantir un meilleur anonymat sur la toile. Pour les utilisateurs de Mozilla, c’est par ici.

Jour 5 — Faire taire mon téléphone intelligent

Qu’il soit dans ma main ou dans ma poche, mon téléphone intelligent balance en permanence mes données personnelles sur tous les réseaux auxquels il peut se connecter. Où je passe la nuit et avec qui. La porn que je consomme et à quelle heure. En bref, c’est un peu comme garder dans sa poche un petit espion personnel. Une belle preuve du masochisme de nos sociétés modernes. Sans tomber dans la paranoïa généralisée, je commence par changer le nom de mon téléphone. Ensuite je désactive la géolocalisation de mon téléphone et les données ou le réseau wifi quand je n’en ai pas besoin.

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Suivant le guide, je télécharge Architecture of radio (attention c’est payant, mais vraiment pas cher). L’application cartographie les ondes électroniques émises par les antennes relais de téléphonie mobile.

Jour 6 – La cure de désintox

Il faut que je me rende à l’évidence : quoi que je fasse, mon téléphone continuera de disperser mes données à tout vent. Pour m’en convaincre encore un peu plus, je calcule mon Indice de Masse Informationelle. Il suffit que je compte le nombre d’applications installées sur mon téléphone, plus il est élevé plus mon exposition à la fuite de données est importante.

0 – 19 Exposition très faible

20 – 39 Exposition faible

40 – 59 Exposition moyenne

60 – 80 Exposition élevée

80 ou plus Exposition très élevée

Résultat des courses : 70 applications installées. Je ne me suis jamais senti aussi nu en ligne. Plus qu’une chose à faire : je commence à supprimer massivement toutes les applications sur lesquelles je ne traîne plus depuis 1000 ans. Une vingtaine de delete plus tard, je ne sais plus trop quoi faire. Ça fera l’affaire pour ce soir.

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Jour 7 et 8 — Tenir la distance

Après une semaine de detox où est-ce que m’a menée cette guerre ouverte contre la fuite de mes données personnelles ? Une chose est sûre : j’ai perdu une bonne partie de mes kilo-octets superflus. J’ai bien une paire de nouvelles applications, mais elles sont presque aussi saines qu’une salade de quinoa pour dîner. Il faut maintenant que je prenne l’habitude de sécuriser mes connexions, que j’utilise un VPN de temps à autre, et que j’arrête d’accepter n’importe quels termes et conditions sans quelques petites vérifications (pour ça c’est ici). Et surtout il faut que je veille à ne pas céder à de petites gourmandises, comme un excès de likes sur Insta ou Facebook. Finalement, moins je laisse passer d’informations personnelles, plus sereinement je navigue sur Internet. Tout est affaire de contrôle soit. Et dans le fond, si je craque, il ne me reste plus qu’a télécharger Adnauseam, une belle extension qui camoufle l’activité d’un utilisateur en la noyant dans un océan de publicités qui s’activent en arrière plan.

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Voilà, il ne me reste plus qu’à me fixer de petits objectifs quotidiens en transformant mon challenge d’une semaine en ultra trail numérique. Un exercice de longue haleine, car vous savez ce qu’on dit : chassez la data, elle revient au galop.

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